Chapitre 5- 1 : Le fou copie l'artiste, et l'artiste ressemble au fou.

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Rien qu'en écoutant ce générique j'ai des frissons. J'espère que ce chapitre vous plaira, il sera divisé en deux parties. Bonne lecture mes macarons à la framboise! 

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Assit sur son fauteuil fétiche en cuir, il se tenait devant un feu de cheminée. Sur les murs, au lieu des typiques tableaux de familles, on y trouvait accrochés des couteaux. Il ne les nettoyait jamais, il préférait regarder le sang si soigneusement recueilli de ses victimes. Les craquelures naissantes de cette hémoglobine desséchée, mettaient en valeur l'arme aiguisée d'une façon indescriptible. Elle semblait prendre vie, se libérer de l'entrave matérielle qui la liait aux codes moraux de la société.

Son regard se posa sur son verre de whisky auquel les flammes conféraient des reflets ambrés. En y repensant, son obsession des objets affûtés avait débuté pendant sa jeunesse. Les souvenirs restaient flous, mais l'image d'un salon empestant le sang, l'eau oxygénée* et le tabac revenaient le hanter.

- Encore là père ? N'avez-vous d'autres occupations dans les Limbes que de surveiller les vivants ? Je ne suis plus un enfant que vous pouvez fustiger à loisir.

Des doigts fantomatiques se posèrent sur son épaule. Il perdit le peu de contrôle qu'il lui restait, et lança son verre se briser contre la cheminée.

- Ne me touchez pas ! Vous n'êtes plus rien pour moi ! Disparaissez ! DISPARAISSEZ !

Il s'essuya la salive aux coins des lèvres avant de se rasseoir, comme si son coup d'éclat n'avait jamais eu lieu. Sa monomanie** était héréditaire. Son père avait le tic de jouer avec son poignard. Cliiing. Le bruit de la lame sortant de son étui, prête à attaquer. Schlack. Le sang qui tâche ce couteau entretenu avec soin. Puis son père qui ramasse la trainée de sang de son doigt rugueux et l'amène à son nez, pour ensuite la savourer.

«Le sang a différentes odeurs mon fils, c'est ce qui fait la beauté de ce liquide si vital à l'être humain. Peu importe à qui tu le confisques, seul le goût du sang sur ta langue peut témoigner de la pureté d'un individu».

Maintenant il se souvenait, c'est à cet instant précis qu'il avait choisi de développer cet aspect de sa personnalité. Un aspect sombre et malsain qui contrastait avec ces yeux si gris, si purs. « Un ange déchu », voilà ce que l'on murmurait sur son passage. Son père aurait été fier de lui, car son apparence lui offrait une palette particulièrement vaste de victime à 'goûter'. Jusqu'à ce qu'il trépasse, il serait le digne héritier de son géniteur.

Il se leva afin de se resservir un verre de whisky, tout en ressassant les souvenirs qui avaient marqué son adolescence.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que les techniques d'apprentissage de son père ne laissaient pas de place à l'erreur. Perfection. Excellence. Des qualificatifs qu'il lui répétait sans cesse. Bien qu'enfant, il avait été exposé aux violences, vices et séductions qui dominent le monde adulte. Dépourvu de présence maternelle, il avait été abandonné aux domestiques. Oh, il ne s'en plaignait pas, sa nourrice le traitait comme un individu à part entière. « Les bonnes mères sont les inventions de la modernisation », pensait-il, « Si tant d'enfants meurent en bas âge, c'est parce que leurs mères souhaitent inconsciemment leur mort. La preuve, quand ils meurent, les parents manifestent que peu de chagrin ». Il laissa s'échapper de sa gorge un rire gras et cynique. C'est seulement à la fin du 18e siècle que l'amour maternel serait apparu comme une « nouvelle valeur ». Mais malheureusement pour lui, il n'avait pu en profiter.

Son monde se résumait à ces instants où des éclats de rouge venaient perturber ici et là sa quiétude. L'Ordre des Médecins lui avait diagnostiqué ce qu'on appelait « l'anomalie des pigments ». Ses yeux voyaient l'univers soit en blanc, soit en noir. Jusqu'à Elle. Elle qui détonnait furieusement dans le décor, ses yeux bridés mettaient à nu votre âme. Mais son apparence fragile et innocente n'était qu'une façade, la comtesse Thémis de Barowmerry rendrait insomniaque un café serré.

Son regard se porta sur son mur d'exposition. Il lui avait laissé ses trois premiers chefs-d'œuvre dans un vieil entrepôt, inspirés par l'amour qu'il lui portait. Et elle avait adoré. Elle s'était penchée longuement dessus, observant d'un œil fasciné ses fils à coudre dorés. Qu'elle était belle ainsi concentrée sur son enquête, déballant ses connaissances, habillée d'une robe de bal mauve qui s'accordait si bien avec la sublimation dorée de ses victimes.

Un début de sourire étira ses lèvres. Dans ses mains se trouvaient sa nouvelle acquisition récemment polie. Il regarda par la fenêtre, son ombre se projetait sur la rue en contrebas, éclairée par la lumière artificielle du plafonnier. L'équinoxe d'automne avait débuté, le compte à rebours commencé. Plus que 13 semaines....

Il réaccorda les rouages de sa main métallique cachée par un gant de soie, puis se revêtit de sa veste noire avant de s'enfoncer dans la nuit, guidé par son détecteur de mouvement.

Une question le laissait parfois perplexe : est-ce lui, ou les autres qui sont fous ?


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* L'eau oxygénée sert à nettoyer les tâches de sang

** Monomanie : délire caractérisé par une préoccupation unique.


Carpe Diem : Folies NocturnesWhere stories live. Discover now