À l'unisson

MOUVEMENT N°19

𝐆𝐄𝐑𝐌𝐀𝐈𝐍

Je pars de chez moi en courant, haletant, ne me restant plus que quelques minutes avant le début de mon cours. J'oublie le bus et préfère courir, pensant que je vais pouvoir gagner du temps. Ma malchance me souriant, j'arrive devant l'école bien trop tard pour que je ne me fasse pas crier dessus. Pourquoi ai-je autant espéré alors que je savais ce qui allait arriver ?  En reprenant ma respiration du mieux que je peux, je sonne à l'interrupteur, me plaignant et réprimandant intérieurement de ne pas avoir plus de cardio. 

Un brut sonore m'interrompt.

— Bonjour excusez-moi du retard. J'ai cours de maths avec Madame Thelle.

— Quelle classe ?

— Première C.

— Votre nom ?

J'entends les touches de son ordi à travers l'interphone.

— Germain Baudin.

Elle soupire et je souris. Ce retard n'est pas le premier et j'en suis conscient. Mais cette fois-ci, j'ai une excuse.

— Motif du retard ?

— J'avais un rendez-vous médical qui a duré plus longtemps que prévu.

— Nom du médecin, Germain ?

J'ouvre mon sac et déplie mon ordonnance ainsi que le mot de retard écrit par le médecin.

— J'ai un mot de sa part, si vous voulez, je lui annonce.

La porte s'ouvre et j'entre à l'accueil. La dame fait la tête, comme à son habitude. À force, je ne m'étonne même plus de la voir comme ça. 

J'arrive devant elle et lui tends le papier, un sourire sur les lèvres, histoire de paraitre différent d'elle. Madame Garcia, voilà comment elle s'appelle, note je-ne-sais-quoi sur son ordinateur, encore une fois. 

Sagement, je patiente, même si la folle envie de lui crier « Ce n'est pas que votre présence m'est désagréable, mais j'ai cours » ou même « Il serait peut-être temps de passer la seconde, à présent » se fait de plus en plus importante. À ce rythme-là, elle risque de me mettre encore plus en retard que je le suis. Le peu de respect que j'ai pour elle me hurle de la fermer. 

Après un long moment, durant lequel j'ai pu remettre ma vie en question, Madame se décide enfin à lever les yeux en ma direction.

— Ce n'est pas ton premier retard pour rendez-vous médical, en es-tu conscient ? me demande-t-elle en levant les sourcils.

Comment ne pourrais-je pas en être conscient ? Je passe mes journées à aller chez différents médecins depuis six mois. Tous les deux, sont devenus mes meilleurs amis, je connais tout d'eux et eux de moi. Mais dans leur cas, c'est légitime, alors que dans le mien, c'est seulement de la curiosité. Monsieur Roussel m'a même demandé des nouvelles de mon dinosaure il y a deux jours. De ce fait, je n'ose pas lui dire qu'il ne faut pas me croire quand je parle, car la plupart des choses qui sortent de ma bouche sont des pures conneries. 

Mais ça me fait un sujet de conversation, autre que mon genou ou mon cœur, quand je vais le voir.

— Oui, et le proviseur est au courant.

La dame de l'accueil ouvre grand les yeux, attendant surement une explication : chose qu'elle n'aura pas. Je suis ici pour apprendre et devenir meilleur, pas pour rendre des comptes à une inconnue. Et ce serait la dernière personne à qui je dirai quoi que ce soit me concernant.

— Je peux y aller maintenant, ou je plante ma tente ici ? j'ironise, impatient en tapant du pied.

— Sur un autre ton, jeune homme. Tu peux y aller, mais essaie d'arriver à l'heure la prochaine fois.