Chapitre 42

2.8K 402 86
                                    

Elijah avait fait disparaître mes deux blessures dans un profond silence particulièrement déconcertant.

Je n'avais pas posé de question, mais j'avais été sidérée par cette faculté qu'il semblait posséder. Astan ne m'avait jamais parlé de quelconque pouvoir ou magie, avant ça...J'ai pensé pendant quelques instants avoir rêvé, mais ce n'était pourtant pas le cas.

Après cette guérison silencieuse, je prends le chemin du retour, l'esprit encombré de bien trop de questions et auxquelles je n'avais pas les réponses. La majorité concernait bien entendu Rod et les nombreux secrets qu'il semblait cacher.

Je pousse alors la porte de la minuscule maison d'Astan et nos regards se mêlent.

Il se lève à la seconde même de la chaise sur laquelle il était assis, et fait un pas vers moi, le regard inquiet.

Je sens qu'il veut me parler, mais qu'il ne sait pas par quoi commencer.

— Est-ce que ça va...?  Finit-il par articuler, les sourcils froncés.

Je hoche la tête, et me dirige vers le canapé afin de chercher mon pyjama que j'avais dû laissé dans les alentours.

— Ça va, je lâche, sans le regarder.

Je finis par trouver mon haut et continue de chercher le bas, évitant tout contact visuel avec Astan, qui semble pourtant pas très à l'aise et préoccupé.

— Est ce que la blessure va bien?

Je hoche la tête.

— Elijah a fait un bon boulot, je réplique.

Je continue alors à chercher mon bas de pijama sous le canapé, mais en vain.

Soudain, la voix d'Astan me tire à nouveau de mes pensées. Elle est douce et agréable pour une fois, sans arrogance et sans mépris.

— Je voulais te dire, Mia...

Il commence sa phrase mais ne la finit pas. Je me tourne alors vers lui, curieuse de savoir ce qu'il a me dire.

— Mmmmh?

Il passe alors sa main derrière sa tête, un peu mal à l'aise, comme s'il ne savait s'y prendre.

— Je ne suis certainement pas la meilleure personne à qui on peut se confier, mais si tu ressens le besoin de parler après l'agression que tu as subi...Si tu as besoin d'une oreille attentive...Je sais que tu as pu être traumatisée après ce qu'il t'es arrivé.

Je le fixe alors les yeux ronds, surprise de sa démarche.

Je suis touchée, en réalité.

Il n'avait jamais été comme ça avec moi: toujours dur, à juger tous mes faits et gestes, à se moquer de mes origines et de ma maladresse... Mais pour une fois il avait une démarche bienveillante et emphatique à mon égard, et ça me faisait chaud au cœur.

J'avais eu raison de penser que son apparence arrogante et désagréable dissimulait en réalité une bonne âme, un homme sincère et généreux. J'étais heureuse de ne pas l'avoir rangé finalement dans une case, même si au début je le trouvais méchant.

— Merci, Astan. Sincèrement..Mais...

— ...Mais, c'est peut-être un peu déplacé de ma part de te proposer une telle chose, c'est ça?

Je secoue la tête énergiquement.

— Non, non, pas du tout, ce n'est pas ça! J'apprécie ta démarche, mais je crois que ce dont j'ai juste besoin maintenant c'est d'un bon bain chaud et d'une longue nuit de sommeil. Ça a été compliqué pour moi.

Le jeune homme hoche doucement la tête et détourne le regard, un peu mal à l'aise.

— Je comprends. Je vais te laisser alors la salle de bain, pendant que serai dans ma chambre. N'hésite pas à me demander si tu as besoin de quoique ce soit.

— Merci.

Alors que je me dirige vers la salle de bain, Astan m'interpelle à nouveau.

— Mia?

— Mmmmh?

— Je me sens cons pour ce que je t'ai fait subir aujourd'hui. J'ai pas arrêté de t'embêter alors que toi tu étais sûrement traumatisée par ton agression...

Voilà pourquoi il était mal à l'aise depuis tout à l'heure.

C'est vrai qu'il m'avait particulièrement agacée à m'humilier devant toute son armée, mais en dépit de ça, je savais que ce n'était pas méchant. Il voulait juste se mettre en avant devant ses collègues, même si c'est vrai, j'avais eu une terrible envie d'exploser sa face de prétentieux tout entière, quand il m'a demandé de répéter ses phrases ridicules.

— Ce n'est pas grave. Tu ne pouvais pas savoir. Et puis, je me suis juste engagée à « me prosterner devant ton magnifique corps d'Apollon ». Rien de bien méchant, je vais devoir réussir à continuer à vivre à peu près normalement avec ça.

Astan laisse échapper un petit rire, alors que je commence à refermer la porte.

— Je peux te demander une dernière chose? Je réplique, en rouvrant la porte.

— Vas-y.

— Est-ce que vous utiliser de la magie?

Astan hausse un sourcil, apparemment surpris par ma question à laquelle il ne s'attendait visiblement pas.

— Qu'est-ce que tu entends par « magie »?

— Elijah a fait disparaître ma blessure juste avec ses mains. Et à moins que je sois atteinte d'hallucinations visuelle, je l'ai bien vu s'effacer au contact de sa paume. Je me demandais juste si vous avez accès à quelques pratiques un peu plus........mystique..., on va dire.

— Autrefois, les elfes utilisaient la magie élémentaire, mais on a progressivement perdu cette faculté, en se concentrant que sur l'apprentissage du combat et des armes. Certains d'entre eux, les plus expérimentés et les plus motivés continuent de l'apprendre en autodidacte, mais ce n'est pas très bien vu généralement. Le progrès veut qu'on ne se focalise plus sur nos racines mais sur ce qu'on peut apprendre de nouveau. La magie élémentaire rend davantage faibles ceux qui l'utilisent parce qu'elle puise en toi ton énergie. C'est pour ça que normalement, les guerriers ne l'utilisent pas: pour garder leur force physique intacte. Elijah fait exception.

— C'était impressionnant, en tout cas...

— J'imagine que ça doit l'être quand on vient d'un monde aussi ennuyeux que le tien.

Il n'était pas obligé d'ajouter la fin de cette phrase, un peu désagréable pour mes petites oreilles d'humaines.

Ne voulant chercher le conflit ce soir avec lui, je décide de changer de sujet.

— On fait quoi demain?

— Je dois aller m'entraîner avec Etna et Riffin, et hors de question que tu te tournes les pousses à rien faire. Tu veux qu'on t'apprennes davantage la culture de tes origines?

— Évidemment.

— Alors debout demain à six heure.

Ah...

Je hoche la tête.

— Ça marche.

Après tout, je rêvais qu'on me parle un peu plus de mes origines depuis que Rod m'avait révélé que j'étais une demi-Elfe. Il ne fallait pas que je laisse passer cette opportunité, car je savais que la bonne humeur d'Astan finirait par passer, tellement il était lunatique.

— Alors passe une bonne nuit, réplique-t-il.

— Merci, toi aussi.

À ces mots, Astan disparaît et je ferme enfin la porte de la salle de bain.

Les Peuples des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant