Acrostiche.

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Acrostiche.

Et ils se jettent bêtement
Dans l'œil de l'ouragan

Béton brut. Ruisseau coloré. Filaments émeraude glissant depuis son nez. En ouvrant les yeux ce matin là, TaeHyung a regardé le ciel à travers le plafond. Le ciel était clair, si clair. Il a cru rêver. Et subitement, il s'est mis à pleurer. Des larmes silencieuses ont tracé des sillons transparents sur sa peau blafarde. Il n'a même pas senti son corps en se redressant. Comme engourdi du cœur au cerveau, il n'a rien senti. Rien senti que le vide tout au fond. Le vide et son sol sans terre, le vide et son ciel sans horizon. Maintenant, TaeHyung marche. Il avance dans un monde sans son. Il marche dans un monde creux, où tout résonne mais où rien ne s'entend. Il pleure à flots. C'est irrattrapable. Les coulées de larmes lui échappent. Et elles jaillissent par assauts. Elles remplissent des canaux. Les canaux partent vers la mer. TaeHyung aimerait aussi partir vers la mer. Mais TaeHyung continue de marcher. Il continue de penser, entendant ses mots résonner si fort. Il repense à ce ciel si clair. Et il marche. Et il pense. Et il pleure. Et il repense à ce ciel si clair. Et il pleure encore plus.

Quelque part, dans le même univers, un garçon crie. Il a une voix grave, rugueuse. Et ses paroles viennent transpercer la chair d'un autre garçon qui tourne le dos. Le garçon en question se fait bousculer. On beugle, on crache et les insultes l'entachent. Le garçon s'énerve. Ce garçon c'est JungKook. Et JungKook ne connaît pas ce gars qui le bouscule si fort. On lui lance des mots pointus, comme des silex affinés. JungKook réplique, tente de s'éloigner puis se fait rattraper. Il voit leurs bouches faire jaillir le venin, mais pas leurs visages. Il voit leurs yeux tranchants mais ce sont des livres sans pages. Vide. Coquilles de colère qui lui jettent des couteaux. Il y a de la rage sous le ciel mouvementé. Il y a des éclairs qui s'évadent du gravier.

TaeHyung marche. TaeHyung pleure. Et sur le parking du lycée, un inconnu lui rentre dedans volontairement. Puis s'éloigne. TaeHyung trébuche et tombe par terre. Des cailloux sont rentrés dans ses mains. Il pleure. Ses lunettes se sont écrasées sur le béton. Il pleure. Et ses genoux sont abîmés. Il le sait. TaeHyung attrape ses lunettes et se lève. Les verres ne sont plus que des vitres brisées, sans intérêt. Il se saisit de l'objet et le casse en deux. Quand il reprend sa route vers le lycée, quand il pénètre dans le long couloir, il n'y a plus de formes, que des couleurs. Il n'y a plus de gens, que ses pleurs. Et autre part JungKook a répliqué trop fort. JungKook a frappé le type le plus grand. Ce type là a les pupilles noires. JungKook le regarde de ses yeux fins. Le coup part. Le poing s'abat contre son visage. Puis sa poitrine, puis ses côtes, puis sa conscience qui s'en va. Les autres gars s'en vont aussi. JungKook reste là, allongé sur le sol de béton, dans un silence profond. Les hurlements ont dévorés les bruits, ne laissant plus que les os d'une accalmie.

TaeHyung a le jean troué. Il a les paumes égratignées. JungKook a le nez qui saigne et des marques colorées sur le visage. TaeHyung pleure. JungKook regarde sa main rougie qui repose sur le trottoir à côté de lui. TaeHyung a le cadavre brisé de ses lunettes entre les doigts. TaeHyung marche dans un monde flouté. Il ne voit plus les gens. Plus rien n'existe. Tout a enfin disparu. Dans un ralenti infinitésimal, il porte son adolescence. Il fait beau dehors. JungKook lève la tête et voit le ciel. Il le trouve clair, si clair qu'il croit rêver. Puis TaeHyung s'arrête. Puis JungKook ferme les yeux. Et TaeHyung s'effondre en plein milieu du couloir.

On est hors des autres. On est hors du temps. On a capturé le maintenant.

Et dans cette seule réalité, deux Âmes poétesses se sont réveillées. 

Âmes Poétesses - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant