La prunelle de vos yeux - Tome 1 : Révélations

27 - Récapitulons !

Le Directeur de l’Université des Gardiens n'en pouvait plus d’avoir à gérer Ashley Willowlief.

Le corps enseignant tout entier avait soupçonné le garçon de tricherie lors de sa première année à l’école. Ils s’étaient aperçus que, dès son arrivée, la moyenne de ses notes tournait toutes les semaines autour des 98% voire 99%.

Il y avait si peu de chances pour que cet enfant, sorti d'un orphelinat situé au milieu de nulle part, ait réussi ce tour de force sans tricher… c’était inconcevable !

Et pourtant… ils avaient tous oublié une chose : c’était le Conseil des Confins de l’Univers qui avait recommandé Ashley Willowlief et Thephys Naehien pour intégrer la prestigieuse école. Le Conseil se trompait rarement.

Ces deux-là étaient opposés comme le jour et la nuit : l'un aussi blond que l’autre était brun, l'un sauvage comme un chat maltraité, tandis que l’autre semblait vouloir aimer le monde entier. Cependant, les deux s’avéraient aussi intelligents, disciplinés, efficaces l'un que l’autre. Ce n’était pas pour rien qu'ils étaient classés premier et deuxième de l’Université depuis cinq ans.

Thephys avait toujours été amical et compréhensif, travailleur et humble, d'un caractère doux et juste, obtenant ainsi l’appréciation de tous les enseignants, comme celle de la majorité de ses camarades.

Ashley, lui, restait dans son coin, ne répondait que lorsqu'on s’adressait directement à lui, avait tendance à fixer tout le monde droit dans les yeux sans un mot (ce qui avait le don de déstabiliser, voire d'agacer sérieusement), et il obtenait des résultats scolaires si parfaits qu'ils en devenaient suspects.

Pourtant, avec le temps, le Directeur avait commencé à apprécier le blondinet qui avait l'air tellement plus mature que son jeune âge.

La première année, il l’avait mal jugé, mais ensuite il avait lui-même présenté des excuses à l’enfant. Au bout de cinq ans, le chef d’établissement devait reconnaître, même si le favoritisme n’avait pas lieu d’être, qu'Ashley était devenu… son préféré. Le vieil homme était sensible au début difficile que la vie avait réservé au meilleur étudiant de l’Université, et il fallait reconnaître que ce gamin avait le chic pour se démarquer tout en essayant le plus possible de faire profil bas.

Les deuxième, troisième et quatrième années d’Ashley furent… parfaites ; il n'y avait pas d’autres mots pour décrire son attitude.

Pendant que les autres élèves continuaient à l'accuser de tricherie, il s'était contenté de les ignorer sans faire de vagues, jusqu’à ce que l’administration mette un terme définitif aux soupçons en répétant démentis formels sur démentis formels. Le Directeur avait voulu joindre d’autres excuses aux annonces en faveur du garçon, mais le Conseil s'y était opposé, afin de maintenir la légitimité du corps enseignant face à ses étudiants.

L’affaire dura tout de même presque toute la deuxième année, obligeant un jeune d’à peine treize ans à subir les conséquences des erreurs des adultes.

Cela n'impacta en rien ses résultats excellents, aussi bien dans les disciplines académiques que celles plus physiques. Il gagna d’ailleurs magistralement les tournois de combats pendant ses troisième et quatrième années. Tout ça sans jamais prononcer un mot plus haut que l’autre, d’une obéissance et d'une politesse exemplaires vis-à-vis de ses professeurs, d'un calme olympien face à ses camarades.

On pouvait se demander pourquoi, avec cet abord si détendu et son physique avantageux qui se remarquait d’autant plus avec le passage du temps, il n’était pas populaire. Ce n'était pas qu'une question de jalousie de la part des autres. L’explication venait certainement de sa façon de se comporter : il semblait parfois si détaché qu’on pouvait se demander s'il ressentait quelque chose, ou si au contraire il en cachait beaucoup trop derrière ses sourires de façade. Comment se faire apprécier de ses pairs dans ce cas ?