Chapitre 4. A bord.

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Cachant ma timidité, je m'approche du Second, qui se tient debout en haut de l'escalier qui mène au gouvernail. Il regarde l'horizon et je me sens très petite à côté de lui.

-Excusez-moi, dis-je d'une voix trop aiguë mais je me rattrape : que dois-je faire ?

-Va donnez un coup de main au Coq, me répond-il en me toisant de haut. 

J'hausse les sourcils. 

-Pardon ? 

-Les cuisiniers ont probablement besoin d'aide. 

J'ouvre la bouche mais aucun son ne sort. Quoi ?! Je dois aller aider en cuisine ? Il est sérieux ? Je le salue d'un rapide signe de tête et descends dans les cales. Je suis ici pour être marin, pas cuistot ! Irritée, je vais d'un pied traînant jusqu'aux cuisines. Un homme en tablier est en train de faire bouillir de l'eau tandis qu'un autre, ses cheveux rejetés sur la partie droite de sa tête, bavarde, assis sur un placard, les jambes pendantes dans le vide. 

-Excusez-moi, avez-vous besoin d'aide ? C'est M. Nighton qui m'envoie...

-Ah tu tombes bien mon gaillard ! Fait le Coq. Il y a des cagettes de pommes de terre à éplucher !

Il me tend un couteau et je me retrouve devant un tas de patates à décortiquer.

-Continue ton histoire Oscar.

-Donc, continue Oscar, je lui aie raconté notre dernière aventure et elle m'a dit que mon père m'avait laissé un objet précieux...

Mais je n'écoutais que d'une oreille. Les yeux rivés sur mes légumes, je songeai au Second. Pourquoi m'a-t-il envoyé ici ? Aurait-il découvert ? Non, c'est beaucoup trop tôt..! Alors pourquoi est-il aussi froid ? Oh et pourquoi je m'intéresse à lui ? Je ne suis pas venue pour me marier ! On croirait entendre ma mère ! 

-Et toi petit, d'où tu sors ? Me demande le Coq.

-Eh bien...je viens de la campagne, près de Rochefort.

-C'est ta première alors ? M'interroge Oscar.

-Oui. 

-Je me souviens de ma première...J'avais vomi sur les bottes du Commandant ! Il m'avait fait lavé tout le pont ! 

-Ah ça oui ! Mon Dieu...Moi ça date de trente ans ! J'étais parti dans un vieux cargo pour la pêche. Dès qu'on tombait sur un banc de requin, on envoyait les punis à l'eau ! J'ai eu une de ces peurs !

Je frissonnais. Et moi ? Qu'allais-je subir ? Finalement découper des patates n'est peut être pas si mal pour une première fois...

Quand j'eu fini, j'eu le droit de retourner sur le pont. Deux hommes fument un cigare. Brack tient la barre et discute avec le Capitaine. Moineau est assis sur un tonneau et regarde l'homme au carnet dessinait un croquis. Alix est accoudé au bord du navire et tient sa tête contre une grosse corde tendue. Ses cheveux bruns aux reflets roux s'agitent dans le vent. Ses yeux verts brillent d'un éclat mystérieux. Je m'avance près du bord. L'eau bleue frappe la coque. Au loin, la ville n'est plus qu'un souvenir. 

-Comment t'appelles-tu ? Demande Alix.

-Cé...Denis. 

Quelle idiote ! 

-Quel âge as-tu ? Je lui demande à mon tour.

-Dix sept. Je suis le cousin du Lieutenant.

-Lieutenant ?

-Le Second.

-Ah oui bien sur.

Seigneur. Je passe pour la plus stupide des idiotes. Mais il me sourit, dévoilant deux belles rangées de dents parfaitement blanches. Qu'il est beau...Je détourne le regard et d'un pas rapide, je m'éloigne, gênée. Non. NON ! 

Je décide de me rendre utile. J'aide un dénommé Sully le Gentil et Nick le Fou a arrangé du matériel. Je ne parle pas beaucoup. J'écoute surtout. Ils sont sympathiques. Nick est blond. Ses cheveux humides lui tombent sur le visage et son œil blanc est hypnotisant mais le deuxième est d'un bleu céleste. Quand à Sully, il a un visage rond, et une petite carrure. Mais sa voix est très douce et il porte très bien son surnom. 

Soudain un homme pousse un cri. Nous nous retournons. Le Second s'approche de l'homme en question qui pointe le bras vers l'horizon. 

Puis M. Nighton s'avance vers ses hommes. Nous sommes tous prêt à entendre ce qu'il va nous déclarer.

-Messieurs, dit-il, c'est le moment de vous jetez à l'eau. 

L'équipage se jette sur le bord du navire pour mieux voir de quoi il s'agit. Au loin, vers où se dirige notre bateau, d'épais nuages sombres zébrés d'éclaires flottent au dessus d'une masse d'eau noir et tumultueuse. On perçoit le tonnerre gronder. 

-Eh oui ! Me chuchote-on à l'oreille. Il est l'heure de se faire baptisé !

Nous fonçons droit dans une tempête. 






A bord de l'Espadon.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant