18. Sans rancune

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Séléné

Lorsque le réveil sonne le lundi matin, je n'ai aucun mal à sortir du lit, car c'est la dernière semaine où je dois me lever si tôt. Et aussi parce que je suis encore excitée comme une puce après la surprise de ce week-end. Je vais avoir mon appartement à moi, mon petit cocon près de la fac. Je n'en reviens toujours pas.

Hier quand je me suis réveillée, j'avais l'impression de rêver et que si j'ouvrais les yeux, tout allait s'arrêter. En réalité, si j'avais ouvert les yeux, j'aurais sûrement évité que le fameux orteil détecteur de coin n'entre en collision avec le pied de la commode trônant sur le palier en haut de l'escalier. Par bonheur, le restant de la journée a été plus agréable, puisque nous avons commencé à préparer le déménagement avec mes parents, prévu pour samedi. Cela a eu le mérite de m'empêcher de cogiter après le fiasco de ma dernière discussion avec Aurèle et surtout de dissiper ma colère.

C'est donc plus heureuse que jamais que je retrouve Mia, aussi euphorique que moi, dans l'amphi.

— Salut Mimi ! Tu vas bien ?

— Coucou Sélé ! Ça va super, et toi ? Alors, tu t'es remise de ton week-end ?

— Euh, à vrai dire non. Je suis sur un nuage, c'est un truc de fou, je n'arrive toujours pas y croire.

— Salut les filles ! Qu'est-ce qui est si fou que ça ? demande Aurèle en surgissant derrière nous.

Il s'installe en un éclair dans un siège sur la rangée en dessous et nous adresse son grand sourire charmeur, celui qui le rend irrésistible. Et là, je fonds comme un sorbet citron basilic au soleil. Comment lui en vouloir alors qu'après l'interminable semaine que nous avons passée, il est encore là ? Je ne peux qu'admettre que j'ai ma part de responsabilité dans notre crise relationnelle. Si je ne devenais pas une bourrique retarded incapable de communiquer dès lors que la moindre contrariété me chafouine un tantinet, j'aurais sûrement moins de difficulté à évoluer dans les méandres des relations humaines. Bosser un peu là-dessus ne sera pas du luxe, je ne vivrai pas dans ma zone de confort ad vitam æternam. Bref ! De toute façon, nous ne pourrons pas revenir sur ce qui s'est passé la semaine dernière, je décide donc de mettre ces histoires de côté, dans la boîte à souvenirs foireux. À bas la rancune, tout ce qui m'importe, c'est préserver notre amitié.

— Mes parents m'ont fait une surprise ce week-end. Je déménage dans quelques jours dans mon appartement, lui annoncé-je fièrement avec un sourire.

— Quoi ? T'es sérieuse là ?

— Et attends la suite Aurèle, lui glisse Mia, une lueur friponne dans le regard.

— Quelle suite ?

— Il est situé dans le même quartier que le vôtre. Ça veut dire qu'on ne se quittera plus tous les trois.

— Oh merde, c'est génial ça !

Il se lève brusquement et nous attire dans ses grands bras.

— Ah, mes nanas ! Je suis tellement content de vous avoir rencontrées.

Mon cœur s'emballe, heureuse que les choses s'arrangent enfin.

— Aurèle, tu m'étouffes !

Mia se débat et met fin à notre étreinte à trois, toute rouge et décoiffée.

— Désolé Minipouce, j'avais oublié que tu es plus petite que nous, plaisante-t-il.

— Je ne suis pas petite ! J'ai stoppé ma croissance plus tôt, c'est différent !

Elle fait semblant de râler, même si au fond je sais bien qu'elle est contente aussi. Profitant de ce moment de liesse, j'ai néanmoins la désagréable sensation d'un regard rivé sur nous. Plus bas dans l'amphi, Laly nous fusille des yeux, sa grosse bouche plus pincée que jamais. Je me fous ostensiblement d'elle en lui adressant un sourire tout ce qui a de plus condescendant. Aurèle la voit faire aussi et se retourne vers nous en se grattant la tête, plus embarrassé que jamais.

— Tu ne sens pas comme une odeur d'embrouilles, Mimi ? pouffé-je.

— Si tu as raison, ça pue les emmerdes !

— Arrêtez les filles, c'est pas drôle...

— Ah si, carrément. Ta copine va te faire une scène.

— Ce n'est pas ma copine...

— Il semble qu'elle ne détienne pas cette information, renchérit Mia.

— J'ai vraiment fait une sacrée connerie, elle est folle, je vous jure... soupire-t-il.

— Sois franc avec elle. Explique-lui que tu regrettes, t'étais bourré et tu ne savais plus ce que tu faisais, lui conseille Mia en posant sa main sur son bras pour le réconforter.

— De ce qu'elle m'a dit, elle a flashé sur moi à la rentrée.

— Aïe, pauvre Aurèle, rien de pire qu'un pot de colle rempli d'amour ! Courage, sois fort ! me moqué-je gentiment en lui tapotant l'épaule.


Aurèle

J'ai bien cru perdre Séléné après notre discussion samedi matin. J'ai foiré. Sur toute la ligne. Et pourtant, elle est toujours là, belle comme un cœur. Elle a retrouvé le sourire, ça me soulage. Je m'en serais voulu si les choses ne s'étaient pas arrangées entre nous. Mia et elle sont devenues mes amies, rigolotes et jamais à court de plaisanteries. Je tiens beaucoup à ces deux filles. Avec elles, c'est différent, elles ne me jugent pas, nous rions de tout et elles s'entendent à merveille avec mes deux acolytes. Dit ainsi, ça fait très cliché bisounours, mais j'aime l'idée qu'ils s'apprécient entre eux.

Ce n'est pas non plus simple de nouer des liens avec un plan d'un soir, l'essentiel de mes interactions « poussées » avec la gent féminine se résumant à ça. Gaby nous reproche d'ailleurs souvent à Stan et moi d'être volages. J'ai bien tenté une fois de me mettre en couple. C'était l'année dernière, elle s'appelait Emilie. Et j'y ai laissé des plumes...

Le cours ne va pas tarder de commencer et je m'installe comme à l'accoutumée à côté de Séléné, maintenant que les choses se sont enfin arrangées. Nous échangeons un sourire complice tous les deux et je la taquine gentiment en la chatouillant, ce qui l'a fait glousser de rire, jusqu'à ce que je reçoive un message de Laly contenant une flopée d'émoticônes grimaçantes.

La loose, cette folle va me faire la misère.

Elle clame à qui veut l'entendre que nous sommes en couple. Comment vais-je bien pouvoir me dépêtrer de cette galère ? Mia a raison, le mieux c'est que je lui dise la vérité. Vu comme ça, c'est facile, mais je n'ai pas envie qu'elle s'en prenne à Séléné. Encore que je m'inquiète sûrement pour rien, je sais qu'elle n'aura pas besoin de moi pour riposter en cas d'attaque. Je l'ai bien pigé après nos échanges musclés de la semaine dernière.

Allez, Aurèle, porte tes couilles. T'en as connu d'autres.

Il faut que je me décide à parler avec Laly. Ce n'est pas impossible que je m'en prenne une par contre... Bah, ça m'apprendra à trop picoler.

Et la Lune s'éprit du SoleilWhere stories live. Discover now