Chapitre 12. Le brave Capitaine.

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La tragique nouvelle parcourut le navire à la vitesse d'un ouragan. A peine s'est-elle propagé que le Second a quitté son bureau et s'est adressé à l'équipage en haut des marches. 

-Messieurs, vous avez tous entendu la terrible nouvelle : M.Brick est mort, suite à ses blessures. Je vais envoyé un courrier à Paris pour avertir l'Etat. Cependant de là trouver un bateau qui remonte jusqu'au Nord et que j'obtienne une réponse, plusieurs semaines seront passées. Je vais donc prendre les commandes du bateau. 

Beaucoup froncèrent leurs sourcils.

-Notre prochaine destination est la Corogne, à la pointe Ouest de l'Espagne. Nous y seront dans quelque jours et là, nous feront un arrêt de plusieurs jours pour décider de la suite de notre voyage et avertir les autres bateaux du risques d'attaques de pirates. Que chacun reprenne son poste. Je veux voir Brack, Bosco et Willem ce soir à ma table.

L'équipage se remet au travail dans un silence inquiétant. Je me précipite vers le nouveau Capitaine et je l'interpelle : 

-Monsieur ! 

Il se retourne.

-Monsieur, puis-je vous parler ?

Il hoche la tête et me fait signe d'aller dans le bureau. Il y règne une étrange ambiance. L'air est poussiéreux et jamais la table de bord n'avait été si mal rangée.

Il s'assied sur un large fauteuil, une jambe pliée sur l'autre et m'invite à prendre la parole la première.

-Eh bien le Capitaine, avant de mourir, m'a dit d'étranges choses...

J'ai toute son attention. Ses magnifiques yeux sont braqués sur moi.

-Il m'a dit que je devais être honnête avec moi-même et que je finirais par être récompensé comme mon père. 

-Il savait qui était devant lui ?

-Il m'a appelé Denis.

-Il avait sans doute l'esprit quelque peu embrouillé, fait-il en se levant et en projetant son regard vers la grande baie vitrée donnant sur l'océan. Mais pour ce qui ait de votre père, il s'agissait bien de celui de Céline de Montfort. 

-Vous avez connu mon père ? Je demande, bouleversée.

Il se tourne vers moi, un voile de chagrin pétillant dans ses yeux.

-Il a été le père que je n'aie pas eu.

Il rit en voyant ma mine ébahie.

-Assieds vous.

J'obéis.

-Votre père, Denis de Montfort, était le Capitaine du célèbre voilier Le Brave. Lui et son bateau représentait pour la France la puissance maritime de l'époque et les marins étaient très fiers. Je n'avais que 9 ans quand mes parents m'ont balancés dans une pension. Je m'y suis enfui et j'ai gagné le port. Votre père m'a trouvé et à partir de ce jour, il m'a comme adopté. Il a été d'une très grande bonté avec moi. Les Anglais, en cette année, avait conquis plusieurs territoires et la France ne supportait plus de voir sa puissance augmenter. Le pays a donc envoyé des navires pour les chasser, dont Le Brave. Votre père n'a eu d'autre choix que de m'emmener avec lui. Nous avons remporté de nombreuses batailles au cours de cette mission jusqu'à ce que votre père soit décoré de plusieurs médailles. Il ne les porté jamais. Ce qu'il aimait, c'était manger avec son équipage, dessiner et admirer les créatures de la mer. Les marins l'aimaient. Mais un jour, en arrivant chez lui, au port de la Rochelle, un homme l'a tué d'une balle alors qu'il descendait de son bâtiment pour rejoindre votre mère. 

Les larmes me montent aux yeux. 

-Le criminel court toujours, conclu-t-il d'une voix brisée.

Je reste muette. Voilà l'histoire qu'on m'a si longtemps cachée. Je ne trouve qu'à articuler :

-Merci.

-Je vous en prie. Vous aviez le droit de savoir la vérité. Ne soyez pas rancunière envers votre mère ; elle a été tellement blessée par la mort de son mari que la raconter lui demande beaucoup d'efforts. 

-Étiez-vous là quand...

-Oui. Sa mort m'a beaucoup marquée et je me suis juré de le vengé mais...Ce n'est pas facile.

Je me suis senti tout de suite plus à l'aise en sa compagnie. Je ne ressentais plus aucun signe de timidité. J'aurais même voulu m'approcher de lui et poser ma tête sur sa poitrine, afin qu'on se console de notre malheur. Mais il m'aurait fallu une vague de courage. Ors je n'étais pas moi-même. 

-Vous ais-je éclairé ? M'interroge-t-il.

Je quitte mon siège.

-Oui. Si M. Brick et vous-même savait réellement qui je suis, les autres l'ont découvert à leur tour, non ? 

Il hausse les épaules :

-Je ne pense pas. Vous être très douée pour jouer au garçon. 

Je me mets à rire. On se regarde en silence. Les secondes défilent. Soudain on frappe à la porte. Il se détache de mes yeux et pivote vers Nick :

-Capitaine ! Nous croisons un banc de truites ! Nous permettez vous de jeter notre filet à la mer ?

-Bien sûr ! 

Nick, heureux comme un poisson dans l'eau, se précipite sur le pont pour apporter la permission à ses camardes. 

-Venez Denis, fait M. Nighton. Ne ratons pas cette séance de pêche !





















A bord de l'Espadon.Where stories live. Discover now