MOUVEMENT N°1

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𝐆𝐄𝐑𝐌𝐀𝐈𝐍

𝐈𝐋 𝐘 𝐀 𝟓 𝐌𝐎𝐈𝐒.





J'avais commencé sans savoir où ça allait me mener. Ni même me douter qu'un jour j'en serais là. À danser devant ces gens.

Aucun de nous ne les connait. Pas une de ces têtes ne m'est connues, mais j'ai la sensation de les avoir toujours vu. Comme si leur admiration pouvait faire fondre l'inconnu. Pourtant, rien ne me fait plus peur qu'être là où je suis, de faire ce que je fais.

Danser est ma force. J'avais beau me répéter cela, ce cœur qui bat dans ma poitrine ne semble pas vouloir l'entendre. Il fait que ma respiration veuille à de nombreuses reprises se couper et que mes jambes cessent de me porter. Rien de cela ne m'est inconnu non plus. Le stress a toujours fait partie de moi, et ce n'est pas aujourd'hui qu'il risque de partir.

Alors je prends ma tête entre mes mains, me mets à part en attendant que la musique retentisse ou, simplement, l'un de mes amis me crie de me bouger le cul. Aucun regard ne prend le risque de croiser le mien. Je le porte vers le sol, posant ma paume sur mon cœur. Quelques battements plus tard, la confiance que j'ai mis si longtemps à obtenir, s'empare de moi.

Elle me porte vers les autres danseurs et étire ce sourire qui nait sur mes lèvres. Je souris à chacune des personnes présentes, même celles que je n'aime pas. Plus particulièrement à cette dame devant moi, qui n'est debout que grâce à cette canne. La force humaine qu'elle contient en elle ne cesse de vouloir m'appartenir. Mais je la repousse, à maintes et maintes reprises.

Elle lui appartient, la mienne viendra plus tard.

Un « vous êtes prêts ? » retentit non loin de moi, ayant ce grain de voix que je pourrais reconnaitre les oreilles bouchées. Je hoche la tête, prends tout le souffle dont je n'aurais pas besoin et me place là où je dois me placer. Tout est millimétré. 

La musique commence, chacun de nous évolue à sa manière et c'est ce qui fait la beauté de notre art. Je tourne sur moi-même, exécutant cette chorégraphie qui coule dans mes veines. En face de moi, mes camarades chantent tout en dansant. Je fais comme eux, pensant que leur joie puisse m'aider à oublier mes mains qui deviennent moites.

Les minutes passent, les émotions que je ressens m'enivrent. C'est cela à chaque représentation, à chaque flash mob que je me vois faire. Puis quand les souvenirs de ces moments reviennent, je regrette de ne pas avoir assez profité, que mes mouvements n'aient pas été assez sincères. De l'extérieur, on pourrait penser que j'ai été forcé.

À l'intérieur, il n'y a rien qui me fasse plus plaisir que de faire ceci.

Comme si c'était ma dernière danse, je donne tout. Mes gestes deviennent lourds de sens, jamais ils ne l'ont autant été. Ou du moins, jamais je ne les ai autant ressentis. Le rythme des mélodies pulsent dans ma cage thoracique. Peut-être que je serais prêt à mourir aujourd'hui si mon dernier moment était celui-ci. Seules les paroles et les cris des spectateurs mais aussi de nos profs et camarades me rappellent que je ne souhaite pas en finir maintenant.

Je souhaite à tout jamais faire ceci. Vivre, et non survivre.

Tous en cœur, nous finissons enfin nôtre représentation. Il ne me reste plus qu'une petite chose à faire, et sans m'en rendre compte, elle n'est pas celle qui me fait le plus peur. Je m'avance vers le milieu de notre scène improvisée, passe sur mes mains puis de nouveau sur mes pieds. Attentant d'avoir assez d'élan, je saute en but d'une acrobatie.

Puis vient le drame. Je me sens tomber, au détour de cette pirouette que je connaissais pourtant par cœur. Mon genou butte contre le sol, se tordant d'un coup, en harmonie avec ma tête qui claque mon épaule. Ecroulé par terre, tous les spectateurs viennent vers moi, me demandant si je vais bien.

À l'unissonWhere stories live. Discover now