Chapitre 9. La Rage des combats.

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La paire de jumelle me tombe des mains. Bouche bée, j'observe l'équipage se mettre à l'oeuvre. Je voies Carole, Sully et Alix sortir une énorme cale remplie de fusils et en distribuer à tous les hommes. Ils ne vont tout de même pas se battre ?! Nick, Tom et Oscar mettent en place deux canons. Mes mains tremblent. Je recule, épouvantée mais trop tard, Alix me tend un grand fusil. L'arme scintille au soleil. 

-Attrape ça Denis ! Tu en auras besoin !

J'écarquille les yeux, mes doigts caressent le canon métallique, je serre la poignée et mes doigts rencontrent la queue de détente. Réveilles-toi Céline ! 

Levant les yeux, j'aperçois le bateau pirate. Leurs hurlements parviennent jusqu'ici. Terrorisée, je n'ose pas bouger. Quand je pense à ce qu'il m'attend ! 

Une main s'agrippe à mon bras. J'hurle de surprise avant de me retrouver face au Capitaine. Il porte un large chapeau orné  de longues plumes. Une lueur de réjouissance jaillit dans ses prunelles. Il me bloque l'arme au creux de l'épaule. Son visage n'est plus qu'à quelque centimètre du mien. Son haleine sent le vin et il empeste le cigare. 

-Une arme, ça se tient comme ça, mon gars, me dit-il en prenant mes mains et les ajustant au bon endroit, et dès que tu voies un de ces satanés pirates dans ton viseur, tu n'hésite pas une seconde !

J'hoche la tête, à peine rassurée. Puis me laissant, il s'avance vers ses hommes :

-Messieurs, ne combattez pas pour votre femme ou votre chien, mais pour la patrie et pour Dieu ! 

Les hommes répondent par de puissantes ovations. Mais à peine a-t-il achevé sa phrase que d'autres cris nous parviennent. Le bateau ennemi est dorénavant tout près et je contemple avec effroi leurs visages haineuses et sans pitié. L'un d'eux n'a qu'un œil, un autre n'a pas de dent, et celui là est couvert de gravures noirs. Je serre mon arme pour m'y blottir, comme si c'était ma peluche et qu'il faisait de l'orage. 

Un brouhaha étouffant empreigne l'air. A l'instant même où les bateaux sont à même hauteur, les pirates bondissent et l'équipage de l'Espadon fait feu. De partout jaillit des étincelles et le sang mouille bientôt le sol du pont. J'arme mon fusil et regarde par le viseur. Ils sont partout ! Lequel dois-je tuer ? J'en ai un. Mon doigts tremblent. Mon index tient la détente et d'un seul coup, j'appuie. Le pirate est foudroyé et tombe à terre, raide comme un bâton. Je reste coi. Je viens de tuer un homme. Je viens de tuer un HOMME ! Mais je n'aie pas le temps de pleurer, un pirate m'a vu et tandis qu'il hurle, il se jette sur moi. Je l'esquive et donne un coup dans le vide avec mon fusil. Son affreux visage sourit et de la bave coule de sa bouche. Ses petits yeux noirs m'analysent et je croirais voir un rat se léchant les babines devant de la viande fraîche. Son sabre fend l'air et je sens la panique montée en moi. Je recule de plus en plus avant de toucher le bord tandis qu'il avance, visiblement amusé d'être tomber sur le marin le plus pitoyable du globe.  Son sabre dessine de grands mouvements et j'ai du mal à tous les arrêter. La lame s'abat sur mon bras et le sang gicle. Je serre les dents et d'un coup sec, je lui envoie mon fusil dans la figure. Il grogne mais cela ne le décourage guère. Il s'apprête à m'achever quand un son strident retentit près de mon oreille et le pirate, touché en pleine poitrine, s'effondre. Je me retourne vers mon sauveur et découvre Nighton, le bras tendu, ses mains agrippées à un beau pistolet incrusté de motifs dorés. J'éprouve une bouffée d'affection pour lui. Mais il détourne rapidement le regard et repart à l'attaque.

Je recharge et vise à nouveau. J'aperçois Alix en duel avec un pirate qui mesure deux fois sa taille. Mon ami a le visage en sueur et en sang. Je tire. Le pirate s'écroule en gémissant. Alix m'adresse un signe de tête, reconnaissant avant de se mêler au cœur du combat. Je cherche Moineau des yeux. Où donc est-il ? Des hommes tombent à l'eau. Je ne serais dire quel parti est en train de gagner. Il y a beaucoup de corps à terre mais il m'est impossible de distinguer de qui il s'agit. Le Capitaine est en lutte avec un gredin. Son chapeau est pratiquement aussi grand ! Je me prépare à faire feu quand je suis violemment bousculé. Je dégringole les escaliers en gémissant. Alarmée, je cherche mon fusil. Il est nul part ! Mon agresseur m'afflige un coup dans le dos. Les larmes me montent aux yeux ; la douleur me paralyse le corps. Je ferme les yeux, pensant succomber. Quelqu'un me frappe de sa botte au crâne. Mon sang brouille ma vision. Je tente de me relever mais mes jambes cèdent sous mon poids. 

-Victoire ! Ils fuient !

Péniblement, je regarde l'auteur de ce cri. C'est Brack. Les hommes ont l'air exténués mais contents. Les pirates semblent avoir quitté notre bateau et reparti dans le leur. Moi qui pensais qu'ils ne partiraient une fois qu'ils nous auraient tous anéantis. Tant mieux. Je préfère cette version. 

On m'aide à me remettre sur pied. Je dois être dans un piteux état. Je m'assied en attendant qu'on me soigne. Je serre les dents, souffrant de partout. Mon bras me brûle et ma tête va exploser tant elle palpite de douleur. 

-Où est Moineau ? Je demande.

-Avec David, à l'abri.

Willem, le chirurgien, passe dans les rangs, pendant que les hommes jettent les cadavres ennemis à la mer. 

-Les requins vont se régaler ce soir ! Lance Nick.

Pour nos morts, ils sont placés en ligne. Un sanglot me bloque la gorge en voyant parmi eux Philippe, Tom, César et Mathieu. 

Mais mon cœur prend un autre rythme. Le Capitaine est allongé ; Willem, le dos courbé, l'examine. Il ne bouge pas et ses habits déchirés sont recouvert de sang. 

Alix s'accroupit face à moi. 

-Tu t'es bien battu il semblerait ! Merci pour ton aide ! 

-Merci. Mais j'ai plutôt été bien ridicule...

-Pour quelqu'un qui n'a jamais tenu une arme, sauver un ami, je trouve ça plutôt honorable !

Il pose sa main sur mon épaule puis attrapant une serviette qu'il trempe dans un seau d'eau, il m'essuie le visage. Son amitié me réchauffe et je ferme les yeux, bénissant la Providence de m'avoir porté chance. Je suis vivante. 







A bord de l'Espadon.Where stories live. Discover now