Blason.

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Blason.

La nuit respire
Un peu de soleil
A été capturé
Dans ses yeux

JungKook a marché quelques temps dans les rues lézardées de lune. Les mains dans les poches, les pupilles étincelantes, il cherche. Et quand il trouve, il s'en ravit. La commissure droite de ses lèvres se relève. Il est tard. Il n'y a plus que le vent. Il monte silencieusement le long de la gouttière, marche sur le toit du garage et grimpe sur le rebord de fenêtre. Et comme celle-ci est ouverte, il la pousse. JungKook pose un pied de l'autre côté, une brise calme l'accompagne dans la pièce. Une fois à l'intérieur, il fait un pas. Et il ne voit que le contour des meubles et les reflets sur les murs qui luisent sous les éclats nocturnes. Puis soudain une main s'empare de la sienne. La peau sur la peau, les doigts emmêlés et les paumes qui se rencontrent. JungKook découvre son visage dans la pleine lune. TaeHyung lui offre un sourire et pose son doigts contre sa bouche pour lui intimer le silence. JungKook s'approche et embrasse sa phalange. TaeHyung l'observe, muet. Puis il s'éloigne pour allumer la lumière.

JungKook regarde autour de lui, comme immergé dans un monde qui n'est pas le sien. Il est captivé, marchant sans bruits, il détaille les objets posés sur la commode. Ses doigts caressent la surface boisée puis se perdent dans un arbre à peine plus grand que sa main où sont accrochés des origamis en verre. Les grues bleues, volent sous les saules. Puis sa main attrape le carrousel aux teintes délavées. Il tourne la clé, une mélodie de quelques notes, à peine audible, s'en échappe. TaeHyung le regarde faire, presque curieux. Puis JungKook s'approche du bureau où s'alignent des affaires bien rangées, il y a aussi des morceaux de papier où sont gribouillés des mots, parfois des phrases, sans majuscules et sans points. Et dans un coin, JungKook retrouve ses poèmes. Il y a trois livres qui s'empilent à leurs côtés. JungKook les reconnaît. Et tout en haut trône L'Attrape-cœurs. En levant la tête, il voit des papiers et des papiers sur les murs. Des cartes colorées, des affiches brillantes, tous les mots que JungKook a déposés dans son casier, les tickets de bus et les billets de cinéma qu'ils ont payés pendant leurs expéditions.

« -Je ne pensais pas que tu avais gardé tout ça, murmure-t-il. »

TaeHyung ne répond pas. TaeHyung contemple. Soudain JungKook pose le doigt sur une grande feuille cartonnée où un visage pleure sur un fond jaune. Les couleurs imprègnent ses prunelles. Le visage le fixe dans ses larmes bleues turquoises, presque vertes. Le visage pleure des larmes d'eau douce. Et JungKook les caresse, comme pour les chasser. Mais elles restent intactes, et c'est sûrement mieux ainsi. Car elles sont drôlement belles ces larmes. Et en dessous de la feuille, il y en a d'autres des comme ça. JungKook boit leurs couleurs, plonge dans les yeux des personnages, dans les courbes des paysages.

« -C'est toi qui fait ça ? Demande-t-il alors
-Oui. »

JungKook se retourne pour le voir.

« -Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? »

TaeHyung hausse les épaules. Leurs orbes se fixent et brillent dans l'ambiance tamisée. JungKook se rapproche et passe ses bras autour de lui. Parce qu'il était trop loin et qu'il lui a trop manqué et que le reste importe peu. TaeHyung pose une main dans sa nuque, ferme les yeux. JungKook est ivre de son odeur, ivre de ses couleurs. Son nez frôle son cou, puis sa mâchoire, puis ses lèvres et puis son nez à lui aussi. Leurs fronts se posent l'un contre l'autre. Leurs paupières s'ouvrent. Et il y a le monde de l'un qui se croise dans le monde de l'autre quand les regards brûlent. TaeHyung laisse le bout de ses doigts s'enfoncer dans ses cheveux plus noirs que la nuit. Une des mains de JungKook touche sa joue, caresse ses cernes atténuées, comme s'il essuyait les sillons trop profonds que les larmes ont creusés. Ses actes sont délicats et attentifs. Il tient un être fragile. Il ne veut pas le briser.

TaeHyung sait que JungKook a peur de le toucher. Et TaeHyung a peur de son propre corps mais pas de celui de JungKook. Et c'est sûrement pour ça qu'il l'embrasse en premier. Ses lèvres sont aussi furtives et imprévisibles que l'air. Et JungKook les rattrape quand elles s'envolent loin des siennes. Il récupère le baiser. Il l'embrasse plus fort. Il passe ses bras autour de son corps et le serre pour ne pas qu'il lui échappe. Encore. Puis il lui embrasse la bouche, la joue, tout le long du cou. Sa peau a un goût de liberté. Les mains de TaeHyung partent se noyer dans ses cheveux. Parce qu'il l'aime et que dans la nuit et dans ses bras, rien n'est vraiment important. Ce n'est plus qu'une question de réalité. Et la réalité est tellement réelle qu'elle ne semble plus l'être. TaeHyung laisse ses doigts frôler sa colonne vertébrale, effleurer l'angle de ses omoplates, redescendre jusqu'à sa taille sans jamais le toucher vraiment. C'est JungKook qui attrape ses mains et les guide sur ses hanches. Il embrasse ses lèvres à nouveau. Et TaeHyung sent soudainement sa peau brûlante sous le tissu. Il tremble presque quand il remonte ses mains le long de ses flancs. Il sent alors ses côtes sous sa chair. Et son cœur vibre bruyamment.

TaeHyung enlève ses mains quand JungKook retire son propre T-shirt d'un geste habile et subit. Il le regarde avec de grands yeux ébahis. JungKook lui sourit puis dépose un baiser sur son front. Sa main glisse le long de son avant bras, attrape son poignet et l'emmène jusqu'au lit. Là, ils s'allongent sous le velux. JungKook prend TaeHyung dans ses bras et TaeHyung entend son cœur battre dans sa poitrine nue. A ce son, un rictus lumineux traverse son visage. Et ainsi, ils regardent le ciel qui règne de l'autre côté de la vitre. Les doigts de JungKook jouent avec ceux de TaeHyung. Et TaeHyug le laisse faire. Et parfois il regarde leurs mains emmêlées, fasciné. Et contre lui, il sait qu'il ne pensera pas mal cette nuit. Le monde est plus beau dans ses bras.

« -Le ciel est toujours comme ça vu d'ici ? »

TaeHyung fait oui de la tête, et les étoiles se détachent du plafond si sombre. Elles scintillent dans le passé, dangereuses. Elles se reflètent dans leurs yeux, nébuleuses. Ils les aiment ces étoiles. Parce que même si la Terre s'écroule, même s'il n'y a plus de soleil, il y aura toujours des étoiles dans le ciel. Et leur souvenir restera immortel. JungKook caresse la main de TaeHyung, doucement, tendrement. Et il aime ses cheveux dans son cou, son souffle sur sa peau, ses yeux dans la même direction que les siens. Et dans l'ombre et sous les étoiles, il le dit, il le jure presque :

« -Je t'aime corps et âme. »

TaeHyung sourit. Et dans son esprit, il l'en remercie. Puis, ils restent immobiles, à contempler le ciel dévoilé, avant que l'aube ne leur murmure de se séparer.

Et dans cette digne réalité, il y a des âmes sans corps mais pas de corps sans âme.

Âmes Poétesses - TaeKookKde žijí příběhy. Začni objevovat