Chapitre 27. Le pied dans l'étrier.

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La mâtiné est déjà bien entamée et toujours aucun signe de la chaloupe...Joséphine ne me quitte pas des yeux. Elle me pense sûrement capable de sauter dans un bateau et filer vers l'île. C'est vrai que cette idée me trotte depuis un moment dans la tête. 

Mais à quoi servirais-je une fois sur l'île ? Et que se passera-t-il lorsque je trouverai trois cadavres ? Un frisson me parcourt la colonne vertébrale. 

Après avoir déjeuner un bon repas, grâce à l'argent de ma sœur,  je me retrouve à faire les cents pas sur le quai, me rongeant les ongles. 

-Calme toi Céline, me dit gentiment mon aînée. Ils ne vont pas tarder.

-Ils devraient être là depuis plusieurs heures...

-Maman dit souvent que lorsqu'on attend quelqu'un...Il faut l'attendre là où il n'a aucune raison qu'il soit. 

J'hausse un sourcil :

-C'est ridicule.

-Et si ton prince charmant avait accosté un autre port ? 

Je pivote vers elle, en proie à une profonde réflexion. Le port de Santa Cruz...

-Mais oui !! Tu as raison ! Quel est l'hôtel où mère loge ?

-Le Descanso Divino, dans le centre ville pourquoi ?

-Très bien. Il faut que je prenne un cheval. Viens !

Et l'attrapant par la manche, je la tire afin qu'elle me suive. A une allure rapide, je traverse les rues. 

-Un cheval ? Me demande Joséphine qui peine à suivre mon rythme. Mais pourquoi donc ? 

-Tu l'as dit toi-même ! Je lui lance. André a accosté un autre port !

-Comment en être certain ?

-Il suffit de s'y rendre !

L'hôtel est majestueux avec sa face blanche ornée de fleurs multicolores qui pendent aux balcons.

-Où est l'écurie ? Je me renseigne.

Joséphine me guide vers un deuxième bâtiment tout aussi semblable, excepté l'odeur de foin. 

-Merlin et Suzanne sont dans les boxes au fond.

-Parfait. 

J'attrape une selle en cuir noir et un filet. Merlin m'accueille en secouant sa large tête. Il me connait bien. Combien de ballades avons-nous partagés autrefois ! Ses fins crins couleur de jais tombent avec élégance sur ses épaules musclées. J'installe la selle sur son dos et enfile le filet. Il mordille le mord.

-A quel port te rends-tu ? Fait Joséphine.

-Santa Cruz.

-Et comment savoir si tu n'es pas en danger ? Oh je viens avec toi !

-Non ! Restes auprès de mère et rassure là. J'ai vu bien pire ces derniers jours. 

-Une fois que tu as retrouvé André, tu ne nous abandonne pas. 

Je me penche vers elle et l'embrasse sur la joue :

-Promis !

Je monte en selle et passe mes pieds dans les étriers. Je lui sourie et quitte l'écurie au trot avant de filer au petit galop à travers la ville tout juste réveillée. Les sabots de ma monture claquent sur le sol dans un fracas agréable. Les gens s'écartent. Le vent me fouette le visage et je rie, dégustant cet instant féerique. Cela faisait si longtemps que j'avais pas eu ce plaisir ! C'est comme sur un bateau ! L'air frais, le goût de l'aventure, l'excitation qui vous tord l'estomac, le bien-être...Ce sentiment de liberté. Une vague d'espoir se propage dans mon corps. Je ne verrais pourtant jamais la chaloupe arrivée à bon port ; mais ça n'a pas d'importance ! 

Je sais, et j'ignore comment est-ce possible, mais André à au port de Santa Cruz. Dans quel état ? De toute façon, nous avons tous été touchés par les épreuves, et nous, moins que les autres. Il nous reste la vie. 

-Allez Merlin ! Je l'encourage. 

Il lève haut la tête et ses longues jambes accélèrent tandis qu'il prend un chemin pour quitter la ville. L'endroit est moins fréquenté. D'ici deux heures, le port de Santa Cruz apparaîtra à l'horizon. 

Et si je mettais trompé ? Que mon instinct de femme m'avait enduis en erreur ? Si je ne retrouvais qu'un David assoiffé de sang, coupable de la mort de plusieurs hommes dont Brack et André..?

Seigneur ! 



A bord de l'Espadon.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant