Autism.

La Journée Tant Redoutée

(Lundi[10/10/22], 07h40)
J'agite les bras et je peux enfin faire du bruit; ma mère est réveillée ! Je suis un peu en avance pour débuter ma routine matinale mais il est trop tard pour se rendormir. En effet, je suis supposée me réveiller dans 20 minutes. Alors, je décide de profiter de mon avance pour stimmer et écouter de la musique. C'est à cet instant que ma mère entre dans ma chambre pour me coiffer. Je pousse quelques bruits de protestation mais je me laisse faire.

(08h26)
Le taxi arrive dans environs 1h. J'ai écouté la même chanson en boucle et je n'ai rien pu manger. Mais, ma mère étant partie travailler, je me retrouve seule à la maison. Je me sens libre d'exister, de crier, etc mais pour l'instant je dois aller me préparer.

(08h54)
Je suis prête. J'ai royalement ignoré le soutien-gorge que ma mère m'avait déposé sur le lit car les soutiens-gorge sont des enfers sensoriels pour moi. Au niveau des chaussures j'ai mis des tongues car je déteste avoir l'impression que mes pieds sont coincés dans des chaussures, de plus, les tongues sont plus pratiques à mettre et à enlever. J'ai mis mon lanyard (désolée je ne sais pas traduire ce mot) et mon collier à mordre autour du cou et là j'attends le taxi. Il devrait arriver dans 20-30min.
Point positif, il n'y a pas le soleil, le ciel est nuageux.
Point négatif, mes vêtements m'embêtent déjà. Je me tortille vainement pour les redresser.

(10h20)
Je suis toujours dans le taxi, j'avais sommeil tout à l'heure, mes yeux se fermaient tous seuls. En plus, à un moment, l'autre passager du taxi a parlé fort. J'avais envie de crier mais je ne l'ai pas fait. Je me suis contentée de me boucher les oreilles (par dessus de mon casque. Ce n'est pas malin car il y a déjà le casque pour protéger mais c'est un réflexe.)
Je suis angoissée car on va arriver à l'hôpital de jour en avance et ce n'est pas sûr qu'ils m'acceptent avant l'heure.

(11h24)
Le RDV était à 11h30 mais on est rentrés un peu avant après 20-30min d'attente devant le portail. L'infirmière essaie de communiquer avec moi mais je reste impassible. Le chauffeur de taxi a dit à des inconnus que je m'impatientais et que je risquais de faire une crise devant le portail pendant qu'on attendait mais c'est faux. Je ne m'impatientais pas du tout. Je savais qu'on était en avance et je me doutais que le RDV était à 11h30. Alors oui certes, parfois je faisais des bruits mais ça ne voulait pas forcément dire que je m'impatientais. Je n'étais juste pas bien parce que le chauffeur de taxi elle elle s'impatientait vraiment.
Ah oui et aussi je sais quel film on va aller voir maintenant. Ça ne me plaît pas. Je ne veux pas regarder ce film.

(11h48)
Les infirmières n'arrêtent pas de me solliciter mais je n'arrive pas à répondre. J'angoisse. Je me sens mal parce que je ne veux pas les ignorer c'est juste que je n'y arrive vraiment pas à leur répondre. Aussi j'ai résolu mes Rubik's cubes 3x3 et 5x5 en attendant.

(12h52)
L'étape du macdo c'est fait. On est vite allés dans le camion avec une infirmière car des enfants n'arrêtaient pas de crier. J'ai bien cru que j'allais envoyer valser ma boisson, me cogner la tête contre la table et que j'allais avoir un meltdown. Au final je me suis juste mordue en agitant le bras.

(14h37)
Il s'en est passé des choses en moins de 2h.
D'abord, une fois arrivés au cinéma j'ai visité les lieux et j'ai repéré des distributeurs. Il y avait des boissons énergisantes (l'arnaque, une cannette coûtait 3.50€! Mais bon comme à la maison je n'ai pas le droit d'en boire beaucoup j'ai payé 7€ pour deux boissons énergisantes. J'en ai donc bu 3 depuis ce matin). Après avoir bu la première boisson, comme je l'avais bu trop vite car j'avais peur qu'on me gronde de l'avoir acheté, je sentais que j'allais vomir. Mais quand on m'a rendu la monnaie pour le ticket de cinéma, j'avais de quoi racheter une deuxième cannette et c'est donc ce que j'ai fait. Une fois encore à ma grande surprise on ne m'a pas réprimandé pour avoir acheté une deuxième boisson énergisante. On est allés dans la salle où se déroulait le film mais une fois ma deuxième cannette finie j'avais une forte envie de vomir alors j'ai essayé de m'éclipser de la salle discrètement et j'ai été vomir aux toilettes (et en même temps je suis allée aux toilettes car en 15 minutes j'avais bu un litre de boisson énergisante.) Sauf que je n'ai pas été si discrète que ça. L'une des infirmières m'a suivi et m'a entendu vomir. Elle m'a demandé si c'était volontaire, je lui ai répondu d'un signe de la tête que non. Elle m'a demandé si je savais que les boissons énergisantes allaient me faire vomir, j'ai secoué la tête. En réalité je savais mais je n'ai pas bu pour vomir et j'ai essayé de boire la deuxième cannette plus lentement pour éviter de vomir.

Puis nous sommes retournées dans la salle et quelques minutes plus tard, je pleurais. Pourquoi ? Parce que je pensais au fait que je m'étais coupée de ce monde dans lequel je ne trouvais pas ma place et que je n'étais même pas capable d'aller au Macdonald sans que mon autisme ne gâche tout et je pensais aussi au fait que je suis à peine capable de répondre (même avec des gestes/mouvements de tête) quand on me parle à cause de ce blocage. Je pensais avoir pleuré relativement silencieusement mais je ne sais pas comment, l'infirmière, la même qui m'a entendu vomir, a su que je n'allais pas bien. Au final on est rentrées à l'hôpital de jour après seulement quelques minutes de film.

Le trajet vers l'hôpital s'est fait en silence, fort heureusement car, ce n'est pas que je n'aime pas qu'on me sollicite mais ça m'angoisse qu'on me sollicite et que je n'arrive pas à répondre. Je n'avais qu'une hâte, arriver à l'hôpital pour m'isoler dans la salle de repos et écouter de la musique. Au final, maintenant je le sais, je ne suis même pas capable d'aller au cinéma sans qu'il n'y ait d'incident. Point Positif : je n'ai pas eu de meltdown.
Point négatif : je sais que j'en aurai un tôt ou tard car je me suis, tant bien que mal, retenue d'en avoir depuis hier soir et c'est comme une épée de damoclès suspendue au dessus de ma tête ; inévitable.