Chapitre 12- 2 : Un dîner à la pointe de la catastrophe

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- Tu aurais pu te pincer les joues pour apporter un peu plus de couleurs à ton visage ! Pourquoi as-tu autant tardé ? Que va-t-on dire en te voyant descendre accompagnée ?! s'affola Lady Julia, tout en tirant sur la peau délicate de ses pommettes.

- Vous leur direz que je parlais avec mes collègues de travail. Arrêtez, j'aurais l'air beaucoup plus suspecte si je me présentais le teint rougi ! contra Thémis, ses mains tenaient les poignets de sa mère avec fermeté, comme pour la dissuader de recommencer cette séance de beauté improvisée.

- Tes collèges de travail ?! Et puis quoi encore ? Ouvre tes oreilles ma chérie. Je vais te dire, moi, ce qu'ils verront : un des hommes les plus puissants du royaume revenant d'un tête à tête avec toi, la jeune femme aussi insaisissable qu'un courant d'air.

- Techniquement, je n'étais pas seule, signala Thémis d'un coup de menton.

Lady Julia se pencha de côté afin de voir par-dessus l'épaule de Thémis. Kingdom se tenait à une distance raisonnable, habillé de son costume du dimanche un peu trop serré. Sa large carrure contrastait avec l'allure élancé du duc, qui contrairement à lui, se fondait parfaitement dans le décor. Face au sourire nigaud de l'ancien soldat, le regard courroucé de l'amphitryonne s'adoucit. Elle fit demi-tour, la main posée sur le bras de sa fille adoptive. Elles traversèrent le petit salon d'un pas lent pour avoir le temps de parler.

- La société ne pensera pas ainsi, et tu le sais. Je ne veux que ton bien ma chérie, c'est pourquoi, j'espère que tu ne m'en voudras pas pour la compagnie attribuée ce soir.

A l'entente de ces mots, Thémis se dégagea avec vivacité. Elle pouvait entendre les rires fuser de l'autre côté de la cloison coulissante qui séparait le salon de la salle à manger. Les yeux plissés, elle regarda le visage emplit de bonté de sa mère. L'indignation reflua pour laisser place à la compréhension. Si la magnanimité de Lady Julia lui faisait jouer les cupidons, alors soit, pour la rendre heureuse, Thémis supporterait la file de gentilhommes voulant intégrer l'illustre famille des Barowmerry. Ignorants les deux hommes derrière elles, Thémis enlaça sa mère.

- Ne vous inquiétez pas, lui murmura-t-elle à l'oreille. Je n'ai que trop retardé mon entrée dans le monde. Il est temps d'accepter mon rôle de femme, mais ne me demandez pas de rendre ma plaque d'inspectrice.

Sa mère leva les yeux au ciel, habitée par un sentiment de résignation sublime. Séparée sa fille de sa passion s'apparentait à retirer le cadavre encore chaud des griffes d'une goule. Une chose tout bonnement impossible si on ne voulait pas offrir son bras à ces créatures décharnées.

- Je ne le ferai pas. Mais soit consciente que ton travail t'empêchera peut-être de trouver l'amour. Je ne veux pas que tu finisses vieille fille, lui dit-elle en remettant une mèche ébène en place.

- J'aimerai qu'on m'aime mère, moi, et non ma dot ou mon titre. Moi. Je ne saurai être heureuse sans une véritable union des âmes.

- Je sais, soupira-t-elle, vaincue. Je sais. Allons manger maintenant, avant que les mégères se goinfrant de nos mets ne se mettent à cancaner.

Autour d'une table longitudinale éclairées par des chandeliers en or, une dizaine d'invités entamaient le plat principal. Au bout de la table, Lord Richard leur avait fait honneur de sa présence. Thémis serra les dents à sa vue afin de ne pas créer de scandale. Sa mère l'avait placée entre Kingdom et un homme moustachu, dont les extrémités pointues s'érigeaient vers le ciel en de boucles curieuses. Qui que soit cet homme, elle allait devoir le supporter pendant le diner. Encouragé par le hochement de tête de son lieutenant, l'inspectrice prit place devant son magret de canard. Son voisin ne tarda pas à accaparer son attention.

Carpe Diem : Folies NocturnesWhere stories live. Discover now