Chapitre 33

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Je ressens la connexion, on se rapproche. Je ferais mon devoir, je vais garder la tête froide jusqu'au royaume perdu. Je ne me suis jamais senti aussi investi dans cette tâche qu'en ce moment. Le lien doit influer sur mes ressentis.

Caleb arrive cinq minutes après moi, nous reprenons la route sans un mot. Je crois qu'il a compris. Il avance de son côté et moi du mien.
Je ne lui demande pas quel est ce monde. Je le découvrirai bien par moi-même. J'ai vécu la moitié de la quête avec ses disparitions. J'ai réussi sans lui.

Nous marchons de longues heures, un chemin interminable. Le paysage est triste, tout est aride. Il n'y a aucun point d'eau. Je ne vois ni arbre, ni fleur, ni papillon, un paysage funeste.
Il avance loin devant moi. Je n'essaye pas de rattraper la distance qui nous sépare. Je préfère rester en retrait.

Nous finissons par faire une pause. Ces paysages morts sont affligeants. Est-ce dû aux Hommes? L'écologie sur Terre commence tout juste à intéresser la population. Nous avons abîmé, fatigué, vidé la Terre. Notre Terre finira-t-elle comme celle-ci? Une sphère qui tourne dans le vide.  Combien d'heures encore à parcourir pour trouver un soupçon d'humanité, de vie.
Cette dimension me donne un avant-goût des effets des hommes sur la biosphère.  Caleb finit par me dire une phrase. Nous sommes à quelques kilomètres de notre destination.
Je hoche la tête en guise de réponse.

Après une heure de marche, le village apparaît enfin, en plein cœur d'un sinistre paysage.
Je marche sur de la terre aussi dure que la roche. Il n'y a pas une goutte d'humidité. Je n'espère qu'une chose, ne pas m'attarder sur cette dimension. On vient nous accueillir, nous étions attendus. Ils espèrent beaucoup de cette quête. Pouvoir retrouver un équilibre et un sens à leur vie.

Leur vie est devenue de plus en plus difficile, depuis que certains ont mis le profit avant la nature. Ces hommes disent à Caleb que cette terre n'est que souffrance. Si la situation n'évolue pas, ou se dégrade, ils demanderont l'asile sur une autre dimension. Seront-ils bien accueillis? Ils seront traités comme des étrangers, d'autres diront que ce sont des profiteurs. Le regard qu'on leur portera sera toujours négatif. Les écouter m'est devenu difficile. Je ne peux empêcher mes larmes de couler. Je me lève brusquement, je quitte la réunion. Je me mets sur un rebord. Je ramène mes genoux à ma poitrine et regarde le paysage.

— Ça va?
— J'ai connu mieux.
— On va sauver leur royaume.
Je hoche la tête, le regard dans le vide.

Il me laisse souffler. Je retire l'alliance et je la range dans ma poche. Je me lève et retourne à la réunion. Je reste en retrait pour écouter leur témoignage. Après manger, on nous fait le tour des nappes phréatiques, qui restent désespérément vides.
Le départ est pour le lendemain matin. Le soir, ils préparent un énorme feu, sur la place centrale. On s'assoit autour, on discute. Certains se forcent à rire, pour oublier, le temps d'une soirée, les paysages hostiles.

Je rejoins notre chambre tard dans la nuit. J'essaye d'éviter la confrontation avec Caleb.
Je pressens qu'il veut avoir une discussion sérieuse. Quand j'entre, il est assis dans le noir.

— Tu vas me fuir encore longtemps.

Je ne sais pas.

— Parle !
— Je ne sais pas Caleb.
— Ce n'était pas difficile.
— Tu attends quoi de moi Caleb?
— D'écouter la femme et que tu mettes la gamine de côté pour ce soir.
— D'accord. Je t'écoute.

Adela et le royaume perdu ( tome 1 et 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant