MOUVEMENT N°9

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GERMAIN

Aujourd'hui j'ai rendez-vous chez le médecin pour mon genou. C'est à reculons que j'y suis allé, car l'envie de me le faire tripoter ne me plait pas forcément. Et pourtant, le voilà en train de m'examiner. Je grince de dents, non parce que ça me fait mal, même si en y réfléchissant, oui ça tire, mais plutôt parce que je souhaite être tout autre part qu'ici.

J'ai passé les cinq derniers mois à le voir, et non qu'il ne soit pas beau ou même gentil, j'aurais préféré voir la tête de Mao plus souvent que la sienne. Aucun de nous n'a choisi d'être dans cette situation. Ah si, lui c'est son métier, en fait. Et dire qu'il a dû faire plusieurs années d'études pour se retrouver face à mon genou. Je lève la tête et crois le voir lui parler :

— Comment ça va depuis la dernière fois ?

Non, je rêve. Ce n'est pas possible autrement. Ce doit être à moi qu'il pose la question, alors je lui réponds :

— Beaucoup mieux, je ne rêve plus qu'un monstre me brise la jambe et parte avec l'autre moitié.

Il stoppe tout ce qu'il était en train de faire pour froncer les sourcils et me regarder. Je murmure un simple « c'était une blague », espérant qu'il l'ait entendu. Je sais maintenant qu'il ne faut pas faire de blagues quand on va chez le médecin. Ils ne doivent pas connaitre l'humour. Ça se comprend, eux qui ont passé la plupart de leur temps entre les pages de cours.
En médecine, on n'apprend pas à être drôle. Juste à être fort.

— Et j'ai aussi recommencé la danse, by the way.

— Fais attention à toi, Germain.

— Je n'ai jamais autant fait attention à moi que depuis cinq mois. Je pense que je peux retourner à mon ancienne vie, maintenant, non ?

— Non, me répond-il, simplement.

Je pense au début qu'il va ajouter quelque chose d'autre, mais non. Alors il recommence à malmener ma jambe, à me demander où ça me fait mal. Pour ne pas l'inquiéter, je ne crie pas à chaque fois que je ressens une douleur. Je pince juste les lèvres et lève les yeux au ciel, pensant que n'importe quel dieu va m'entendre et lui dire qu'il est temps de me lâcher.

Je sais que ce n'est pas bien de faire ça, mais je n'ai pas que ça à faire aujourd'hui. Je ne vais tout de même pas passer toute ma vie à prendre soin de moi. Cette période de ma vie est maintenant résolue. Je vais aller l'enterrer le plus vite possible et cracher sur sa tombe. Non, je ne vais même pas lui faire une tombe. Elle va simplement partir, loin de moi, pour ne jamais revenir. Je n'ai jamais demandé à ce qu'elle me tienne compagnie. Ça s'appelle le non-consentement, en fait.

Que ceci m'ait percuté l'esprit me fait ouvrir grand les yeux.

— Je te fais mal ?

Oh purée, le con. Il a cru que j'avais mal.

— Non, je viens juste de me rappeler que j'ai oublié de nourrir mon dinosaure.

Cette fois-ci, il ne s'arrête pas. Contrairement à ce que je pensais, il me rejoint même dans ma bêtise :

— Un dinosaure ? Intéressant. Comment s'appelle-t-il ?

— Je n'ai pas encore trouvé de nom, mais dès que j'en ai un : je vous tiens au jus.

— Et pour quelle occasion as-tu pu l'avoir ?

— Une expérience. J'ai fait manger à mon chat des huitres. Et il est devenu comme ça.

— Je ne savais pas que les fruits de mer faisaient cet effet sur les animaux.

— Moi non plus. Oh ! Vous voulez une photo ?

À l'unissonWhere stories live. Discover now