Mythe.

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Mythe.

C'est encore une journée. Une comme hier et une comme demain, peut être. Et parfois on confond celle d'hier et celle d'avant hier. Et il arrive qu'on se perde dans les dates, qu'on s'emmêle dans les couleurs, qu'on se noie dans nos émotions. Ce n'est pas une journée comme ça. Plus tard ils ne se souviendront pas de ce qu'il y avait à la cafétéria ni même du cours d'histoire, mais ils se souviendront de ça. Parce qu'il y a des journées comme celle-là. Des journées où les sourires ne savent pas mentir, où les peaux qui se touchent savent pourquoi et où les mots ont de l'importance. Les journées où quand on leur demande « ça va ? » ils répondent « ça va » parce que ça va et non parce que c'est comme ça.

TaeHyung est assis sur un banc des gradins. Les nuages sont alarmants. Des œuvres contemporaines en mouvement. Il fait froid et le gel brille de temps en temps. Il y a encore un peu de neige sombre sur le terrain désert. Les joueurs s'en sont allés. Et les garçons sont restés. TaeHyung est assis. Il regarde JungKook qui marche sur les bancs, les bras en l'air. JungKook hurle des choses au ciel. Il dit des folies que les oreilles prudentes feraient mieux d'ignorer. TaeHyung rit, serrant fort ses mains contre son corps tremblant. Et JungKook saute de banc en banc, essayant de ne pas glisser, de ne pas plier face au vent. Il crie que le ciel est comble. Il s'exclame que les dégradés de gris ne peuvent pas alléger les bruines, mais qu'ils soulagent les tempêtes. Il cite Victor Hugo d'une voix forte pour que Victor Hugo l'entende. Il gronde comme le tonnerre contre Le Vieux Monde. Il appelle TaeHyung et il lui dit de regarder. Mais quand leurs yeux se croisent, ils se trouvent plus beaux que tous les dégradés de tous les nuages.

JungKook récite les poèmes qu'il a gardés dans le cœur. Et TaeHyung trouve ça si beau que le temps lui échappe. JungKook le rejoint et s'assoit près de lui. Leurs épaules se collent. C'est une bravade au froid.

« -Écris-moi ce poème, demande TaeHyung. »

JungKook sourit, c'est la tiédeur de la poésie. Il prend un stylo dans son sac puis s'empare de la main de TaeHyung. Il remonte la manche de son pull et fixe sa peau, la finesse de son grain, belle comme une fresque antique, une estampe asiatique. Il commence à écrire, à graver de son encre, les mots images et les images calligraphiées. Il passe de sa peau à son poignet, remontant jusqu'à son coude, entourant son avant bras de vers et de rimes embrumées. Il ne s'arrête pas. JungKook est l'artiste, TaeHyung la muse. Pourquoi cette pluie âpre, et cette ombre, et ces bruits ? JungKook est captivé sur le trop près. Il ne voit pas le regard rêveur de TaeHyung. Et ce vent noir soufflant dans le clairon des nuits ? Il ne voit pas ses yeux vaporeux. Ta vague monte avec la rumeur d'un prodige. Il ne voit pas ses pupilles et leurs douleurs indélébiles. C'est ici ta limite. Arrête-toi, te dis-je. Il ne voit pas la profondeur du condamné. Condamné à aimer et à ne plus pouvoir s'arrêter. Il est sur sa peau et dans ses mots et il ne voit pas que l'autre est silencieux. Ne va pas plus loin, ô flot amer ! Et TaeHyung trouve les mots si jolis sur sa peau affreuse. Et JungKook trouve son écriture brutale sur son bras si délicat. La mer désobéit ! La mer envahit mon refuge ! JungKook a terminé, il se redresse, il le regarde. Il voit des choses immenses. Il voit tellement qu'il ne voit pas. Alors ils se regardent longtemps, le visage proche, les cils humides. Et les voix qui s'élèvent ont la noirceur du silence, la candeur de l'adolescence. Elles disent :

« -Tu me crois la marée et je suis le déluge. »

Et dans une autre réalité, JungKook voit les bras fins de TaeHyung.

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J'adorerais dire que les vers sont de moi. Mais non. Je ne suis pas Victor Hugo.

~ Merci lecteur ~

Âmes Poétesses - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant