| 2169 . SATELLITE D'OBERON, SECTEUR URANIEN. |
-J'aime bien voir n'importe quoi vu d'en haut. Quand on est dans un vaisseau, juste au-dessus de l'atmosphère, et qu'on voit les cités en bas et l'univers au-dessus. Comme deux mondes parallèles, esse...
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La nuit baignait la pièce d'une lueur bleutée. Dans un coin, des magnolias se tenaient immobiles dans un vase. En face du mur de fougères se dressait un magnifique piano de verre, à l'intérieur duquel des fleurs s'épanouissaient. Dans quelques jours, Oberon aurait fait le tour d'Uranus et verrait enfin le soleil se lever de nouveau.
Rien, dans le cadre ni dans le temps, n'avait changé.
En fait, rien n'avait changé du tout. Seungmin se tenait en face de sa fenêtre, le vent jouant doucement avec ses cheveux. Les lumières de la cité d'Oberon se reflétaient dans ses prunelles comme autant de lucioles dans le ciel. Au-dessus de sa tête, il pouvait apercevoir les étoiles, et parmi elles, la constellation du Poisson, silencieuse et noyée dans la masse.
Et rien n'avait changé. Le surlendemain, quand son temps de repos toucherait à sa fin, il reprendrait l'entraînement. Entre deux exercices, il essaierait de trouver du temps pour voir Ryujin, et le soir, Yeji serait rentrée et lui remonterait le moral. Nebo demanderait des câlins, il les refuserait ; il continuerait de passer devant cette porte condamnée sans se poser de questions, et bavarderait un peu avec Felix quand il le croiserait au tournant d'un couloir, des vaisseaux miniatures dans les mains. Au fond de lui, il ne sentait pas de vide, pas de manque. Il se sentait comme il s'était toujours senti, et le regard qu'il portait sur Oberon était le même.
Alors pourquoi, coincé quelque part dans la matrice, quelque chose semblait différent ? Cela ne venait pas de lui. Pas de son environnement non plus. Et à vrai dire, il savait précisément d'où cela venait, et ne comprenait toujours pas.
Quelques heures plus tôt, un parfait inconnu l'avait tenu dans ses bras et appelé « mon amour ». Seungmin savait qu'il ne l'avait pas imaginé. Il avait beau essayer encore et encore, les évènements qui avaient précédé sa perte de connaissance lui restaient inaccessibles. Et si le jeune homme qui était avec lui ne l'avait pas laissé indifférent, il ne parvenait pas à mettre de nom sur son visage.
Et encore moins à trouver d'explication rationnelle à tout cela.
À quel moment de sa vie bien rythmée d'Élu avait-il rencontré ce garçon, qu'avait-il pu se passer entre eux pour qu'ils se retrouvent sous ce dôme en pleine nuit et pourquoi diable avait-il tous ses souvenirs, sauf précisément ceux qui le concernaient ? Seungmin avait beau retourner la situation dans tous les sens, cette perte de mémoire partielle semblait trop ciblée pour être naturelle.
Et comment expliquer le comportement de cet inconnu ? Il lui avait dit qu'il n'y avait rien entre eux, qu'ils ne se connaissaient que « vite fait ». Mais il avait semblé avoir en lui tant de tendresse dans son regard et ses gestes, et il se remémorait parfaitement la détresse de sa voix quand il lui demandait de se réveiller. Pourquoi avait-il avoué qu'il ne reviendrait pas sur Oberon ? Et que tous l'avaient déjà oublié ici ? Qu'est-ce que ces mots cachaient ? Seungmin pouvait encore entendre sa voix entrecoupée de sanglots demander : « rendez-le moi ! ». À qui s'adressait-il ?
