Chapitre XV. La Malediction

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Alaster regarda la créature allongée contre lui qu'il encerclait de ses bras humains. Elle semblait paisible, endormie ainsi. Son visage et son corps étaient encore ceux qu'elle possédait quand elle était humaine et sa chevelure la recouvrait telle un voile sombre, cachant sa nudité. Le jeune homme effleura des ses doigts les mèches noires de sa Dame, joua avec. Ses yeux ambres la dévoraient du regard. Rares étaient les moments où ils étaient ainsi, laisés de toutes apparences disgracieuse.
C'était seulement grâce aux pouvoirs étranges de sa dame que la malédiction pouvait être levée.
Une malédiction qui le condamnait à ressembler à une bête pour toute l'éternité et à entraîner dans les ténèbres toute personne qui aurait pû être sa lumière. Et durant les quelques instant où Ignea et Alaster laissaient de côté leur haine respective, la lumière reprenait le pas. Tout cela était ironique : deux amants maudits, deux êtres cruels que la folie habitait, que le sang satisfaisait, n'étaient sauvés temporairement que par un sentiment qui s'approchait plus de l'amour que de la haine.
Et une fois cette malédiction brisée, même quelque cours instants, Alaster pouvait revoir l'objet de son éternel désir.
Ignea était belle. Plus belle que tout ce qu'il n'avait jamais vu. Il aurait pû vendre son âme au diable pour elle, si seulement il n'avait pas été lui même une sorte de diable.
Le cœur du seigneur d'Atralean se gonflait d'orgueil quand il se disait qu'une telle femme lui appartenait.
Soudain Ignea cligna des yeux et posa son regard émeraude sur lui. Sa cage thoracique se soulevait tandis qu'elle prenait de longue inspiration. Elle entrouvrit les lèvres pour parler mais son amant l'en empêcha.

Qu'avaient-ils donc fais ?

Soudain un craquement résonna. Alaster retint un grognement, alors même que ses doigts commençaient à s'allonger jusqu'à devenir longs et ponctués de griffes acérées. Ses os craquaient tandis qu'il grandissait encore et encore, et son étrange fourrure apparaissaient à certains endroits. Mais sa métamorphose opérait lentement.

Au contraire d'Ignea, qui se raidit soudain et qui, brusquement, reprit ses traits laids. Sa chevelure noire s'envola dans les airs alors que ses joues se creusèrent. La Dame sentit son cœur se figer et une rage froide s'emparer d'elle. Le seigneur d'Atralean percevait le corps parfait de son amante redevenir maigre et squelettique contre lui, et à présent, aussi grand qu'il était, il aurai facilement pu l'envelopper entièrement.

<< Tout ça n'a aucun sens...

Ignea fixait le plafond. Sa voix rauque était neutre. D'une neutralité presque effrayante.

- Ignea, tout ici n'a aucun sens si bien que je ne sais pas de quoi tu parles.

- Il est clair qu'entre une malédiction me privant de ma beauté et un éveil de marécage qui exige mon sacrifice, je suis gâtée. Absolument satisfaite !

Le seigneur d'Atralean laissa échapper un rictus amusé. Son visage commençait déjà à prendre une forme bestiale, ses crocs poussaient.

- Pourtant, grâce à ta magie tu parviens à me donner apparence humaine. Et comme tu es liée à moi, cela te rend donc ta beauté d'autant.

- Ma magie finira par me tuer.

C'était la vérité. Elle le savait. Il le savait. Rien ne servait de nier. Il se contenta de continuer à effleurer du bout des doigts le corps de sa Dame qui continua :

- Le jour où cela nous sautera à la figure, il sera trop tard. Le jour où l'on découvrira... ça ! Je serais morte. Je n'ai pas ma place ici. Tu le sais. Je me rapproche plus d'Alouan que de Loena.

- Encore heureux.

Sa réplique amusa secrètement Ignea qui pourtant resta impassible en surface. Alors Alaster murmura :

Atralean - La Dame Du MarécageWhere stories live. Discover now