L'Appel du Colibri

Semaine 10

Lettre de Samuel

Je te souhaite le bonjour,

        Je crois que je vais détester revenir à me laver dans des toilettes publiques lorsque je devrai rendre cet appartement. Pardonne-moi, ce n'est pas une façon convenable de commencer une lettre. C'est seulement que je viens tout juste de me doucher et l'eau chaude m'était agréable, particulièrement aujourd'hui. C'est surprenant que je me fasse cette réflexion maintenant. Cela renvoie l'impression que je ne me lavais pas ainsi depuis longtemps alors que c'est récent, uniquement depuis l'incendie. Cela doit faire un bon moment que les choses simples n'ont plus de sens pour moi.

        Mais revenons-en plutôt à ce qui me préoccupe le plus. J'ai pris contact avec mon ancien supérieur. Il est toujours dans le business, à la même place, ce qui me facilite la vie. Je peux au moins me raccrocher à mes connaissances passées. Il paraissait un peu suspicieux, mais de longues années se sont écoulées sans aucun contact d'aucune sorte de ma part. Je n'y vois rien d'inquiétant. J'ai prétexté être en besoin d'argent, qu'il était temps pour moi de revenir et que cela faisait trop longtemps que je m'apitoyais sur mon sort depuis la mort de Julie et Aurore. Pour autant que je puisse en juger, il a mordu à l'hameçon.

        Je me suis remis à courir depuis ce matin également. Il va falloir que je retrouve un semblant de forme physique pour mener à bien la mission que m'a confiée Calvin.

        Depuis la dernière lettre, j'ai évidemment accepté sa proposition. Je n'avais pas vraiment le choix. Si je joue correctement mon rôle, je vais pouvoir récupérer un travail. Cela relève forcément de l'activité illégale donc le mot est peut-être mal choisi. Dans tous les cas, je pourrais retrouver un salaire, tout en me rapprochant de la cible à capturer. Je ne sais pas encore comment je vais en arriver là, encore moins tout en préservant ma position. Je vais devoir jouer tout cela avec prudence. D'après Calvin, celui que je dois piéger se terre au QG entre deux missions. C'est étrange. Je n'ai jamais vu un tel comportement avant à moins d'être recherché par la police et d'éviter au maximum les sorties. Calvin m'a affirmé que ce n'était pas le cas. Sa conduite se détache pourtant vraiment de l'ordinaire. Je pense qu'il y a des informations qu'il ne m'a pas transmises, mais cela ne devrait pas me pénaliser pour autant.

      De toute façon, je ne risque pas de lui poser davantage de questions. Nous avons depuis coupé toute communication. C'est plus prudent pour nous deux. C'est moi qui dois revenir vers lui lorsque je serai prêt.

 ̶S̶H̶

        Je viens tout juste de recevoir un coup de fil. On dirait que c'est bon. Mon retour se fera avec un colis à livrer dans deux jours. Je n'ai posé aucune question. Juste accepté. C'est ainsi que je travaillais avant. Le contenu me rend tout de même curieux maintenant, mais ce serait mauvais pour moi de chercher à en connaître la nature. Livreur. Ce n'est pas de grande envergure. C'est un travail assez bas sur l'échelle. Celui qui donne les ordres prend moins de risques que celui qui les exécute. Pourtant, même comme ça, il y a des boulots qui exposent plus aux dangers que d'autres. Les messages que je faisais passer, les interrogatoires que j'ai menés. Je prenais des ordres plus importants auparavant. Je suis clairement redescendu dans la hiérarchie. C'est un peu normal en même temps : cela fait cinq ans. J'ai dû perdre une bonne partie de la confiance que j'avais acquise. Je pense toutefois que je peux la reconstruire rapidement en quelques missions. Je vais prendre mes ordres des mêmes personnes que dans le passé. Si j'arrive à donner l'impression que je n'ai pas changé, cela devrait aller vite.

        En parlant de paraître mon précédent moi, je me suis rendu compte que je possédais encore la clé du gymnase dans lequel je donnais des cours de boxe. Je ne vais pas redemander à travailler là-bas. Pas après la façon dont je me suis fait mettre à la porte. Par contre, je pense que je vais aller y rôder un peu ce soir, tard, pour vérifier si elle ouvre toujours sa serrure. Si tel est le cas, je vais me réentraîner également. Il va aussi falloir que je ralentisse sur la boisson. Personne ne voudrait confier des missions à un ivrogne. Tout cela pour dire que j'ai encore beaucoup de travail à faire. Je te laisse donc pour aujourd'hui. J'espère que tu te portes toujours bien depuis la semaine dernière.

SH