Chapitre 15

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Alex

- Ce type que tu as vu, c'est mon ex, débute-elle difficilement. On a commencé à sortir ensemble au lycée. C'était le beau gosse qui faisait craquer toutes les filles et j'étais la lectrice réservée qui ne dérogeait pas à la règle. J'avais secrètement le béguin pour lui, et est arrivé le jour où il a décidé de me remarquer. Quand il m'a proposé de sortir avec lui, je ne me suis pas posé de question, j'ai sauté sur l'occasion.

    Elle avale péniblement sa salive, tandis que je l'écoute avec attention. Elle prend une profonde inspiration avant de reprendre.

- Mais petit à petit, notre relation c'est dégradé, et il a commencé à être plus violent. Je lui ai pardonné la première fois qu'il a levé la main sur moi, puis la deuxième, mais à la troisième il a été trop loin. Beaucoup trop loin.

    Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé, mais je ne suis pas sûr de vouloir en savoir plus. Je la vois lutter contre ses démons, et une part de mon âme se brise face à sa détresse. Elle me donne l'impression de me revoir, il n'y a encore pas si longtemps que cela. J'ai beau être un connard fini, je ne vais pas l'obliger à s'ouvrir à moi plus qu'elle ne vient déjà de le faire.

- Arrête-toi, intervient-je brusquement.

    Les larmes dévalent silencieusement ses joues et je ferme un instant les paupières à mon tour. Ma respiration suit un rythme affolant, mais j'essaye de camoufler mes émotions, car Nastia doit se concentrer sur les siennes. Ce qu'elle vient de me raconter à fait ressortir en moi une haine sans mesure envers l'ordure – et le mot est faible – qui lui a fait cela.

- Tu voulais la vérité, Alex ? Elle est là ma vérité, me dit-elle laconiquement.

- Cette sous merde ne s'approchera plus jamais de toi. Mais tu dois en parler à ton frère, s'il savait ce qu'il s'est passé, il le tuerait, lui assuré-je.

- Justement. Il le tuerait littéralement. Mais...Sean (elle refoule un haut de coeur en prononçant son nom) a un père avocat près à tout pour défendre son fils. Si Tristan pose ne serait-ce que la main sur lui, il est dans la merde jusqu'au cou. Et on sait tous les deux qu'il ne pourra pas s'empêcher de faire une connerie. C'est pour ça que tu dois me promettre de ne rien lui dire, explique-t-elle.

    Je prends un instant pour réfléchir à ce qu'elle vient de dire, et je sais qu'elle a raison. Mais merde, elle ne doit pas rester seule dans cette situation.

- Il n'en saura rien, lui confirmé-je. Mais en revanche, toi aussi tu dois me faire une promesse, lui lancé-je.

    Je vois à son froncement de sourcils qu'elle se demande ce que je m'apprête à lui demander. La connaissant, je sais qu'elle doit être en train de s'imaginer je ne sais combien de scénarios sans aucun sens.

- Dès qu'il t'approche ou que tu te sens en danger, tu me préviens immédiatement, dis-je d'un ton qui ne laisse place à aucune objection.

    Elle ouvre la bouche et la referme plusieurs fois, comme si elle cherchait ses mots. Son expression faciale se situe entre le choc et l'aberration, tandis que de mon côté je continue à ne laisser transparaître aucune émotion.

- Excuse-moi, mais pourquoi je ferais ça ? Tu me détestes, ça devrait t'arranger de ne pas être le seul à me vouloir six pieds sous terre, crache-t-elle.

    Le simple fait qu'elle puisse penser que je voudrais la voir morte me détruit un peu plus. Mais c'est mieux comme cela, j'ai tout fait pour qu'elle me haïsse et cela doit continuer ainsi. Alors je fais ce que je sais faire de mieux : dissimuler. Je cache ce que je ressens vraiment derrière mon masque de sale con sans coeur, parce que dans le fond, ce n'est pas si faux que cela. J'abrite un coeur brisé.

- Je vais clarifier une chose, Nastia. Je ne t'aime pas, et tu ne m'apprécies pas non plus, et c'est parfait comme ça. Mais je ne laisserais pas ce mec posé ne serait-ce qu'un doigt sur toi. Je suis un connard, mais ne m'associe plus jamais à une pourriture comme lui, compris ?

    Pour une fois elle ne prononce pas un seul mot et ce contente de hocher la tête. Elle m'adresse un putain de sourire qui ne trompe personne. Elle va mal. Très mal.

- Je peux sortir maintenant ? me prie-t-elle.

    Je m'écarte de la sortie en lui faisant une courbette provocatrice pour l'énerver. Ce qui obtient exactement l'effet escompté, puisque je l'entends m'insulter tout en continuant à avancer. Je la regarde progresser dans la foule, toujours planté comme un con dans les chiottes, tout en pensant à quel point j'étais loin de me douter de toutes les choses qu'elle a vécu. Rester loin d'elle est la meilleure chose à faire pour moi, mais maintenant que je sais tout cela, je ne peux décemment pas la laisser seule face à ce monstre. Je ne sais pas comment, mais je dois trouver un moyen de l'aider tout en me protégeant moi-même.

***

    En sortant des cours, je passe rapidement à l'appart pour récupérer mes affaires avant d'aller à l'entrainement. Le vendredi est mon jour préféré pour cela.

    J'arrive sur le terrain à dix-huit heures, et mon coach est déjà en train d'aider les autres à s'entrainer. Il ordonne à Sam de servir, et cette dernière lui offre un service très propre. La meilleure amie de Lucas est une excellente joueuse, c'est pourquoi cela ne me dérange pas de partager mon créneau d'entrainement avec elle.

    J'ai commencé le tennis il y a quelques années parce qu'on m'avait recommandé d'essayer pour me canaliser. Après tout ce qui s'est passé, Abby et Dan ne m'ont pas laissé le choix et m'ont inscrit pour me forcer à sortir. Je ne les remercierais jamais assez pour cette décision, car ce sport est devenu mon exutoire.

    Quand Sam et le coach ont fini leurs échanges, je m'approche deux. Je leur adresse un hochement de tête en guise de salut dont ils ne se formalisent pas, ils savent très bien que j'ai horreur du contact.

    Notre entraineur nous demande de nous mettre en place. Sam se place sur une moitié du terrain, moi sur l'autre, et nous attendons le top départ pour engager. Ma raquette est comme une extension de mon bras, je dois rester calme pour mesurer mes coups. C'est les bienfaits que le tennis à sur moi, quand je joue, je suis tellement concentré que j'oublie tout ce que j'ai en tête. Et ce soir, j'ai besoin d'évacuer un paquet de trucs merdiques. Alors je frappe. J'enchaine les coups, je cours, je transpire jusquà ce que mon corps n'ait plus une goutte de sueur à recracher.

    Il y a beaucoup de choses qui m'échappe en ce moment, mais cela, cet aspect de ma vie, je sais que je pourrais toujours le contrôler. Parce que sur le terrain, je suis le seul maître de mon corps et de mon jeu.

    Deux heures plus tard, j'ai fini ma séance. Comme d'habitude je suis couvert de sueur, mais ce qui est anormal c'est mes putains de pensées que je n'ai pas réussis à repousser pendant l'entrainement. J'étais distrait et cela s'est ressenti dans mon jeu. Mais ce qui m'agace profondément, c'est l'idée qui a germée dans ma tête et à laquelle je n'ai pas pu arrêter de penser de toute la journée.

    Cette semaine, Abby et Ashley m'ont harcelées de coups de téléphone et je sais que tant qu'elles ne seront pas rassurées, je ne vais jamais être tranquille. Et même si au début je n'y pensais pas, je crois avoir trouvé la meilleure solution pour satisfaire tout le monde.

    Depuis le club, je ne suis qu'à cinq minutes de l'appart, mais aujourd'hui j'ai l'impression que le trajet dure une plombe. Et pour cause, je m'apprête à faire une grosse connerie. Je vais surement le regretter, mais je réfléchirais aux conséquences plus tard. Maintenant que je suis lancé, plus rien ne peut m'arrêter. Je suis déterminée à la convaincre.

    Si elle refuse, je trouverais le moyen de la faire plier. Je franchis la porte de la coloc et ne perds pas une seule seconde. Je la cherche du regard et la trouve avachie sur le canapé, devant une de ses séries à la con. Je pars me planter devant elle, ce qui me vaut un regard assassin.

- Pour mon plus grand regret, tu n'es pas invisible, donc bouge de là ! s'agace-t-elle.

    Je ne bouge pas d'un poil et plutôt que de faire ce qu'elle me demande, j'attrape la télécommande de la télé, et l'éteint. Elle fronce les sourcils et je vois d'ici la pluie de reproches qui s'apprête à s'abattre sur moi. Alors je la coupe dans son élan, peu désireux de passer plus de temps avec elle que nécessaire, et me lance.

- Sors avec moi, Nastia.

Our Broken LoveWhere stories live. Discover now