CHAPITRE 8

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« J'ai toujours préféré la folie des passions
à la sagesse de l'indifférence. »
— Anatole France.

ISABELLA.

Deux semaines.
15 jours.

Tout ressemble à un rêve, pourtant c'est bien vrai.

Dans deux semaines auront lieu les régionaux. Une aventure pour laquelle je me suis tant entraîné, pour laquelle j'ai tant perdu.

Les régionaux.
Vingt patineurs, venant de tout le pays, viennent s'affronter pendant une semaine pour qu'au final, seulement cinq d'entre eux soient sélectionnés pour concourir dans les quatre coins du monde, jusqu'aux jeux olympiques.

Aussi insignifiant soient-ils, les régionaux déterminent le futur de notre carrière.

Sur sept jours, trois juges vont examiner toutes nos compétences pour finalement estimer si notre niveau est assez bon pour entrer dans la cour des grands.

9 ans.
J'ai passé neuf ans de ma vie à patiner dans cette même patinoire, j'ai pendant tout ce temps retracé le chemin pris par ma mère, pris par mes parents afin de les surpasser.

Mon cœur se serre et cette douleur me ramène à la réalité.

Mes parents ne me verront pas à la télévision.
Mes parents ne seront pas dans le public.

Mes parents sont morts.

– Isabella, je me demandais où tu étais passée.

Sa voix, aiguë, résonne désagréablement. Je chasse cette larme qui s'échappe sans mon accord avant de lui faire face, comme si de rien n'était.

– Je ne savais pas que tu t'intéressais à moi, Selah, dis-je, employant le même ton de voix qu'elle.

Elle fait voler, d'un coup de main, sa chevelure blonde. Je retiens, durement, un soupir d'exaspération devant toute cette fausse cinématique.

– Voyons Isabella, nous sommes amies toi et moi, je ne pouvais que m'inquiéter en remarquant ton absence de la patinoire, à quelques jours des régionaux.

Je comprends sans trop de mal ce qu'elle sous-entend mais pourtant, je ne la laisse pas m'atteindre, ou me déconcentrer.

– Même les plus grands patineurs ont besoin de repos. Ça serait dommage, tu sais, de finir comme Tonya et Nancy, dis-je, lui tournant le dos.

J'attrape mon MP3 et enfonce mes écouteurs dans mes oreilles en quittant les vestiaires. Je noue soigneusement mon cache-cœur et attache mes cheveux d'un chignon imparfait. Je m'éloigne des casiers de vestiaires, pour m'étirer dans un coin vide.

Sur cette vieille moquette grise, je m'assois en tailleur. Je colle mes pieds l'un contre l'autre, j'inspire par le nez et expire par la bouche avant de baisser le haut de mon corps vers mes pieds.

Pendant une trentaine de secondes, je reste dans cette position avant de me relever. Mes jambes sont cette fois-ci étirées jusqu'à ce que mes pieds entrent en contact avec le mur en face de moi.

À nouveau, le haut de mon corps s'abaisse, laissant mon ventre rentré en contact avec mes cuisses pendant quelques secondes.

Je relève l'un de mes genoux, posant mon pied à plat contre le sol et laissant mon autre jambe se tendre. J'enchaîne avec un grand-écart et la position de cobra puis, je répète chacun des mouvements en ajoutant des secondes en plus jusqu'à atteindre une minute.

Je me relève, retirant mes écouteurs en retournant en face de mon cassier. À ma grande surprise, Selah est ici.

J'ouvre mon casier et attrape ma gourde, buvant de nombreuses gorgées d'eaux fraîches. Une fois fini, je range tout et attrape mes patins et les enfile rapidement.

Chuchotement d'un AngeWhere stories live. Discover now