1. Oups !

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Séléné

(Une semaine plus tard)

Je sprinte pour être à l'heure en cours de travaux dirigés d'histoire de l'art antique, le dernier de la semaine, tout en jurant en mon for intérieur. La barbe ! Il n'aura fallu que quelques jours avant que les premiers soucis arrivent. Les joies de la SNCF et des transports en commun. Je n'ai pas encore eu l'occasion de le rencontrer, mais je prie pour que le prof soit sympa et compréhensif.

Les joues en feu, les cheveux coiffés style brushing en bord d'autoroute et le souffle irrégulier, je n'ai pas vraiment le profil de l'étudiante décontractée. Je me faufile par la porte entrebâillée de la salle de cours et me fige durant quelques instants.

Merde ! C'est lui.

Le beau brun du tram. C'est officiel, j'ai la poisse !

Je m'excuse aussitôt pour mon retard et il me répond sans même jeter un œil dans ma direction. Sur le coup, je n'entends pas vraiment ce qu'il dit, je reconnais surtout sa voix qui m'a quelque peu déstabilisée l'autre fois. Gênée, je m'empresse de m'installer à une place vacante au fond de la salle, à côté d'un jeune homme avenant. Dès que le prof prend la parole pour se présenter, je constate une certaine euphorie chez les étudiantes présentes dans la pièce, toutes captivées par cet Apollon. Morgan Conti, en deuxième année de doctorat en sciences archéologiques.

Nos regards se croisent un bref instant et je me sens toute chose en repensant à notre première rencontre, me revoyant quelques jours plus tôt, agrippée à sa chemise, perdue dans ses yeux dorés et le sourire aux lèvres telle une bigote face à une statue du petit jésus. Je peine déjà à retrouver mon souffle après ma course et ce souvenir ne m'est d'aucun secours. J'ai le cœur qui bat à cent à l'heure, je meurs de chaud. Je me lève donc pour ouvrir la fenêtre, un peu d'air me fera du bien. Je me suis tapé l'affiche une fois, autant éviter que cela se reproduise.

Il nous dévoile le programme des séances : chaque semaine, un binôme d'élèves exposera durant trente à quarante minutes ses travaux sur un thème choisi préalablement. Puis le prof développera sur le contexte historique et artistique des œuvres étudiées, afin de compléter les informations données lors des cours magistraux. Un brouhaha s'élève dans la salle tandis que les binômes se constituent et prennent connaissance des sujets. Je me tourne vers mon voisin, intimidée d'engager la conversation.

— Hey ! C'est quoi ton prénom ?

— Aurèle, et toi ?

— Séléné.

Il m'adresse un grand sourire charmeur, me faisant rougir au passage.

— Tu veux bosser avec moi ce semestre ? proposé-je.

— Allez ! Un sujet t'intéresse plus particulièrement ?

Le Sanctuaire de Delphes me tente bien.

— Ça me va aussi, on part là-dessus.

Je lève la main.

— Oui, mademoiselle ?

— Nous souhaitons travailler ensemble avec Aurèle et nous avons choisi le Sanctuaire de Delphes.

— Très bien, je note donc Aurèle Wolff et Séléné Desjardins. Je vous remercie.

Après avoir louché sur moi sans vergogne vendredi dernier, c'est tout juste s'il ose à peine me regarder lorsqu'il me répond, d'un ton assez froid d'ailleurs. À bien y réfléchir, il ne m'a pas paru spécialement agréable l'autre fois non plus, il était même plutôt renfrogné. Adresser un simple sourire poli à une inconnue ne coûte rien, surtout quand on se permet de la considérer comme un poulet rôti un jour de marché.

Et la Lune s'éprit du SoleilWhere stories live. Discover now