Sonnet.

4.6K 630 129
                                    

Sonnet.

Ce jour là, il fait beau. Un soleil froid rayonne timidement. Le ciel est pâle, docile, ombragé par quelques formes tranquilles. La sonnerie retentit dans le lycée et les élèves reprennent la parole qu'ils avaient laissée dans le couloir. Coups, cris, rires, évidences. Les gens viennent, les gens vont, sans se douter que dehors il fait doux, et que les oiseaux partent pour d'autres chaleurs. L'automne brûle dans les branches et sur les prunelles ébahies. L'automne souffle des brumes invisibles, fraîches et invincibles. Les feuilles tombent et craquent sous les pas. Et sans que l'on s'y attende, un matin l'Hiver sera là, embrassant son frère pour qu'il aille se coucher, et qu'il lui laisse l'honneur de nous gouverner.

JungKook est debout en bas des gradins. Les avant bras appuyés sur la rambarde métallique, il observe l'équipe de football américain qui s'entraîne. Bientôt il fera trop froid pour qu'il puisse venir les voir. Mais ce jour là il fait beau et le vent n'a que des caresses délicates. Les joueurs dans leur tenue rouge s'arrachent et s'enragent. Ils sont pris par une fougue et une passion aveugle. JungKook envie leur habilité, bien qu'il n'ait jamais beaucoup aimé le sport. Il trouve le football brutal mais il aime le regarder. Et parfois, entre quelques ballons lancés et quelques chocs contrôlés, son ami Namjoon vient lui parler. Il a de la sueur sur le visage et les joues rouges, toutefois il sourit. Et JungKook rit avec lui avant qu'il s'en aille pour rejoindre la mêlée. Ses yeux se perdent un peu vers les grands bâtiments du lycée. Il souffle dessus une fumée blanche. Et les yeux s'éloignent de la prison immense.

Puis un ballon vrille, dérape, part se loger dans les gradins. Namjoon interpelle JungKook pour qu'il aille le chercher. JungKook le fait, remonte les marches, passe par dessus les bancs bleus pâles – comme le ciel – puis lève les yeux. Et il voit ses chaussures défigurées, coloriées, rafistolées. Il voit les pans retroussés de son jean. Il voit ses chevilles linéaires et sa peau claire. Il redresse un peu la tête et voit son pull trois fois trop grand, les motifs abstraits et les couleurs grisantes sur le vaste tissu. Il voit le bout de ses doigts, agrippant un livre à la reliure abîmée et aux pages jaunies. Il voit son visage fin, très fin – trop fin – ses traits concentrés, ses cils frôlant les verres de ses lunettes à monture brune. Il voit ses cheveux pas trop sombres mais pas trop lumineux non plus. Il voit les quelques mèches teintées de pourpre que le vent dérange. Il le voit et quelqu'un l'appelle.

Alors JungKook ramasse le ballon aux pieds du garçon et le lance aux joueurs sur le terrain vert. TaeHyung tourne la page de son livre et se pince les lèvres. Le morceau qu'il écoutait s'arrête. Les cris des joueurs touchent ses oreilles. Et une voix harmonieuse s'élève des autres voix.

« -L'attrape-cœurs. C'est un bon livre.»

TaeHyung ne réagit pas. JungKook pense qu'il ne l'a pas attendu. Il sourit sa gêne puis s'apprête à redescendre les gradins quand TaeHyung dit, à peine plus fort qu'un murmure :

« -Si un cœur attrape un cœur qui vient à travers les seigles. Tu aimes bien ?

-Oui - plus que bien même. Mais je n'ai jamais retrouvé le poème. Tu sais, celui de Robert Burns. »

JungKook lui sourit, TaeHyung répond faiblement, regardant vers le bas, les joues rouges.

Et peut être que dans une autre réalité où TaeHyung n'est pas timide, il récite ce poème qu'il connaît par cœur. Celui de Robert Burns.

Âmes Poétesses - TaeKookWhere stories live. Discover now