Chapitre 6

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          Les premières lueurs de l'aube apparaissent sans que je ne réussisse à trouver le sommeil. La vallée du Rhin baigne dans une douce lumière. Mais ni le ciel bleu, ni le paysage enchanteur, ne parviennent à dissiper ma peine.
J'ai un trou béant dans mon cœur, un goût amer de désillusion. Inlassablement, je revois en boucle ma conversation avec Karl dans le salon privé. Je n'arrive toujours pas à croire à sa proposition. Comment a-t-il osé? Comment a-t-il pu imaginer une seule seconde que je pouvais trahir ma meilleure amie?

Je secoue la tête.

— Ce n'est pas possible, ne cessé-je de me répéter. Il était sans doute sous l'emprise de l'alcool, il va s'excuser pour son comportement.

Une douleur fulgurante me traverse le ventre. La peur reflue, plus sourde et plus profonde. Plus que la crainte d'être à la rue, je suis terrifiée à l'idée de perdre l'amitié d'Emma.

On frappe à la porte. Ma respiration s'accélère.

Simon ? songé-je.

Prétextant _ à moitié _ une horrible migraine, j'ai très vite fui la fête et la salle de bal avec ma sœur, pour trouver refuge dans l'intimité de notre chambre. Amy va pour ouvrir. Mais à la place de mon binôme, c'est la silhouette d'Annabelle qui s'encadre dans l'embrasure.

— Salut Amy ! Vous avez réussi à dormir un peu ? 

— Moi oui. Jess, je ne pense pas; toutes les fois où j'ai ouvert les yeux, elle n'était pas dans le lit.

Annabelle tourne vers moi un regard interrogateur.

— Les bagages, expliqué-je, après une légère hésitation. Je me suis levée tôt pour les boucler.

Voyant que je m'apprête à les prendre, Annabelle me fait signe de les laisser.

— Ils viendront les chercher. Venez, mes parents nous attendent pour le petit déjeuner.

— Karl et Emma sont déjà levés ? demandé-je avec beaucoup d'appréhension. À moins qu'ils ne soient déjà partis ?

— Ils sont dans l'avion pour Los Angeles à l'heure qu'il est, confirme Annabelle. Ils y font une brève escale avant de rejoindre Tahiti où un avion privé va les emmener sur Tetiaroa.

Amy me jette un coup d'œil furtif.

— Et Simon, il est déjà en bas ? demande-t-elle innocemment.

Annabelle laisse échapper un petit rire.

— Il doit dormir à l'heure qu'il est. Mes parents l'ont croisé dans l'ascenseur avec Loretta passablement éméchée vers 6 heures du matin. Elle ne l'a pas lâché une seule seconde depuis que vous êtes parties. Quelle plaie celle-là!

Avide d'en apprendre un peu plus, je rebondis sur le champ.

— Tu ne sembles pas beaucoup l'apprécier ? risqué-je timidement.

— Le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne la porte pas dans mon cœur. À chaque fois que Simon décide de mettre un terme à leur relation, elle s'arrange toujours pour lui remettre le grappin dessus.

Le doigt sur le bouton de l'ascenseur, elle ajoute:

— Simon n'arrive pas à se défaire d'elle par pitié à cause de sa maladie je pense... Mon cousin a un coeur en or.

Un de plus, pensé-je amèrement... jusqu'à ce qu'il ne lève son masque et ne dévoile son vrai visage.

Indifférente à ma pâleur soudaine, elle poursuit, volubile:

HOMELESS SOON ( Disponible maintenant au format PAPIER )Where stories live. Discover now