Chapitre 15 : Partie III

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           Une âme éparpillée qui n'a pas perdu la  raison.

Une âme éparpillée.

Qui n'a pas perdu la raison.

Les mots résonnaient étrangement dans mon esprit. Ils effleurèrent la conscience d'Elandris qui se se contracta aussitôt. J'arquais un sourcil, troublée et soupçonneuse. Je ne connaissais pas cette femme. Je savais juste qu'elle était une Invisible sans connaître sa véritable nature. Je refusais de faire confiance et pourtant, elle avait éveillé ma curiosité.

- Vous devez vous tromper.

Les lèvres de la barman s'étirèrent et renforcèrent son sourire.

- Le contraire m'aurait étonné.

Ses yeux vides de couleur cillèrent sans me quitter du regard. Elle s'accouda sur le bar et se pencha vers moi.

- Mais je sais également que tu en sais plus que ce dont tu te souviens.

J'ouvris la bouche une question sur les lèvres mais un crissement d'Elandris me condamna au silence. Son cri avait été si vif et puissant que mes tympans vibrèrent encore de longues minutes après. Je plaquais une paume sur mes oreilles et jetais un regard interrogateur à l'Invisible. Elle continuait de me fixer et ne semblait pas le moins du monde surprise. Ses yeux glissèrent vers ma taille, à la hauteur exacte où se trouvait ma faux. Je la vis articuler une phrase sans l'entendre. J'avais la désagréable impression qu'un liquide tiède s'écoulait près de mes tympans. D'une pensée claire, Elandris m'interdit de poser d'autres questions. Elle me conseilla également de me méfier de la sorcière et de ne pas apporter crédit à ses paroles. Confuse, je me sentais tanguais malgré le fait que je sois assise. Une main sur mon épaule et une sensation agréablement familière de chaleur me remirent sur les rails.

Encore un peu hagarde, je me tournais vers Yohan. Il me détaillait un grand sourire collé sur son visage. Ses cheveux en bataille collé déjà sur le bord de son front. Je sentais la présence de Damoclès sans le voir.

- Je me disais bien que je connaissais cette silhouette figée au bar.

Il leva les yeux vers Yuko et lui adressa un sourire accompagné d'un regard étrange que je ne parvenais pas à déchiffrer.

- Et je vois que tu as rencontré notre charmante hôtesse.

Ladite hôtesse lui lança un regard à demi-amusé.

- Ce n'est pas par la flatterie que tu t'en tireras, Yohan.

D'un mouvement d'épaule, j'ôtais sa main de ma peau. Aussitôt, la douleur se réveilla, plus que plus faible. Je grimaçais en sentant un mal de crâne surgir alors qu'il me lançait un regard narquois.

- Ça n'arriverait pas si tu me laissais te soigner convenablement. 

- Je peux me débrouiller toute seule, Yohan.

Je retournais mon attention vers Yuko pour la voir dévisager mon ami faucheur. Lorsqu'il capta son regard, quelque chose d'étrange passa entre eux. Le partage d'un secret ou un avertissement. J'aurais été incapable de le dire.

- Nous devons parler, déclara-t-elle avec calme.

Je ne savais pas si le "nous" me désignait ou s'il faisait référence à Yohan. Soit elle désirait que nous finissions notre conversation, soit ils avaient des affaires à régler. Malgré son calme, son ton était grave signe d'une affaire pressante. Mais mon ami ne devait pas l'entendre de cette oreille puisqu'il ne fit que lui sourire avant de me saisir par les épaules et de me détourner du bar.

- Quoi que ce soit, je suis sur que ça peut attendre, très chère Yuko.

Je n'avais pas eu le temps de placer un mot que nous éloignons déjà vers une table. Alors que j'interrogeais Yohan du regard, ce dernier se baissa subitement sans se défaire de son éternel sourire. Un verre au liquide verdâtre surgit de nul part pour le dépasser subitement et aller s'écraser contre une poutre dans une gerbe de fragments de verre. Manifestement, Yuko n'était pas satisfaite. Yohan soupira.

Ton âme m'appartient... (en suspens)Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora