Thèse.

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Thèse.

6 jours
Bientôt deux semaines que je ne lui ai pas parlé.
Je reconnais ma propre absurdité.

Un après midi de temps neutre, insipide, Jimin s'est assis à côté de JungKook sur un banc devant le lycée. Ils n'ont pas parlé. JungKook avait sa rage fragile et Jimin ses secrets muets. JungKook a replié ses jambes contre sa poitrine, a posé son menton sur ses genoux et ils ont continué de regarder les gens. En ce moment JungKook a du mal avec les gens. Et comme il ne veut pas être méchant, il les évite. Il sent au fond de lui une colère de fauve blessé qui crépite. Alors il évite de parler, de s'approcher des autres. Et quand il le voit dans les couloirs, à la cafétéria, sur le parking, n'importe où, il hurle silencieusement. Il aimerait lui dire qu'il l'aime, qu'il est désolé pour ce qu'il a fait même s'il ne sait pas ce qu'il a fait, qu'il ferait tout pour tenir sa main ne serait-ce qu'une autre journée. Mais il ne le fait pas. Il évite TaeHyung. Il ne le regarde que quand il est sûr qu'il ne le voit pas, il rêve de lui mais ne s'approche pas. Il n'ose pas. JungKook s'éloigne de TaeHyung parce qu'il est persuadé que TaeHyung veut qu'il soit loin de lui. Et JungKook a du mal. Non. C'est plus que ça. C'est indescriptible. Sans mot, sans sonorité, sans odeur, sans rien. Sentiment informe. Mais pas incolore. Détestable. Et les couleurs ne sont même pas stables.

Dès qu'il le peut JungKook va s'asseoir sur ce banc pour regarder passer les gens, se sentant à l'écart, seul et sans besoin de participer. Il se cache derrière une forteresse. Il va bien mais il ne va pas bien. Qui comprend ça ? Jimin vient souvent à ses côtés, pour observer sans parler. Peut être que lui, il comprend. JungKook ne se pose pas la question. C'est la seule personne qu'il supporte. La seule qui ne lui demande pas d'aller mieux. La seule qui attend. Parce que le temps, c'est tout ce qu'il leur reste. Enfin, ils y croient. Alors ils passent leur temps là. Ils gaspillent leur temps libre sur le banc, à goûter les minutes intenables qui s'évadent trop souvent. Mais rien n'est moins sûr. Ils attendent que les gens passent. Et peut être qu'un jour il n'y aura plus personne à regarder passer. Et peut être que c'est ça la vérité. Et au bout d'un certain temps, les blessures ont beau rester les mêmes, on est plus habiles à les cacher, on est plus à même de parler, de participer. Et ils ne comptent plus trop le temps passé sur ce banc sur l'herbe humide et sèche, dans les vents et dans les froids. Si bien qu'un jour, il y a des bourgeons au bout des branches. Le printemps est plus proche que ce qu'ils croient.

Et cet après midi là, au lieu de regarder les gens passer de l'entrée au parking et du parking à l'entrée, JungKook imagine quelle couleur auront les fleurs. Puis il baisse les yeux. Où est passée la brise glaciale ? Il se tourne vers Jimin. Jimin le regarde. JungKook lui dit :

«-Qu'est-ce qu'on fait là ?
-Sur ce banc ?
-Non, là.
-Bah, comme tout le monde, on attend.»

Les deux garçons lèvent alors les yeux pour voir les cœurs fleurissant au bout des branches, squelettiques. Puis JungKook parle avec une voix nouvelle, une voix qui n'est pas la sienne.

« -Je pense qu'on devrait sortir ce week end. »

Et dans une autre réalité, les fleurs sur les arbres bourgeonnent plus souvent.

Âmes Poétesses - TaeKookTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon