Semaine 16

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Lettre de Samuel

Bonjour,

        Je te souhaite d'être heureux et d'avoir une vie moins mouvementée que la mienne.

        Godric... Je ne sais pas si je vais tenir jusqu'au bout. J'ai envie de lui dévisser la tête chaque fois que je le vois. Je suis obligé de rester au QG en permanence au cas où il aurait besoin de moi. Je n'avais pas prévu que ce travail serait davantage celui d'un livreur que celui d'un chauffeur. Rien qu'aujourd'hui, je suis allé lui chercher du Redbull, un paquet de clopes, un McDo, le journal local (qu'il n'a pas lu) et un pack d'eau minérale. Tout ça en plusieurs fois évidemment. Il ne pourrait pas en dresser une liste au début de la journée, non, c'est plus drôle de balancer ses envies au fur et à mesure, un objet à la fois. Il m'énerve. Je ne le montre pas, mais il m'énerve. Il ne sort quasiment jamais et il n'arrête pas de parler. Encore et encore.

        Il n'y a qu'une chose positive qui ressort de tout cela : étant assigné là-bas en permanence, je suis au cœur de tout. Sonia est devenue une sorte de récompense et de martyre en même temps. On dirait la nouvelle Marianne. Ils partent tous trop loin et ont même déjà fait une descente armée il y a trois jours. Les échos n'étaient pas plaisants. J'ai feuilleté le journal de Godric : il n'avait rien contre et me l'a offert quand j'ai demandé. Franchement, les articles me donnent l'impression d'habiter à Marseille.

        La débâcle de cette expédition va toutefois peut-être me servir. Les pontes craignent des représailles de l'autre côté et Godric râlait que le QG allait devoir bouger. Je passe sur les détails de ce qui l'ennuie là-dedans, ce n'est pas passionnant : il ne pense qu'à lui. La bonne nouvelle pour moi, c'est que l'organisation de cela va me permettre de planifier son enlèvement avec Calvin.

        Je vais enfin pouvoir reprendre la piste de cet assassin. J'ai l'impression de tourner en rond depuis des mois. L'idée d'aller kidnapper Calvin plutôt que Godric a déjà chanté plusieurs fois à mon oreille une mélodie qui me semblait bien douce, mais je ne suis pas comme eux. J'ai du respect pour les autres et je veux tenter de conserver cette intégrité que Julie appréciait chez moi. Il n'y a qu'un être pour lequel je n'aurai aucune retenue ni aucune pitié. Le moment n'est pas encore arrivé et Calvin détient l'unique clé capable de m'ouvrir la porte menant à lui.

        Déambuler au sein de ce groupe commence à faire remonter le pire en moi. Il a changé pour le moins bien et la famille que j'ai trouvée ici auparavant n'existe plus depuis longtemps. Mon boss était le seul à avoir conservé un fragment de ce passé qui m'est cher et il faisait partie de la dernière expédition. Il n'est plus là et il a emporté avec lui les discussions que nous aurions encore pu avoir. Boire un coup avec lui va me manquer : Godric est un piètre remplacement.

        Il parait que les papillons sont en train de disparaître petit à petit dans le monde. Des êtres éphémères qui vivent intensément leur courte vie une fois sortis de leur cocon. Je crois que mon boss a vécu intensément la sienne et qu'il n'avait aucun regret à la fin.

Le papillon témoin de la disparition des autres, celui qui survit.

L'Appel du ColibriWhere stories live. Discover now