CHAPITRE 9

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« On pleure parfois les illusions avec autant
de tristesse que les morts. »
— Guy de Maupassant.

ISABELLA.

Un bruit strident me réveille. Mes oreilles bourdonnent d'une façon infernale, l'air lourd de cette fin de mois d'août m'étouffe. Je me relève et réalise que le soleil commence à se coucher.

Silencieusement, je sors de ma chambre pour me réfugier dans la salle de bain.

L'eau coule abondamment sans que je ne réussisse à bouger, comme pétrifier. Je laisse l'eau monter et la fixe.

Mon visage se retrouve plongé avec force dans cette eau gelée. Mes mains tiennent fermement les bords lavabo. Elles se mettent à trembler, une sensation étrange prend possession de moi.

Mes poils s'hérissent violemment tandis que je sors la tête de l'eau. Je retiens ma respiration lorsque mes yeux se posent sur ce miroir. Ce que le miroir reflète m'effraie, je ne me reconnais pas.

Ce n'est pas moi, impossible.

Mes yeux sont bercés par d'énormes cernes, un creux à remplacer mes joues rondes. Ma peau à l'origine ambrée et lumineuse a été remplacée par une pâleur inquiétante.

Un pincement me serre le cœur car je réalise bien trop tard que pour devenir cet ange déchu, je me suis sacrifié, j'ai sacrifié qui j'étais.

J'avais fini par me perdre.
Je m'étais perdu dans un enfer aussi destructeur que plaisant.

Bercer par les doux chuchotements d'un ange, je m'étais perdu dans un enfer aussi poétique que chaotique.

Et aucune machine à remonter le temps ne m'aidera car finalement, malgré ce choc, je ne pouvais pas abandonner. Je n'avais pas le droit de m'enfuir si près du but, alors je ferme à nouveau les yeux et laisse cette eau froide effacer tout ce que je peux ressentir.

Je dis au revoir à qui j'étais, à cette identité qui m'a été imposée, pour accueillir ce nouveau moi. J'oublie une fois pour toute Isabella María Ruiz.

Un courant d'air angoissant frappe mon visage dès l'instant où je mets les pieds hors de la salle de bain. Je déglutis car malgré tout, cette étrange impression ne me quitte absolument pas et m'oblige à être sur mes gardes dans ma propre maison, comme si quelqu'un me voulait du mal.

C'est pourtant si absurde.
Qui me voudrait du mal ?

J'entre dans la cuisine et ouvre le frigo. Mon ventre cri famine alors je regarde ce qui se trouve à l'intérieur. J'aperçois un yaourt que je prends sans avoir pu m'empêcher de jeter un œil sur le nombre de calories.

97 calories.
Ça devrait aller.

Deux cuillères.
Deux cuillères, à peine remplies.

Nouée, ma gorge m'empêche d'en avaler plus. Alors je dépose ce yaourt à la fraise dans le réfrigérateur, me rassurant avec l'idée que je le finirais peut-être.

Je reste un instant debout, les bras ballant le long de mon corps, une certaine culpabilité grimpant en moi. Mais elle est vite chassée car finalement je me suis épargné des grammes en plus, juste avant les régionaux prendre du poids serait stupide.

Mes yeux traversent la pièce, analysant soudain tout ce qui m'entoure, tout ce qui m'a toujours entouré. Un vent nostalgique me fait frissonner, chaque détail aussi insignifiant soient-ils laissent une brèche s'ouvrir dans le monde des souvenirs.

Pourtant, me voilà à fixer cette stupide boîte à musique que papa m'avait offer pour mon dixième anniversaire. Le lendemain, il était dans l'avion en direction de Moscou mais il m'avait fait promettre de l'attendre avant d'écouter la mélodie qu'elle produisait.

Chuchotement d'un AngeWhere stories live. Discover now