Chapitre 22

82 13 13
                                    

Le retour du Bataillon d'Exploration fut loin d'être glorieux. Chacun tentait de garder la face lors de la traversée du district de Karanes, devant les civils qui murmuraient sur l'incompétence de l'état-major. Liesel savait que cette étape aurait du mal à passer. Son grand-père lui avait souvent raconté comment les retours d'expéditions se passaient, et encore : lorsqu'il faisait partie du bataillon, ce dernier était bien moins critiqué. Peut-être parce que lorsqu'il y était entré, plus de cinquante ans auparavant, les gens avaient encore l'espoir de battre un jour les titans. Après un second demi-siècle de massacres inutiles, malgré les avancées techniques impressionnantes, les victimes avaient continué à pleuvoir, augmentant inévitablement le nombre de détracteurs de cette unité.

Liesel s'était, une fois de plus, détachée de ce qu'il se passait autour d'elle. Comme lors de la seconde apparition d'Eren à Trost, elle avait refermé sa bulle pour se concentrer sur l'essentiel. En l'occurrence, ce qu'elle avait compris à la lisière de la forêt des arbres géants, avant que l'escouade tactique soit massacrée et le retour chaotique des survivants dans l'enceinte des murs. Il y avait un ennemi au sein des troupes. Elle ne savait pas qui il était, ce qu'il voulait ou pour qui il se battait. Mais il y en avait un. Enfin, pour être honnête, le Major pensait qu'il y en avait un, ce qui suffisait aux yeux de Liesel à rendre l'hypothèse plausible. Et puis, maintenant qu'elle y réfléchissait bien, ça lui apparaissait comme évident. Le titan cuirassé, et le titan colossal, étaient forcément humains, tout comme Eren, capables de prendre la forme de titans. Ils avaient, après tout, disparu immédiatement une fois leur crime accompli. Quoi de plus facile pour eux que se mêler ensuite à la population ? Il suffisait que l'un d'entre eux, ou un complice, ait pu intégrer l'armée, saper ses efforts de l'intérieur, pour tuer la menace dans l'œuf. Car à présent, Liesel en était certaine. Ils étaient une menace. Elle avait beau ne pas savoir pourquoi, il fallait bien une raison à tout ce massacre. S'ils n'étaient pas dangereux d'une manière ou d'une autre, des êtres humains ne tenteraient pas de les éliminer. On ne tuait pas pour le plaisir, on tuait pour se protéger, ou pour se nourrir. La seconde hypothèse était hors jeu d'office. Alors de quoi avaient-ils peur ? C'était ce qu'il faudrait découvrir. 

Une autre question la taraudait. Si, comme elle le pressentait, les titans qui avaient mené l'attaque sur Shiganshina étaient bien humains, d'où venaient-ils ? Pas de l'enceinte des murs, c'était impossible. Pourquoi détruire les terres qui les avaient vu naître ? Pourquoi risquer de tuer ses proches en lançant une attaque massive ? À moins que ces gens aient connaissance d'éléments qu'ils ne connaissaient pas, et se soient retournés contre l'humanité pour une raison qu'elle ignorait. C'était plus plausible, personne ne pouvait survivre en territoire titan. Elle soupira imperceptiblement tout en se passant un peu d'eau sur le visage, une fois descendue de cheval. Il y avait trop de zones d'ombre pour qu'elle puisse avoir la moindre piste consistante à se mettre sous la dent. Tout ce dont elle était sûre, c'était qu'à présent, il lui faudrait se méfier de tout le monde.

Elle resta dehors, ce soir-là, et se percha dans les branches hautes d'un hêtre, les jambes dans le vide pour les soulager de son poids. Elle sentait déjà les courbatures venir... Et son ventre, n'en parlons pas. Le côté droit de son abdomen virait lentement au violet. Elle aurait l'air d'une myrtille mûre avant la fin de la nuit.

« Je me doutais que tu étais là. » fit une voix en bas.

Elle se pencha et écarta le rideau de cheveux qui tombait devant son visage. Reiner. Bien évidemment. Un sourire lui échappa. Après une journée aussi éprouvante, aussi bien pour ses muscles que pour ses nerfs, le voir lui faisait du bien. Ne plus faire confiance à personne, s'était-elle dit en rentrant au quartier général. Une sage décision qui lui sortit immédiatement de la tête. 

LunaireNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ