Chapitre 14

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Amy :

          Les portières claquent, le break s'élance le moteur ronronnant sur la chaussée. Je me retourne, la gorge nouée, gravant avec nostalgie l'image de Jess debout sous les platanes. Je lui adresse un dernier signe de la main. Sa silhouette s'éloigne, puis disparaît dans le rétroviseur. La circulation est fluide en cette chaude journée d'été. Le soleil est au rendez-vous, il inonde Paris d'un ciel azuréen.  Tous les ingrédients sont réunis pour partir le cœur léger. Je n'y arrive pas. Des milliers de questions sans réponses s'entrechoquent dans ma tête.

Je sens le regard scrutateur de Barbara et de sa mère sur moi. Je devrais être heureuse, me montrer plus enjouée devant mon amie et ses parents, mais comment l'être quand je sais qu'à mon retour, je ferai mes adieux à notre maison ? Je suis très entière, je ne fais pas dans la demi-mesure, je ne sais pas faire semblant. On me demande l'impossible. On exige de moi un comportement contraire à mon ressenti. Feindre la joie est au dessus de mes forces.

Comme si elle lisait dans mes pensées, la mère de Barbara me prend la main et commence d'une voix douce :

__ Amy, ce que vous vivez en ce moment est très dur, mais vous avez pris la bonne décision ta sœur et toi. Profite de ce break et mets tes soucis de côté.

Elle laisse passer quelques secondes avant de reprendre :

__ Tu sais, la vie n'est pas facile. Elle m'a appris néanmoins que quand on ne peut pas changer le cours des choses, il faut laisser faire le temps. La nuit, aussi noire soit-elle, laisse toujours la place à l'aube. Ne désespère pas, ne perds jamais courage. Un jour, le bonheur s'offrira à vous.

Les larmes affluent. Une vague de gratitude et de reconnaissance me submerge. Je repousse ma mélancolie et lui souris.

L'effervescence des vacances vibre dans tout l'aérogare et fait ressurgir des souvenirs. Je revois notre dernier séjour à Bonn, ma joie de partir et ce bonheur éphémère qui a cédé la place au cauchemar depuis notre retour.

À vol d'oiseau, la distance entre Paris et Madrid est de 1054 km. Je consulte ma montre toutes les dix minutes. Le voyage me paraît extrêmement long. Pourtant, moins de deux heures ont passé lorsque nous nous posons sur le tarmac de l'aéroport Adolfo Suárez de Madrid Barajas. Un temps caniculaire nous attend à notre descente d'avion.

Les bagages retirés, nous récupérons la voiture de location sur le parking et prenons la direction du centre. Je suis d'emblée séduite par les couleurs chaudes de la ville. Je le dois sans doute à mes origines Sud-américaine.

Les façades des bâtiments me fascinent. De véritables œuvres d'arts, sculptées ou dessinées avec recherche, un pur régal pour les yeux.

Au fur et à mesure que nous approchons du cœur de la capitale madrilène, ses artères me rappellent Paris. Mes pensées me ramènent aussitôt à Jess. Un soupçon de culpabilité m'envahit, je laisse échapper un soupir.

Inquiète, Barbara se tourne vers moi.

__ Ça va ?  s'enquiert-elle avec gentillesse.

Peu désireuse de partager mes états d'âmes, j'esquisse un sourire.

__ Oui. Je suis impressionnée par l'architecture des immeubles.

Au même moment, le père de Barbara ralentit, s'arrête à un feu, se retourne en m'adressant un large sourire.

__ L'hôtel va beaucoup te plaire, Amy. C'est un palais du XIXème siècle inspiré des œuvres du peintre Diego Velasquez.

Son épouse renchérit :

__ Il se trouve en plein cœur de Madrid, à deux pas du Palais Royal, de l'Opéra et de la Cathédrale Almudena. Nous prendrons le temps de visiter et de découvrir la ville...

Le père de Barbara d'un air faussement outré rétorque :

__ Non, Héloïse. On a dit : pas de visite aujourd'hui. On s'accorde une pause détente, cet après-midi quartier libre pour tout le monde.

__ Nous allons quand même voir un spectacle de flamenco ce soir, papa ? interroge Barbara en s'immisçant dans la conversation.

__ C'est prévu. Tu n'as pas changé d'avis, Édouard ?

Le père de Barbara émet un rire amusé.

__ Non, j'ai réservé une table à la « Corral de la Moreria » pour 21h. C'est une tablao flamenco réputé pour son spectacle. Je me suis laissé dire que c'est très apprécié.

La voiture vient de se ranger le long d'un trottoir devant une immense bâtisse blanche de style Élisabéthain. La portière à peine ouverte par le voiturier, nous nous élançons dans le hall.

__ C'est magnifique ! s'exclame Barbara d'un air ravi.

Autour de nous, tout respire l'élégance et le raffinement. Une reproduction du célèbre peintre baroque orne un des murs du lobby. Charmés et émerveillés, nous empruntons les escaliers qui nous conduisent jusqu'à la suite royale de deux chambres, la nôtre et celle des parents. La terrasse extérieure nous offre une vue imprenable sur les toits de la ville.

À elle seule Barbara, incarne la joie et se fait l'ambassadrice de nos envies.

__ Séquence bronzage sur la terrasse cet après-midi, Amy ! Et ensuite direction le « rooftop » pour nous rafraîchir dans la piscine.

Son enthousiasme est communicatif.

__ Laisse-moi juste le temps de sortir mon maillot et quelques affaires et je te suis où tu veux, lui déclaré-je.

Héloïse nous dévisage tour à tour avec un sourire entendu.

__ Prenez garde de ne pas rester trop longtemps au soleil les filles, il est traître à cette heure-ci ! Le baromètre affiche 40°.

__ T'inquiète maman, on fera attention, on embarque la crème solaire...

__ Et le chapeau ...

__ Et la biafine, complète Barbara. Maman ! Enchaîne-t-elle sur un ton de doux reproche, on n'est plus des bébés.

Édouard prend sa femme par la taille et l'entraîne gentiment hors de la pièce.

__ Viens, Héloïse. Relax, on est en vacances. Lâche leur un peu la grappe, tu as un mari qui a travaillé dur toute l'année et qui a besoin de profiter un peu de la compagnie de sa femme.

La main posée sur la poignée de la porte, il se retourne :

__ Nous allons faire un tour au spa les filles, rendez-vous dans le hall à 20h30.

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Coucou à tous,
J'espère que ce chapitre vous a plu.
Que pensez-vous du point de vue d'Amy ?
À bientôt pour la suite !
Bisous 😘

HOMELESS SOON ( Disponible maintenant au format PAPIER )Where stories live. Discover now