Apologue.
« -Il ne pouvait rien arriver de mal à un être capable de profiter pleinement de l'instant, vivant ainsi dans le présent et sachant apprécier avec une tendre attention chaque petite fleur rencontrée en chemin, la valeur éphémère de chaque moment. J'aime beaucoup celle-ci. »
JungKook pose quelques doigts sur la page du livre pour qu'elle ne se laisse pas emporter par le vent. La brise dérange un peu ses cheveux. TaeHyung regarde ses mèches et ses cils dans la lumière. Ses paupières sont des papillons paniqués. Et ils volent au rythme de ses pupilles enflammées. JungKook est assis en tailleurs dans l'herbe et TaeHyung laisse sa tête reposer en haut de sa jambe. Il l'écoute lui lire les beaux passages d'un livre. Et parfois il ouvre les yeux sur son visage, puis sur les branches des arbres qui frétillent, puis sur le soleil qui brûle derrière.
« -Parfois les choses éphémères sont les plus importantes. »
JungKook baisse le regard en douceur, pose le livre ouvert dans l'herbe. Les pages s'emballent, tournent, tournent entre la reliure et les deux couvertures. Les pages s'embrasent dans leur propre univers. Et dans le vent indécis, le chronologie numérotée s'égare. Le début est au milieu et la fin se trouve renversée. JungKook passe une main dans les cheveux de TaeHyung. Le souffle des glaciers l'accompagne. Leurs yeux pleins de lumière se croisent. Ils sont au centre de la Terre et le ciel les regarde, à même le sol, la tête dans les étoiles. Les doigts de JungKook retombent sur son front, ils frôlent l'arrête de son nez, la couleur de ses lèvres, la forme de son menton, le contour de sa mâchoire. Puis ils viennent caresser sa joue rosée par le vent pâle. Ils pourraient se trouver n'importe où, en Alaska ou bien en Inde. Ils ne l'auraient pas su. Les seuls paysages sont ceux de l'âme quand elle parle. Et elle parle dans leurs regards.
« -Si je ne t'avais pas répondu dans les gradins ce jour là, est-ce que je serais devenu éphémère ? » demande TaeHyung, un air serein sur le visage.
JungKook relève la tête, découvre le monde tel un mirage. Il porte son attention au loin, jusqu'au stade où les gradins restent si souvent vides. Il se pose la question. Aurait-il oublié ? N'aurait-ce été qu'un passage infime de l'existence ? Personne ne le sait.
« -Je ne sais pas. Mais tu m'as répondu. Et c'est notre réalité. »
TaeHyung ne répond pas cette fois. Il détourne le visage vers le lointain. Bientôt la sonnerie retentira. Et il faudra s'en aller. Mais ce n'est pas encore le présent, ce n'est pas encore la réalité. C'est encore à faire. Comme tout un tas de choses d'ailleurs. Et par moment le vent passe. Et le livre s'emporte en lui même. TaeHyung attrape la main de JungKook, la mêle à la sienne.
« -Récite moi un poème » quémande-t-il d'une voix souriante.
JungKook regarde l'avenir à travers le présent, respire, puis lui récite un poème. TaeHyung aime ses poèmes. Il ferme les yeux. Et à cet instant, tout va bien.
Dans le champs de colza
les moineaux font mine
de contempler les fleurs
Et dans une autre réalité, ... peu importe.
