Chapitre 11: Partie I

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    Toujours immobile au pied du lit d'hôpital, Jared ne pouvait que fixer l'enfant avec effarement. Il en aurait presque oublié la douleur, la tension qui le broyait littéralement. Les yeux innocents qui le fixaient le transperçaient simplement. Le faucheur avait appris à lire dans le regard des humains. Et le regard de cet enfant montrait une douce résignation. Il était mourant et l'acceptait. Il attendait la mort. Il l'attend lui, le messager de la Mort. Et face à lui, il ne frissonnait même pas.

Jared lui se mit à trembler. Il avait presque oublié à quel point c'était douloureux. Il avait presque oublié à quel point mourir était effrayant. Un enfant n'aurait pas dû avoir à poser un tel regard sur lui. Il n'aurait pas dû avoir à le regarder ainsi.

Le faucheur se sentit suffoquer avant que les cris ne s'élèvent à nouveau.



        Elle hurlait désespérément. Sa voix cassée était la son le plus déchirant qu'il est jamais entendu. Elle le déchirait de l'intérieur, le déchiquetait et le condamnait pour son impuissance. Déjà, sa belle robe blanche n'était plus qu'un lointain souvenir. Un lointain souvenir des beaux jours ensoleillés, des belles soirées d'été passaient enlacés à l'ombre des lavandes. Ces souvenirs partaient déjà en fumée. Le feu mordait le coton. Il le brunissait avant de le faire rougeoyer. Aussi rapidement qu'il avait dévoré la paille, ce démon avide s'attaquait à sa robe, à sa peau...

Maintenu au sol, il avait beau bander les muscles, il ne pouvait rien faire. Il n'aurait même pas su dire combien d'hommes le retenaient. Leur force le pressait juste un peu plus à chaque instant contre le sol alors qu'il se débattait, alors qu'il hurlait à en perdre poumon. L'odeur du bois brulé et la fumée lui griffaient la gorge et le nez. Bientôt, il savait qu'une autre odeur, mille fois plus insupportable,l'assaillirait. Et il ne pourrait rien contre. Il ne pouvait déjà rien contre. Il était impuissant, cloué au sol par des bras d'acier.

Doucement, ses cheveux qui avaient jusqu'alors été soulevés par un souffle invisible, ses cheveux qui imitaient une danse hypnotique s'embrassèrent. Leur couleur brune qu'il aimait tant ne fut rapidement plus qu'un souvenir lointain entre les doigts de feu. Des larmes roulèrent sur ses joues remplaçant ses cris. Sa voix s'éloignait, ses murmures se perdaient alors que lui ne pouvait que l'appeler encore et encore.

-Louisa! Louisa!

Sa propre voix résonnait avec violence dans son crâne. Elle ne cessait de faire un écho déchirant à sa souffrance. Jared ne pouvait que hurler à en perdre la tête.

Et il l'a perdit.



      Une détonation. Les vitres de son bureau vibrèrent violemment sous la pression. Perséphone se leva d'un bon, renversant son fauteuil. Elle n'avait pas besoin de se tourner vers les baies vitrées pour comprendre que l'heure était grave. Elle le ressentait aisément. La Maitresse de la Mort avait l'impression de suffoquer. Son cœur tambourinait dans sa poitrine à la même fréquence que les surfaces vitrées. Perséphone eut bien l'impression qu'elle allait chuter. Ses mains tremblées sur le bord de son bureau. Derrière elle, les nuages s'étaient à nouveau teintés. Une étrange lueur violacée les éclairaient sans que l'on sache d'où elle provenait.

Une nouvelle détonation plus brutale heurta de plein fouet les vitres. Ce fut comme un coup de poignard dans sa poitrine. La jeune femme sentit les parois vitrées vibrer. Elle s'attendait presque à ce qu'elles cassent. Le souffle court, Perséphone tourna difficilement son regard vers l'échiquier. Un pion noir avait éclaté, répandant ses fragments sur tout le plateau. Il ne restait plus rien du Cavalier. Le fidèle pion n'était plus qu'une couche de poussière et d'éclats dispersés. Le cavalier n'avait pas survécu à sa rencontre avec la Reine blanche qui se dressait plus fière que jamais pour protéger son roi.

Ton âme m'appartient... (en suspens)Where stories live. Discover now