A bord de l'Espadon.

Chapitre 15. Prise dans le filet.

J'ouvre les yeux. Je suis étendu dans mon hamac, une vielle couverture posée sur mon corps transi. Des ronflements s'élèvent d'un peu partout dans la cale. Il fait nuit et le bateau se balance doucement, afin de ne pas déranger ses enfants endormis. 

Je ne me suis pas réveillée toute seule. Quelque chose ou quelqu'un a fait du bruit. Pourtant il règne un silence inquiétant. 

Je quitte mon hamac, enfile mes bottines, et ma veste et discrètement je monte sur le pont. 

Une main se plaque sur ma bouche et m'empêche de crier. Un bras me coince les membres. J'essaye de me débattre mais mon agresseur est trop fort. Je regarde tout autour de moi et je sens fondre mes entrailles. 

Ils sont une dizaine, armés jusqu'au dent, à monter à bord de l'Espadon. Des pirates. Leur bateau est resté à distance. Ils ont sauté à l'eau et nagé jusqu'ici. Trempés, ils escaladent la coque et les voilà, tous assoiffés de sang. 

Je ne comprend pas ! Que fait la vigile ? J'ose lever les yeux au ciel. Le nid de pie est vide. Qui est l'abruti qui devait s'occuper de garder le bateau ?! A cause de lui, des pirates sont en train de nous envahir ! 

Ils sont ignobles. Et celui qui m'a empoigné empeste le poisson. Ils ont des barbichettes, des boucles d'oreilles, des yeux de rats, et leurs doigts se terminent par de longs ongles aiguisés. J'ai des frissons tout le long du dos.

J'essaye d'appeler à l'aide. Le pirate me souffle à l'oreille :

-Tout doux ma jolie...On vient juste dire un petit bonjour à tes amis...

Il a reconnu que je suis une fille. Bah ça alors. 

-Les gars, ils sont tous dans la cale ! Lance un pirate à voix basse.

J'envoie un coup de pied en arrière et mord jusqu'au sang la main du brigand. Il pousse un juron et par chance il enlève sa main. J'hurle à plein poumons : 

-On nous attaque !! 

Il réplique par un coup dans le ventre. Je tombe à genoux, le souffle coupé.

-Dépêchez vous ! 

Les pirates se précipitent dans les escaliers. Mes camarades ont entendu mon cri de garde ! Alléluia ! Le silence a disparu. Les pirates ont tirés leurs sabres et mes compagnons ont quittés leur oreillers. 

Je me relève péniblement et attrapant un bâton, j'assène un coup violent sur le crâne chauve du pirate posté devant moi, dos tourné. Il s'effondre. 

Au fond du navire, les hommes se battent et malheureusement, les pirates ont le dessus. Où est M. Nighton ? 

Alix a mis la main sur un pistolet mais un des sauvages lui bloque le bras. Je décide de venir à son secours quand une main me prend le poignet. C'est M. Nighton. Ses yeux débordent d'angoisse et une profonde entaille sillonne sa joue.

-Céline ! Enfuyez-vous ! Quittez le navire !

-Mais...Et vous ?

-Fuyez ! 

Et il retourne au combat. Je refuse de lui obéir, même si la tentation est trop forte. Je me suis engagée sur ce bateau, j'y resterai ! Je suis répugnée à l'idée d'abandonner mes amis. Un coup de feu. Max tombe à terre. J'empoigne un vieux fusil et fais feu. J'en tue un, puis deux. Mais un sabre siffle près de mon oreille et je recule, épouvantée devant l'air affreux du pirate devant moi.

-Alors ma mignonne ? Aboie-t-il, du sang dégoulinant de sa bouche. 

Je lui envoie ma crosse dans la figure. Il tombe à la renverse. 

-Au feu ! Crie un homme.

La coque s'est embrasée. Des flammes s'élèvent au fond de la cale. Des silhouettes s'agitent, prise au piège dans l'incendie. Je suis bousculée. Les pirates semblent vouloir quitter le bateau. En effet, ils remontent l'escalier mais bloquent la sortie. 

Le feu s'agrandit et l'air devient vite irrespirable. Alix surgit à mes côtés. Son visage est pitoyable. 

-Tu aurais dû t'en aller, me dit-il d'une voix affaiblie par la douleur. 

-Je sais. 

J'arme mon fusil et vise l'un des pirates. J'ignore le souffle brûlant du feu dans mon dos et l'abat, profitant d'être cachée dans la fumée. Les pirates prennent peur et s'enfuient. Nous nous précipitons tous à leur suite, pressés de retrouver l'air frais de la nuit. 

Mais à peine ais-je franchie la porte, qu'un explosif éclate à deux pas devant moi.