CHAPITRE 16

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« L'enfer est vide, tous les démons sont ici. »
— William Sheakspear.

ISABELLA.

Dans quelques heures, la finale des régionales aura lieu. Après ça, ma carrière et ma vie vont prendre une tout autre tournure. Une tournure décisive. Soit je deviens une grande patineuse à l'internationale, soit je dis adieu à mes rêves.

J'ai repris l'entraînement, il y a trois jours, comme si de rien n'était. Ma vie à repris son cours, comme si ma petite crise n'était jamais arrivée. Et, après quelques jours d'absence, ma grand-mère est elle aussi revenue. Bien sûr, elle n'a pas disparu par culpabilité, mais uniquement à cause de rendez-vous organisés par mes nouveaux sponsors.

À la maison, le silence règne.

Désormais, notre relation n'est rien de plus que professionnelle. Ma grand-mère est devenue mon entraîneuse et ma manageuse à temps plein, abandonnant son rôle de grand-mère. Elle m'adresse la parole seulement pour corriger certains mouvements de mon programme long. Mais je sais que ce n'est que pour une seule raison : ne pas remporter une deuxième médaille d'argent. Je ne peux pas lui faire honte deux fois d'affilée. Mis à part ça, rien. Nous faisons le chemin jusqu'à la patinoire chacune de son côté, idem pour le chemin du retour.

C'est donc ma nouvelle vie. Je l'ai sûrement cherché, après tout, je lui ai montré la pire version de moi-même. Qu'est ce que je croyais, qu'elle allait accepter cette version de moi ? Cette version complètement brisée et imparfaite...

Elle ne me regarde même plus, comme si je la dégoutais plus que tout au monde. C'est peut-être mieux ainsi, je suis sûrement destinée à être seule pour le restant de mes jours.

Je baisse les yeux, regardant mon bol de riz. Soudain, un noeud se forme dans ma gorge et je suis incapable de continuer de manger. Je pose ma cuillère sur la table, et contemple mon plat en commençant mes calculs.

Une portion de riz, 100 calories.
Shake protéinés, 180 calories.

Je devrais m'arrêter là.

Je laisse ma tête tomber en arrière et ferme les yeux pendant de longues secondes. Soudain, une odeur métallique me chatouille les narines. Je rouvre brutalement les yeux, tournant les yeux vers l'entrée de la maison, craignant de revoir cette tâche de sang.

L'odeur du sang m'enveloppe et malgré moi je me revois subitement à l'entrée de la maison, fixant cette flaque de sang qui pourrissait sur le parquet.

Mon cerveau me ramène violemment trois jours en arrière. Je me revois, frottant avec force, sans jamais voir le sang sécher disparaître. Je n'arrive plus à me souvenir combien d'heures je suis restée à frotter le sol avec une brosse pour faire partie les cendres de ma folie.

Car bien évidemment, elle n'a rien nettoyé.
Pourquoi elle nettoiera ? Après tout, ce sont mes péchés, pas les siens.

Je soupire, chassant ces souvenirs de mon esprit. Je passe les mains sur mon visage et décide finalement de me lever. Je traverse le couloir, retournant dans ma chambre. Je frissonne légèrement lorsque le vent frais d'automne caresse ma peau.

Je contracte ma mâchoire, ayant du mal à supporter le froid. Toutefois, j'ignore la fenêtre ouverte. Je ne peux plus la laisser fermer, au risque de sentir l'odeur du sang revenir me hanter. Je déglutis à cette simple pensée.

Je retrouve un certain contrôle sur moi-même et finit par me changer. Mes vêtements tombent sur le sol, un à un. Mes poils se dressent face au froid. Je ne reste que quelques instants en sous-vêtements avant d'enfiler ma tenue pour l'entraînement : un épais collant, une fine jupe portefeuille, un justaucorps et un cache-cœur.

Chuchotement d'un AngeWhere stories live. Discover now