Chapitre II. Au coin du feu.

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Il y a huit cent ans, Loena était la parfaite candidate pour devenir la dame du seigneur quand la précédente avait disparue.
C'était une assez surprenante tradition : le seigneur était âgé de plusieurs millénaires mais étrangement, ses dames n'étaient jamais éternelles. Loena se souciait peu de cela. Elle était convaincue qu'elle serait celle qui durerait. Celle qui aurait le marais pour l'éternité. Belle, forte, malicieuse, bonne en tout, sournoise et stratège... elle avait tout pour régner, tout pour s'approprier le cœur du seigneur. Tout pour survivre en définitive.
Mais voilà qu'un beau jour, Alaster était revenue de la surface, accompagné d'une autre. D'une autre qui au delà de sa drôle d'allure, dégageait des ondes plus ou moins insolites. Cette autre, il l'avait automatiquement nommée Dame du Marécage, lui donnant pouvoir et prestige, et semblait ne pas tolérer qu'on puisse contester sa décision.
La colère qu'avait ressentit Loena était telle, qu'elle avait tenté de tuer cette misérable humaine. Ce qu'elle n'avait pas prévue c'était que la Dame savait se défendre. La courtisane l'avait appris à ses dépends. De plus, même après avoir été mise en déroute par la Dame, Loena avait dû affronter la colère d'Alaster. Et cela plus que tout, la remplissait de dépit. La jeune femme au cheveux de feu s'était retrouvée bannie dans la contrée des marais brûlants, loin de la cour et du seigneur tant convoité. Elle digérait mal qu'il l'ai délaissée elle et sa sublime beauté pour une pauvre fille au physique si ingrat.

Mais quand son frère était venu la voir, lui annonçant qu'elle pouvait enfin revenir à la cour, Loena avait cru défaillir de joie. Elle pouvait rentrer ! Et elle prendrait sa revanche. Elle avait passé tant de temps à planifier son plan au coin d'un bûcher ardant... Elle reprendrait ce qui le revenait de droit, tuerait la Dame et tout se finirait comme dans un conte de fées. Son conte de fée. Si elle faillissait encore une fois, c'était que les dieux étaient contre elle. Ce qui était tout bonnement impensable. Que pourraient-ils avoir à lui reprocher ?

Lorsqu'elle posa un pieds dans la demeure du seigneur d'Atralean, un frisson d'excitation la parcourut. Elle était si proche de sa couronne que ses cheveux s'enflammèrent de plus belle. Elle s'assura de sa beauté une dernière fois, se mirant dans une flaque. Sa robe de satin écarlate détonnait dans cet austère palais. Elle était sûre de son effet ! Alors, entrant dans la salle du trône, elle attira de nouveau tous les regards sur elle comme elle savait si bien le faire jadis.

Seulement Alaster n'y était pas.

***

<< Comment ose t-il !? Comment ose t-il ne même pas daigner m'honorer de sa présence ?

Loena faisait les cents pas dans la chambre de son frère qui jouait avec des flammèches, l'air las des caprices de la courtisane.

- Calme toi, Lo'. Tu sais très bien comment est Alaster. Jamais il ne se serai précipité pour t'accueillir. Il a d'autre chose en tête...

- Comme cette usurpatrice d'Ignea ? Si seulement je pouvais brûler son si horrible visage, faire fondre sa si étrange silhouette...

- Mesure tes paroles... si elles lui parviennent, tu es morte ma sœur. Et nous avons déjà bien trop agit et avancé nos pions pour que tu ne gâches tout par impulsivité.

Cependant, la dame de feu ne l'entendait pas de cette oreille.

- Tout le monde la hait ici. Je ne suis pas la première à souhaiter sa mort.

- Mais tu es la première à vouloir la remplacer et à le clamer si fort. Et tu te trompes, il y a une personne qui ne la hait pas : le seigneur d'Atralean.

Cette cruelle vérité blessa Loena. Enrageant, elle se mit à saccager la chambre d'Orion qui ne la regardait même pas. Elle hurlait de dépit, détruisait, enflammait mais sa rage et sa peine ne se tarissaient pas.
Loena était d'une jalousie extrême. Plus que la Dame du Marécage elle-même. Les nuits, elle rêvait de sa victoire et de la mort de sa rivale. Les jours, elle échaffaudait mille plans pour y parvenir.
Elle le voulait. Elle le méritait ! N'était-elle pas la créature la plus belle et la plus enflammée du marécage. Qui ne voudrait pas d'une dame de feu pour être sa dame ?

- Alaster apparemment.

Orion avait lu dans l'esprit de sa sœur. Et s'il avait l'air de s'en amuser, ce n'était pas le cas. Il avait certes, du pouvoir et la confiance du seigneur d'Atralean, mais il voulait plus. Toujours plus. Si sa sœur devenait la Dame du Marécage, il jouirait d'un plus grand pouvoir. Tandis qu'à présent il devait constamment réfréner ses ardeurs et ses pulsions meurtrières envers l'actuelle Dame. Il savait que si le moindre réel incident arrivait, il perdrait toute faveur. Peut-être même en perdrait-il la vie. Et tout cela pour une étrange créature aux yeux de ténèbres et aux mystérieuses capacités dont le seigneur d'Atralean ne semblait pas vouloir se séparer. Une poupée palotte et indigne de sa couronne.

- Patiente encore un peu Loena, nous y sommes presque.

- Nous y sommes presque... combien de temps crois tu que cela nous prendra ?

Il sourit mystérieusement et ne répondit pas. Loena consentit à se calmer. Orion demanda alors, comme piqué par une idée surprenante :

- Je me demande bien ce que vous lui trouvez à ce monstre...

- Voyons Orion, crois tu vraiment que c'est pour son charme irresistible que toutes les femelles du marécage désirent être sienne ? Non, c'est pour le pouvoir. De ce qu'il va avec, la plupart s'en fiche totalement. Je dirais même qu'elles seraient prêtes à toutes les turpitudes pour ne serait-ce que capter l'attention du puissant Alaster...

- Ah Lo', tu me surprendras toujours. Vous, les femmes, êtes des créatures bien plus perfides qu'il n'y parait.

Loena laissa un sourire étirer ses lèvres et esquissa une fausse révérence.

- Merci pour ce compliment mon frère. Il me va droit au cœur.

- Alors ?

Elle fronça des sourcils ne comprenant plus où voulait en venir Orion.

- Alors quoi ?

Son frère laissa son habituel sourire en coin s'installer avant de reprendre son jeu avec ses petites flammes.

- Alors, chère sœur, prête à détrôner la Dame du Marécage et à mettre fin à ses jours ?>>

Imaginant Ignea brûler sur un bûcher, Loena frémit.
Elle était on ne peut plus prête. 

Atralean - La Dame Du MarécageWhere stories live. Discover now