Prologue - L'univers en haut

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La poussière tournoyait dans le rayon de lumière orange qui filtrait de la fenêtre. Le soleil se coucherait d'ici quelques heures, mais sa lumière était déjà orangée.

Dans un coin, des magnolias se tenaient immobiles dans un vase. Leur blancheur éclatante renvoyaient la lumière de l'après-midi. Un mur entier était couvert de fougères, et les autres étaient d'un blanc pur. Presque irréels, proches de l'onirique.

Et dans un coin, recroquevillé sur lui-même, il y avait un garçon d'une quinzaine d'années. La tête dans les bras, il restait immobile, silencieux.

Oberon, aussi appelée Uranus IV, est l'un des cinq satellites d'Uranus et le plus éloigné de sa planète. Les humains y ont trouvé refuge quand le climat sur Terre s'est trop détérioré et que les émeutes devenaient trop violentes. Tout le monde n'a pas pu y aller, seule une élite de plusieurs milliers de personnes. Coupées de la Terre, elles n'ont plus de nouvelles, et n'en demandent pas.

Et quand on s'approchait, on remarquait que le garçon n'était pas si immobile que ça. Ses épaules se secouaient très légèrement, et au vu de ses reniflements sourds, on pouvait deviner qu'il pleurait.

Bientôt, l'élu pourra revêtir son rôle. Il est encore un peu jeune, mais dans les années qui arrivent, le temps viendra où son pouvoir se libérera. Et à son éveil, tout Oberon sera là pour voir cela de ses propres yeux. Quand l'univers, dans sa toute grandeur, entrera dans son corps et parlera à son cœur. Le sublime à l'état pur approche.

En levant la tête, il dévoila un visage juvénile, mais marqué par les larmes. C'était un beau jeune homme, brun, habillé de blanc, et ses yeux brillaient intensément. On pouvait sentir que ce bout d'homme, ce n'était pas n'importe qui.

Il se sécha les yeux, puis les ferma en prenant une grande inspiration. Ses jambes se détendirent devant lui et il ramena ses mains au sol. Cela ressemblait à un rituel d'apaisement. Le silence régnait dans la chambre, et les rayons orange et or coloraient les pétales frais des magnolias.

Au jour de son éveil, l'élu pourra communiquer avec l'univers, et accomplir sa tâche, qui est d'y maintenir l'équilibre. Il contrôlera les étoiles et les flux et sera maître des cieux au dessus de tous. Enfant de l'aristocratie d'Oberon, il prendra l'épouse qui lui sera assignée pour former une famille exemplaire et saura mener une vie de modèle. L'espoir d'Oberon repose sur ses épaules.

Le jeune garçon finit par se relever et s'approcha à pas hésitants de la fenêtre. Il arriva à son niveau et posa ses mains sur le rebord, ses longues manches blanches tombant sur ses mains. Tout en respirant lentement, il balaya du regard le paysage qui s'offrait à lui et que le soleil, si petit dans le ciel, presque rouge, baignait de sa lumière. On disait que quand l'Homme était sur Terre, le soleil était plus près, et était toujours clair. C'était si dur à imaginer, surtout pour quelqu'un comme lui qui était né sur le satellite et n'avait connu d'autre sol que celui qu'il foulait de ses pieds.

Des bâtiments blancs, aux surfaces lisses, s'élevaient devant lui. Tous étaient pour la plupart très géométriques, sans fantaisies ni fioritures. L'un d'eux, le plus grand, supportait une coupole de couleur crème qui reflétait la lumière rougie plus que n'importe quel autre élément du tableau. Tout était très silencieux, on entendait simplement une rumeur au loin, montant de la ville.

L'adolescent porta la main à son cou et se mit à jouer avec la chaîne d'argent qui y était pendue. Le pendentif glissa entre ses doigts, puis le long de sa main, pour s'exposer à son tour au soleil et révéler le nom qu'il marquait dans le métal : Seungmin. Le jeune homme finit par le lâcher, et après avoir balayé l'entièreté du paysage du regard, il baissa la tête, presque vaincu. Les larmes n'étaient pas encore sèches sur son visage.

2166. Oberon, citadelle d'Umbere. Quinze heures de l'après-midi.

Seungmin aurait dû être à l'étude. Sa mère était très exigeante sur son éducation, lui rappelant sans cesse son rôle primordial dans la citadelle. Mais il n'y était pas allé, car il n'en avait pas la force. Pas ce jour-là. Trop de choses tournaient dans sa tête, et il en avait mal au crâne.

Bientôt, Seungmin contrôlerait tout.

Et rien n'était plus terrifiant que ce gouffre qui s'ouvrait sous ses pieds. Ce n'était plus la question que de quelques années. Tout passait si vite. Tout arriverait trop tôt, et il ne serait sûrement pas prêt. Et il ne savait pas s'il le supporterait.

Car dans sa vie, Seungmin n'avait jamais rien su contrôler.

L'élu, hein ?

Dans leur coin, les magnolias restaient figés. Le vent ne les atteignait pas, d'où ils étaient. On pouvait difficilement croire que dans ce paysage calme, presque emprisonné dans une boule de cristal, tout allait bientôt changer. Mais cela arriverait sûrement plus tôt qu'on ne le penserait.

Sur le rebord de la fenêtre, Seungmin serrait les poings si fort que les jointures de ses doigts blanchissaient. Il avait l'air calme, mais son cœur battait si vite. S'il ne contrôlait pas les battements de son propre cœur, que pouvait-il soumettre à sa volonté ?

Le soleil n'était qu'un point à l'horizon, de plus en plus rouge, de plus en plus loin.

Et trois ans plus tard, Seungmin se tiendrait dans ce même palais, dans la salle orbitale, et il rencontrerait la jeune fille qu'il devrait épouser. Son éveil aurait lieu, et la ville entière serait là pour le voir être dépossédé de lui-même.

Et en se baladant dans la salle, son costume blanc serré l'empêchant de respirer, il rencontrerait pour la première fois un regard qu'il n'était pas censé croiser.

Ce monde si pur, si blanc, serait définitivement bousculé.












𝑶𝒃𝒆𝒓𝒐𝒏 ᯽ 𝐒𝐞𝐮𝐧𝐠𝐣𝐢𝐧Where stories live. Discover now