Chapitre 17 ( Dernière partie )

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          Règle n° 9 : Ne pas tenir compte des propos négatifs.

          La douche froide passée, je rassemble le peu d'énergie qui me reste. L'heure n'est plus aux lamentations. J'ouvre mon sac pour un rapide inventaire de mon portefeuille et là : « jackpot ». Plié entre ma carte d'identité et mon permis de conduire, je tombe sur un billet de 20€, ultime survivant de notre crash boursier. Je ne suis plus à quelques euros près. J'entre dans un café, commande un double expresso bien corsé pour me remettre d'aplomb et réfléchis à la stratégie à tenir pour affronter ma banquière. Mon cerveau à la ramasse m'ordonne de cesser de cogiter et de passer à l'action. Après tout, j'ai bien le droit de débloquer mes sous n'est-ce pas ? C'est mon argent. Je ne l'ai pas volé et nos comptes sont dissociés de ceux de nos parents. J'essuie mes mains moites sur la serviette et m'empare de mon téléphone.

Répondez, svp, me répété-je mentalement__ alors que la sonnerie de la ligne directe de la conseillère en charge de nos comptes s'éternise. Enfin, un déclic.

— Bonjour, Madame Piercy ? Je suis Jessica de Terrani. Je rencontre actuellement un souci avec ma carte de crédit et souhaiterais vous rencontrer pour débloquer mon épargne immobilière. Auriez-vous un créneau disponible pour me recevoir ?

Je ferme les yeux en prenant une grande inspiration.

— Mademoiselle de Terrani, je suis heureuse de vous entendre. Passez me voir de suite, si vous le pouvez. J'ai terminé mes rendez-vous de la journée.

— Parfait, je serai à la banque dans une demi-heure.

***

Me voilà arrivée devant l'immeuble de la prestigieuse FCS International Bank. Je ne sais pas ce qui m'attend. Madame Piercy responsable des grands comptes, y compris celui de notre très chère famille, semble être de __ très __ bonne disposition à mon égard. Ce qui en soi n'est pas mauvais, bien que cela ne me paraisse pas __ très __ en adéquation avec la situation actuelle.

Je soupire.

Que demandes-tu de plus ? me sermonné-je. C'est toujours mieux à prendre que du mépris.

J'ai la vague impression de marcher sur un tapis rouge, déroulé exprès pour ma venue. Les personnes que je croise affichent toutes un sourire excessivement courtois. Madame Piercy vient m'accueillir à la réception.

— Mademoiselle de Terrani, comment allez-vous ?

— Très mal, Madame Piercy. Ma carte bleue ne passe plus. Comme je vous l'ai expliqué au téléphone, je souhaiterais débloquer mon épargne immobilière.

— Vous cumulez les malheurs en ce moment, déclare-t-elle sans remarquer ma pâleur, en pianotant sur son clavier.

Elle enchaîne :

— C'est tout à fait faisable. Il est assez bien approvisionné.

Elle récupère une feuille sur l'imprimante et me la remet.

— Le déblocage se fera en deux temps. Vous effectuez un retrait en espèces de la totalité de vos avoirs et nous ferons le versement dans la foulée. Je vous invite à signer ce document.

Je relève la tête, surprise.

— Ce ne serait pas plus simple en virant l'argent directement sur l'autre compte ?

— Cela prendrait trop de temps. J'ai cru comprendre le caractère urgent de votre demande. En procédant de cette manière, l'argent sera disponible sous 48h.

***

Je prends congé de Madame Piercy, soulagée. Je me sens plus légère. Les choses prennent une tournure différente de ce à quoi je m'attendais. Quelque chose tout de même me chiffonne, je ne saurai dire quoi. Sans cesser d'y réfléchir, je me dirige vers l'ascenseur. Je m'écarte pour laisser les personnes sortir et je m'y engouffre. Les portes entament leurs fermetures, lorsque soudain, une dame d'un certain âge accourt en me faisant signe de l'attendre. Je presse le bouton d'ouverture et réponds au remerciement obtenu par un sourire poli.

— Merci, Jessica. Vous êtes devenue une ravissante jeune fille. J'espère que vous tenez le coup. Amy aussi. Avez-vous des nouvelles de vos parents ?

Et ça fait tilt dans ma tête. C'est bizarre, madame Piercy ne s'est pas enquise une seule fois de mes parents.

Je dois faire une drôle de tête, car la dame laisse échapper un petit rire.

— Vous ne vous souvenez pas de moi ? Je suis Louise Robert, l'ancienne assistante de votre père.

Je percute enfin.

— Madame Robert, je suis confuse, je ne vous ai pas reconnu. Vous êtes la première à vous inquiéter pour eux. Tout le monde nous tourne le dos.

— Tsss ! Ne vous laissez surtout pas déstabiliser par leurs attitudes, Jessica. C'est facile de montrer les autres du doigt pour ne pas attirer l'attention sur soi. C'est tellement plus simple de faire passer votre père pour un minable quand on veut s'approprier ses biens.

Nourrie d'un nouvel espoir, je rebondis aussitôt :

— Vous pensez que les Charby ont monté un complot pour discréditer mon père et qu'ils sont liés d'une manière ou d'une autre à leur disparition ?

— Plus qu'une conviction, c'est une certitude. Lorsque j'ai fais mes débuts chez de Terrani Corporation, votre père, seul, était à la tête de la société. Il l'a fait fructifier à force de travail et de ténacité. Puis, il s'est pris de pitié pour Peter Charby qui était au chômage et l'a embauché. « De Terrani Corporation » est devenu « Dettere&Charb ».

Elle reprend son souffle et poursuit :

— Je n'ai jamais connu de patron plus gentil et plus généreux que votre père. Alors, cette histoire d'escroquerie et de dettes, à d'autres, mais pas à moi, affirme-t-elle avec véhémence.

Une question m'obsède. Je ne peux m'empêcher de la poser :

— Et que pensez-vous d'Ethan ?

— Le fils Charby ?

Elle met un certain temps à me répondre :

— Il y a de l'amour dans l'air ?

— Non, non pas du tout. C'est juste que nous sommes... assez proches et Ethan me demande de lui faire confiance malgré... tout...

Un lourd silence plane à nouveau. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent. Louise fait quelques pas, plongée dans une grande réflexion et finit par lâcher :

— Méfiez-vous de tout le monde, Jessica. Cherchez, découvrez la vérité. Et fiez-vous à votre intuition pour vous guider... même en ce qui concerne Ethan. Mais restez vigilante. S'il doit faire un choix entre vous et ses parents , il ne tergiversera pas sauf si et seulement il est amoureux de vous.

Je secoue la tête en riant :

— Il n'est pas question d'amour. Juste d'amitié.

Elle continue à marcher, songeuse. Nous sortons à l'extérieur de la FCS et affrontons la chaleur de l'après-midi. Une voiture ralentit, s'arrête à notre hauteur. Martha Charby en descend avec une amie et nous frôle en me jetant un regard plein de dédain :

— Tiens, la fille de l'escroc !

Louise m'adresse un sourire réconfortant.

— Ne vous attardez pas sur les méchancetés des autres. Les Charby pointent votre famille du doigt et la dénigre au yeux du monde pour masquer leurs méfaits. Courage, Jessica. Creusez, fouinez. Prenez soin de votre sœur, trouvez-lui un toit et retrouvez vos parents. Je vous laisse mon numéro. N'hésitez pas à m'appeler. Et encore une fois, ne faites confiance à personne, parfois les apparences sont trompeuses.

Oh que oui, à commencer par vous, pensé-je revigorée par un regain de détermination.

HOMELESS SOON ( Disponible maintenant au format PAPIER )Where stories live. Discover now