chapitre 74

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Vendredi finit par arriver.

Il est dix-neuf heure, on est rassemblé, Etna, Riffin, Astan et moi chez le demi-Drow en attendant que ce soit le moment pour partir retrouver Rod. Les jumeaux ignorent toujours l'objet de notre sortie nocturnes. On avait réussi à garder le secret Astan et moi, même si cela nous était difficile. On connaissait l'importance de ce que Rod nous avait demandé, par conséquent, on s'était tenu au plan de l'ancien lieutenant, sans faillir.

On est assis dehors, à une table, tous les quatre. On joue à un jeu de cartes que je ne connaissais pas jusqu'alors, un peu dur en réalité mais assez amusant.

Astan est un joueur hors pair. C'est lui qui gagne toutes les parties, sans surprise, alors que je les perds toutes.

Il y a-t-il réellement un domaine il peut rivaliser contre moi?

Pendant l'ensemble du temps de jeu, on ne se parle pas lui et moi. Mais, régulièrement, on se vole deux ou trois regards, pensant chacun de notre côté paraître discret. On le détourne à notre manière, moi par pudeur, lui d'une façon mystérieusement joueuse.

C'est comme un jeu. A voir celui qui se fera prendre avant, celui qui pourra observer l'autre le plus discrètement et le plus longtemps. Astan y est terriblement redoutable.

Il y a quelque chose d'hypnotisant sans son regard. Je ne serais dire ce que c'est. Comme si au moment où il connectait ses yeux aux miens, un effet anesthésiant affectait mon corps. Anesthésiant mais paradoxalement piquant. Agréablement, c'est vrai mais d'une façon tellement déroutante que je détourne régulièrement en premier le regard.

Un sourire très léger, presque invisible habille le coin de ses lèvres, comme s'il s'amusait intensément de la situation, comme s'il était satisfait de l'effet déstabilisant qu'il me produisait. Et, ça me frustrait.

Terriblement.

Ça me frustrait parce que j'avais inlassablement envie de prendre les devants, de le pousser dans ses retranchements, comme il parvenait à faire avec succès avec moi. Mais, je n'y parvenais pas.

Après une énième partie gagnée, Astan laisse échapper un autre cri de victoire, hurlant un cri de satisfaction. Riffin balance impulsivement ses cartes sur la table, arrivant pourtant en seconde place, frôlant une fois de plus la victoire.

— Tricheur, lâche Riffin, en poussant un énorme soupire d'insatisfaction.

— Jaloux, renchérit Astan.

— Tsssss...C'est l'excuse de tous les tricheurs ça...

— Et c'est ce que disent tous les jaloux, sourit Astan d'un air provoquant.

Soudain, une odeur de grillé me chatouille les narines, m'empêchant de suivre le cours de cette conversation extrêmement utile.

Je me lève brusquement, le cœur battant, avant de rentrer à l'intérieur pour me ruer à la cuisine.

— Merde! La tarte...! Je l'exclame.

Le demi-Drow, d'une grande générosité, avait accepté que j'utilise sa cuisine pour nous préparer un petit plat avant de partir retrouver Rod.

Et...il n'aurait peut-être pas dû.

Je retire du four à pain d'Astan ma tarte, éteint les flammes et observe le plat.

Légèrement cramée.

Bon, j'aurais pu faire pire.

J'attrape un couteau et commence à gratter les coins trop cuits, en me disant que forcément Astan s'amuserait à faire une remarque sur mon incapacité à cuisiner quelque chose convenablement.

Les Peuples des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant