Les Peuples des Ombres

Chapitre 87

|Elijah|

C'est à ce moment là qu'Elijah a vu défilé devant lui les principaux événements qui l'avait mené jusqu'à sa perte. Tout lui est revenu, comme ça, lui présentant à nouveau les différents moments de sa vie qu'il avait jusque là tenté d'oublier.

Il n'avait jamais vraiment eu de chance.

Né d'une relation extra-conjugale, il n'avait été dans les yeux d'Haleon Dathvetoror qu'un moins que rien depuis sa plus tendre enfance. Obligé de l'élever comme son propre fils pour ne pas éveiller les soupçons, il ne lui avait accordé aucun amour, aucune considération. Elijah avait grandi dans une famille qui ne l'avait jamais vraiment accueilli. Considéré comme une erreur par sa mère, il avait été ce fils batard qu'on regarde avec gêne et embarras, et qu'on évite à chaque instant où il demande un geste d'affection. Il voyait dans ses yeux que bien qu'elle l'aimait, son existence lui faisait rappeler inexorablement sa trahison envers son mari, et cette grossesse non désirée qui aurait pu détruire tout l'honneur éprouvé par les Elfes à l'égard le couple en apparence idyllique, jusqu'alors, s'il en avait appris le contexte.

Personne n'a réellement connu les véritables origines du petit garçon. La famille s'était efforcée de cacher ce secret, pour que jamais personne puisse connaître la vérité sur cette trahison. Interdit par sa cette dernière de tisser quelconque lien avec son véritable père, Elijah avait tenté désespérément de faire naître dans les yeux de celui qui l'avait adopté estime et fierté. Mais, les seuls regards qui lui étaient octroyés ne renfermaient que dédain, haine et mépris. Son père adoptif n'avait jamais réussi à l'aimer et a le considérer comme son fils.

Le jour, Elijah rêvait d'acceptation, la nuit il rêvait d'une véritable famille. À ce moment là de son enfance, il avait encore espoir d'un amour familiale. Il avait espoir qu'Haleon puisse le considérer comme son propre fils, à défaut de son véritable père de qui il avait été séparé, malgré lui. Ce n'était encore qu'un jeune enfant vivant, curieux, qui, naïvement, avait l'espoir que tout s'arrange bientôt.

S'il avait su...

L'environnement scolaire n'a pourtant fait que d'inhiber le jeune garçon, qui n'était qu'en quête de reconnaissance depuis son enfance. Très vite, il ne comprenait pas pourquoi il faisait fuir les autres élèves, pourquoi rapidement, les moqueries se sont accentuées. C'est vrai qu'il était différent: rêveur, pensif, un peu dans la lune...il avait du mal à se faire comprendre des autres enfants et à faire face aux lois de la jungle qui s'établissaient dans les cours des établissements. Pourtant, à ce moment là, il redoublait d'effort pour s'intégrer parmi ses camarades, pour jouer avec eux, pour faire partie d'eux. Sa naïveté lui permettait encore de croire qu'un jour les enfants l'accepteraient.

Il n'a jamais vraiment compris pourquoi au début de sa scolarité, il n'était pas arrivé à s'intégrer. Aujourd'hui même, il se pose toujours la question, demeurant dans l'incapacité d'apporter une véritable réponse.

Les moqueries se sont accentuées à la fin de l'école élémentaire, paradoxalement, à mesure que les enfants grandissaient et semblaient acquérir de la maturité. Délaissé, oublié, moqué, c'était la tête basse et les yeux humides qu'il espérait un jour que cette solitude soit comblée. Mais comblée par qui? Qui aurait pu faire sourire son doux visage pâle qu'il cachait timidement devant ses cheveux blonds clairs?

Le début du secondaire s'est avéré comme un véritable supplice. Les couloirs d'école étaient devenus un calvaire pour lui, les cours de récréation bien pires, et la vie entre les quatre murs de sa maison, un véritable cauchemar. A mesure qu'il grandissait, il s'était enfermé dans une profonde solitude, formant entre lui et les autres une barrière invisible, qui avait le rôle de le protéger de la dureté du monde extérieur. Il ne cherchait plus à se faire intégrer: la seule chose qui lui importait était de fuir cet environnement de terreur bien trop impitoyable pour un jeune garçon aussi sensible.