Atralean - La Dame Du Marécage

Chapitre XVIII. Les monstres du marais.

Voilà qu'Ignea devait retourner dans les marais de l'Est. Les maîtres des illusions y habitaient comme plus de la moitié du peuple du marais. La terrible femme n'appréciait pas particulièrement cette région d'Atralean mais elle était tout de même préférable aux marais perdus, quoique à plus grande distance du palais.

Elle avait revêtu sa cape noire et s'était enfoncée dans la pénombre qu'elle lui conférait. Le vêtement cachait ses lames affutées qui ne demandaient qu'à être tachées par le sang à nouveau.
Le sang pulsait contre les tempes de la Dame du Marécage qui était envahit par la fureur et son visage déjà peu attirant en était encore plus enlaidit. L'attaque des illusionnistes avaient envoyé valser les derniers rempart de calme que possédait Ignea et elle se sentait habitée par une furieuse envie de se servir de ses sabres. Ce n'était pas un sentiment rare chez elle, seulement les illusions étaient une chose qu'abhorrait tout particulièrement l'amante du seigneur des marais. À la simple idée qu'on ait pu pénétrer dans son esprit pour y lire ses craintes et ses peurs, la rage affluait comme un flot brûlant dans ses veines.

Les illusionnistes avaient du soucis à se faire, le châtiment d'Ignea serait terrible et sanglant.

Mise à part quelques Miüls qui frôlaient parfois ses bas, la Dame du Marécage ne croisa pas une âme qui vive sur son chemin. Tout semblait calme. Si l'on oubliait cette ambiance quelque peu obscure, personne n'aurait pu se doute de l'enfer qu'était Atralean. Aux yeux du monde extérieur il ne s'agissait que d'un simple marais, toujours recouvert par le brouillard et où toute construction était impossible. La région qui bordait Atralean en elle même n'était pas très accueillante. Et ce depuis un temps bien antérieur à l'époque où était née Ignea. Et déjà à cet instant, il y faisait constamment frais, mauvais et sombre. La demoiselle de Castelnera ne s'en était jamais plainte. Elle préférait mille fois le temps pluvieux et l'atmosphère sinistre à son mari.
Elle n'était pas sûr de pouvoir dire autrement aujourd'hui encore. Après tout Alaster n'était pas meilleur que le marais en lui même ou bien que l'ancien époux de la femme à l'aspect si repoussant. Pourtant il y avait toujours eut cette connexion qui basculait constamment entre la haine et l'attachement presque obsessionnel, sans juste milieu, comme les deux bords d'une balance qui ne parviendraient pas à trouver le même équilibre.

Ignea s'émitouffla encore plus dans sa cape, pour dissimuler les frissons qui la parcouraient. Plus vite elle arriverai au marais de l'est, plus vite elle pourra mettre fin à ses projets et plus vite elle pourra rentrer au palais. Elle devait se reposer, ne serait-ce qu'un peu. Rien que quelques minutes... C'était en partie à cause de sa fatigue si les maîtres des illusions avaient pu si facilement pénétrer ses pensés.

C'est alors qu'un grondement puissant, prenant naissance des profondeurs du marais, déchira l'air, parvenant aux oreilles de la dame qui fut immédiatement sur ses gardes.
Elle avait déjà entendu ce rugissement auparavant ...

La Terre trembla sous ses pieds et Ignea se figea, tentant de garder son équilibre alors que la fine langue de sable noir était ébranlée. La vase du marée s'agitait à quelques mètres d'elle. Et brusquement le sol se fendit en deux, projetant des murs d'eau verte et brune. De la faille qui venait de se créer s'extirpa une masse sombre qui poussait d'étrange grondement et qui sentait la mort à plein nez. La jeune femme lâcha un juron bien sentit alors que l'adrénaline parcourait ses veines :

<< Et merde... >>

La chose se releva sur ses pattes. Gigantesque, de cinq fois plus grande que le seigneur d'Atralean, sa fourrure hirsute lui donnait un aspect encore plus imposant. Son corps entier était recouvert de cicatrices, un œil était aussi rouge que le sang tandis que l'autre était blanc, barré par une griffure purulente. Certains de ses membres étaient parsemés de plaies qui semblaient être en pleine décomposition. Une véritable vision d'horreur qui souleva le cœur de la jeune femme.

L'immense monstruosité se tenait devant Ignea qui se sentit plus petite que jamais, campée sur ses quatres pattes, dévoilant ses crocs terribles prêts à déchiqueter la jeune femme. La chose rugit alors et son souffle putride vit voler les cheveux et les vêtements de la Dame. Cette dernière recula d'un pas, ses traits figés dans une semi terreur. Voilà donc ce que renfermaient les profondeurs d'Atralean. Dans un éclair de lucidité, elle ne pu s'empêcher de penser qu'il était définitivement clair qu'Alaster était le moins monstrueux des enfants du marais. Et pourtant il en était le plus puissant. Chose assez étonnante mais dans ce marais, il fallait se méfier des apparences. Ignea en était la preuve.

Mais le monstre face à elle semblait décidé à en finir. La Dame du Marécage sentit son cœur battre furieusement dans sa poitrine sous le coup de la peur. Le monde semblait s'effacer autour d'elle, elle n'entendait plus rien, ne voyait plus rien d'autre que la chose qui se tenait devant ses yeux et sa respiration haletante. Son regard sombre ne parvenait pas à se détacher des crocs aiguisés et des griffes terribles qu'elle savait prêtes à se refermer sur elle. Lentement, ses mouvements emprunts de précautions, Ignea se saisit de ses sabres. Chacun des battements de son cœur résonnait dans son être entier comme un compte à rebours. Elle ferma les yeux le temps d'un instant et se surprit à prier. Si seulement il pouvait arriver et renvoyer la bête à son point de départ...

La femme à l'apparence disgracieuse doutait réellement de pouvoir faire face à... ça.

La chose s'amassa sur elle même, prenant de l'élan, pour bondir sur la Dame. Cette dernière se jeta sur le côté pour éviter l'impacte et roula au sol se cognant contre un rocher. Le choc avec la roche fut assez violent et elle planta fermement ses dents dans sa lèvre pour ne pas gémir de douleur. Mais Ignea ne pouvait s'attarder sur une quelconque blessure. La créature se préparait déjà à réitérer son attaque.

C'est alors qu'un éclair sombre survola la jeune femme et atterri à quatre pattes entre elle et la monstruosité avant de se redresser de toute sa hauteur, prêt à en découdre. Alaster. Le soulagement envahit Ignea qui pu se enfin respirer normalement. Le seigneur d'Atralean se tenait droit, résolu à défendre coûte que coûte sa Dame. Il avait entendu son appel silencieux. La chose se stoppa, surprise. Après tout, devant elle se tenait la créature la plus puissante d'Atralean, le fils du marais. Et quand ce dernier se mit à rugir de toute ses forces, le monstre décampa à toute vitesse.

Alaster se tourna vers Ignea qui se relevait difficilement en grimaçant. Elle ne paraissait pas blessée juste un peu surprise par l'enchaînement des évènements. Il secoua la tête avant de se moquer :

<< On dirait bien que tu ne peux pas te débrouiller sans moi.

- Comment veux-tu que j'affronte une créature que seul toi a réussit à enfermé ? Tu es bien illogique parfois...

- Je te croyais toute puissante pourtant.

- On dirait bien que non.

Elle haussa alors des épaules, ramassant son sabre qui était tombé lorsqu'elle avait plongé au sol. Le roi des marais pencha la tête sur le côté.

- Et où vas-tu comme ça ?

Il plongea ses yeux dans ceux, noirs, de la Dame qui soutint son regard. Petit à petit un sourire commença à se dessiner sur ses lèvres et elle finit par murmurer :

- Vengeance, vengeance...>>

Il n'en fallut pas plus à Alaster pour comprendre.