Chapitre 1. Mon bien aimé.

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Des éclats de voix me parviennent du fond du jardin. Ma petite sœur est assise sur la balançoire du vieux saule et tandis qu'elle s'envole dans les branches, elle pousse de longs cris aigus. Sa longue robe cache ses fines jambes et suit les mouvements enchantés de la balançoire. 

Je la regarde s'épanouir. Mère se tient, droite et fière, sur une chaise et tricote un gilet. Mon autre sœur, Joséphine, achève une  peinture. Ses doigts dessinent avec talent le corps musculeux d'un cheval. Elle est très douée et je souris de la voir si concentrée. 

Le Soleil illumine l'herbe et les arbres secouent leurs ramures avec entrain. Ce jardin est magique. Il y repose une paix et un calme si parfait que j'en oublie ma personne.

Mais le cri rauque d'une mouette, survolant la maison, me ramène à la réalité. Je ferme les yeux; elle emporte avec elle le bruit harmonieux des vagues, la caresse délicieuse du sable doré, et l'odeur alléchante de l'Océan azurin qui s'étend derrière le port, à quelques mètres de ce ridicule jardin.  

Je soupire ; un sentiment de déception frappe ma poitrine. La fraîcheur de l'intérieur m'appelle et je rentre dans la maison tournant le dos à ma famille. Les murs blancs, ornés de larges peintures, brillent d'un éclat de luxe. L'escalier, imprégné de motifs, serpente du salon jusqu'au troisième étage. Massif et colossal, le bois sombre crée un contraste avec les canapés rouges et les vieux fauteuils empourprés de la salle de séjour. Les rideaux brodés et dentelés, tombent avec élégance sur le parquet. Même l'or est incrusté dans la table basse de la salle à dîner.

Les talons de mes hautes chaussures claquent sur le sol et je voudrais qu'ils rayent ce maudit parquet afin que cette maison perde ce luxe vaniteux.

Agacée comme à chacun de mes passages, je monte dans ma chambre mais souhaitant fermer la porte qui mène au balcon, mon regard se perd vers l'horizon et je croise celui de mon Bien-Aimé.

Qu'il est beau. Qu'il est majestueux, dans toute sa puissance.  Son parfum aussi délicat que celui d'un lys, teinté d'un doux bleu ; ses vagues élégantes se fracassant contre le roc, saupoudrant l'atmosphère de gouttelettes étincelantes.

L'Océan.

Je l'admire jusqu'à ce que la voix de ma mère me ramène sur terre :

-Céline chérie ! Pourquoi es-tu enfermée ?

Je passe ma tête par la porte du balcon.

-Qu'y a-t-il Mère ?

-Pourquoi donc es-tu là haut ? N'as tu pas une partition de violon à réviser ?

Je serre les dents, exaspérée. Si bien sûr que je dois réviser cette maudite partition...Mais je m'en lasse tellement ! Je n'aime qu'une mélodie : le doux murmure des flots sur le sable. Mais pas ce stupide violon qui grince comme une vielle porte !

A contre cœur j'obéis et le restant de ma journée fut pénible. Le fiancé de ma sœur Joséphine, le fils du Duc de Gascogne,  dîne ce soir avec nous. Et même si une joie sans borne et sans pareille pétille dans les yeux de ma sœur, un sentiment de dégoût m'empêche d'être heureuse ici.

Ils discutent à propos de leur mariage dans le salon. Ma sœur cadette nous salue et monte se coucher. Ma mère se tourne vers moi :

-As-tu parlé à Xavier, Céline ? Il était ce matin à la prise d'arme du Commandant Nicolas.

-Non. Je n'aie pas eu l'occasion de m'approcher de lui.

-Céline, combien de fois devrais-je te répéter qu'on ne fait connaissance avec personne en restant loin d'eux ?

-Je sais ! Mais je trouve ça absurde ; pourquoi devrais-je fréquenter un homme pour lequel je n'aie aucune attirance ?

-Céline ! Gronde ma mère. Xavier est le petit fils du maire de Rochefort ! Tu ne comptes tout de même pas rentrer au Carmel ? Alors tu dois te marier !

-Mais ça ne serait pas un mariage d'amour !

-Vous finirez bien par vous aimez, voyons !

-Ah oui ? Au bout de combien d'années de mariage ? Je refuse d'épouser un homme qui ne ressentant aucun sentiment pour moi ! C'est à peine s'il ose me fixer dans les yeux !

-Tu es trop exigeante, achève ma mère.

-Exigeante ? Je répète, les sourcils froncés. 

Elle finit par pivoter vers ma sœur et m'oublie. Je soupire de mécontentement et monte à ma chambre. Cette discussion était la bienvenue. Je regrette presque que ma mère ne m'ait pas plus critiquer. Il faut à tout prix que je ne garde aucun souvenir joyeux de cette maison.  

Car cette nuit, je mets mon plan à exécution.










A bord de l'Espadon.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant