Chapitre 16. Plus que 7.

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-Maman ! Maman ! Criais-je de ma petite voix fluette. Et ce bateau-ci ? Quel est son nom ?

-Celui-ci s'appelle Poupe au Vent. 

-Qu'il est beau ! Pourrais-je, un jour, monter à bord ?

Ma mère émit un léger rire :

-Là n'est pas ta place, ma chérie. Tu devrais faire comme ta sœur ; elle peint les bateaux qui l'ont émerveillés lors de sa ballade au port.

J'affichais une mou déçue. Quelle idée saugrenue ! J'aime contempler ces grands vaisseaux qui semblent prendre vie avec les vagues et l'aquilon ! Mais je me plais davantage à m'imaginer naviguer entre leurs bras de bois ! 

-Céline ! Céline ! 

J'ouvre péniblement les yeux. Une odeur de poudre flotte dans la nuit. Un visage familier est penché sur moi.

-Levez-vous ! Vite !

M. Nighton m'aide à me remettre sur pied. Je ressens une douleur cuisante au niveau du genou, me faisant boiter.

-Vite ! Mettez la chaloupe à la mer !

Le feu a maintenant pris possession des cabines, et du bureau du Capitaine. Le gouvernail n'est plus qu'un souvenirs. Tout part en cendre. Les pirates se sont évaporés. Et si tout ça n'était qu'un cauchemar ? 

Les derniers membres de l'équipage mettent en place, avec difficulté, une chaloupe. 

-Montez dedans ! Ordonne le Second.

Une flamme explose au dessus de nos têtes. Tandis qu'on se courbe au sol, M. Nighton, ses mains sur mes épaules, me couvre. 

-La chaloupe est prête ! Crie Brack.

Alix qui tient un corps à moitié vivant dans ses bras, grimpe à bord. Nick le suit, puis David et Willem. Ils sont tous ensanglantés et exténués. Leur visage est couvert de suie. 

Je monte à mon tour, toujours épaulée par M. Nighton qui ne me quitte ni des yeux, ni des mains. 

Je m'assieds, timorée, les cheveux en bataille, coincé entre M. Nighton et le bord de la barque. Je n'ose plus bouger. Je fixe avec épouvante l'Espadon, il y a quelques heures, puissant bateau de la marine marchande française, et à présent, un vieux cargo en flamme, les mats écroulés, les voiles déchirées. Une épaisse fumée noire s'y échappe. Cendre et poussière vont rejoindre les étoiles. 

Soudain une silhouette surgit sur le pont effondré et agitant les bras, appelle à l'aide.

-Sully ! Hurle Nick en se redressant.

Mais ses camarades le retiennent. 

-C'est trop tard...Fait Willem. Nous ne pouvons plus rien pour lui.

Alors que la chaloupe s'éloigne doucement, un énorme tas de décombres s'abat sur lui. Dans un bruit assourdissant, accentué par le crépitements du feu, et l'agitation des vagues, l'Espadon s'enfonce dans l'eau. Nous le regardons, les yeux brouillés par les larmes, s'engouffrer dans les profondeurs de l'Océan. 

Il deviendra lui aussi bientôt qu'un sujet de récit. Devenu brasier, il disparaît, laissant à la surface quelques planches de bois. 

Un gémissement attire notre attention. C'est Moineau qui est allongé, tremblant, et couvert d'horribles plaies. Il lutte pour respirer mais son visage est blanc comme l'écume.

Je m'agenouille près de lui et lui prend la main. 

-Tu avais dit...Que je retrouverais ma maman...Articule-t-il d'une voix frêle.

A bord de l'Espadon.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant