Chapitre XXV : Dangereuse tension

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<<Alaster, lâche moi non d'un chien !

La bête avait lancé sa Dame par dessus son épaule et ne prenait pas garde aux vociférations de celle ci qui martelait son dos de coup de poing. Il sentait les griffes d'argent d'Ignea s'enfoncer dans sa fourrure rêche et ce, à chaque fois qu'elle le frappait, mais il n'en avait que faire. Pourtant, profitant d'un minuscule instant d'inattention de la part de son amant, elle tenta de s'échapper. Le seigneur d'Atralean sentit Ignea glisser. Il la rattrapa de justesse alors qu'elle allait toucher le sol et la jeta à nouveau sur son épaule, plus rudement. Ses pattes enserraient si fort la taille de la jeune femme qu'elle sentit son souffle se couper. Un hoquet la secoua ce qui fit ricaner la bête du marais. Plus furieuse qu'elle ne l'était déjà, elle se mit à jurer comme un charretier et Alaster se retint de rire en entendant un tel vocabulaire de la part de sa Dame. Certes, elle n'était déjà pas tendre dans ses mots d'ordinaire, mais là, elle se lâchait, et son chapelet d'injure semblait ne pas connaitre de fin.

- Merdeux ! Coprolithe ! Couard ! Sac à puce !

- Mais tu vas te calmer oui ou non ?

Le seigneur d'Atralean parvint enfin à leur chambre. Il poussa la porte et lança la jeune femme sur le lit. Elle roula sur le matelas et se redressa, fusillant du regard son amant qui était resté sur le pas de la porte. Sans prêter gare à l'expression colérique de sa Dame, il grogna alors :

- Te rends-tu seulement compte de ce qu'il s'est passé ? Tu commences par contrôler l'eau de manière à la diriger vers un autre, vers Orion. Puis tu perds le contrôle. Le marécage a faillit te prendre !

- Je n'en ai rien à faire Alaster, si tu comptes faire ce que je pense que tu vas faire je te jure que je...

- Que tu quoi ? Dis moi très chère Ignea, que penses tu pouvoir faire contre moi ? Le seigneur d'Atralean ? Sans moi tu serais morte ! la coupe-t-il.

Son pelage s'est hérissé tandis qu'il parlait. Il était furieux. Vraiment furieux. Ignea le voyait cependant, ça lui importait peu. Ça ne comptait pas. Ou ça ne comptait plus. En ces temps troublés, tout était chamboulé et elle ne comptait pas rester sans réagir. Sous l'impulsion de sa propre rage, elle perdit toute retenue et s'écria :

- Qu'il me prenne alors ! Ça apaisera le marais. Plus d'éveil, plus de danger, plus d'Apocalypse et oh ! Miracle, plus d'Ignea. Plus d'emmerdeuse de première catégorie pour contrer tes ordres et contester tes moindres mots ! Trouve toi une autre dame et fou moi la paix !

La bête montra les crocs et un grondement sourd monta de sa gorge, tel un orage. Il se mit à hurler à son tour :

- Mais tu vas te taire oui ? Je pensais que nous devions trouver une solution, pas jouer aux damoiselles intrépides. Quand vas-tu enfin obéir ?

- J'ai largement obéit pendant huit cent ans. Qu'est ce que ça m'a apportée ?

- Tu serais morte sans le marécage. Morte brûlée.

Alors qu'il disait ces mots, Ignea ne contrôla pas le brusque coup de vent qui lui échappa et qui éteignit toutes les bougies. La porte claqua derrière Alaster qui dû soudain lever sa main pour stopper un chandelier qui fusait vers sa tête. Il l'attrapa en plein vol et le broyat entre ses doigts avant de laisser tomber l'objet au sol. Le seigneur d'Atralean vit rouge et fit crisser ses longues griffes sur le sol, menaçant.
Seulement, il du essuyer une vague d'objet de toutes sortes qui volèrent vers lui. Ces attaques ne pouvaient rien lui faire mais elles avaient le don de l'énerver et c'est ce que recherchait sa terrible amante. Elle voulait le pousser à bout, qu'il commette une erreur qui lui serait avantageuse.
Seulement, Ignea se retrouva vite sans rien à jeter sous la main et elle croisa les bras. Le seigneur du marais persifla, visiblement agacé :

- Tu as finis de t'amuser ?

- Non pas vraiment.

Il attrapa le vase qu'elle était parvenue à lui envoyer, et l'observa attentivement, comme si il l'admirait. La jeune femme ne comprenait pas tant que ça son geste. Soudainement il le lança de toutes ses forces sur la dame qui se baissa pour l'éviter. Ce qui eut le mérite de plus ou moins la calmer.
Elle posa ses yeux entièrement noirs pleins de reproches et d'incompréhension sur lui. Elle même ne savait pas tout ce qu'il se passait, et, l'espace d'un instant, cela calma la bête. Après tout, elle était démunie face à tout ce qu'il arrivait. Ce n'était pas réellement dans leurs habitudes de devoir gérer des réveils du marécage et des pouvoirs dangereux... Ou tout du moins, pas dans ses habitudes à elle.
Pourtant derrière tous ces sentiments se cachait une haine néfaste et violente qu'il savait entièrement dirigée contre sa personne en cet instant même. Le couple royal se fixait déjà depuis de longues minutes en silence en chien de faïence. Aucun d'entre eux ne semblaient vouloir se décider à le rompre.
Ce fut finalement Ignea qui le fit, demandant d'un ton méprisant :

- Que comptes-tu faire pour Orion ?

- Orion n'est plus mon problème immédiat.

Elle écarquilla les yeux et s'apprêta à se mettre à hurler à nouveau. Il la coupa juste avant qu'elle ne se lance :

- Tu ferais mieux de te calmer avant que je ne m'énerve et ne t'assomme Ignea.

La dame en resta bouche bée. Elle se leva, interdite, debout sur le lit et plissa des yeux. Un vent furieux s'agitait dans la pièce, comme une bête en cage. Il soulevait le bas de la robe de la dame, ses cheveux, lui donnant des airs de fantôme vengeur ou de déesse de la haine. Son regard hautain et méprisant aurait pu figer un lac de lave. Elle tremblait et ne désirait qu'une chose : le voir s'écrouler au sol, raide mort. Seulement elle appréhendait également ce qu'il s'apprêtait à faire. Sa voix siffla :

- J'espère sincèrement que tu ne comptes pas m'enfermer.

- Et pourquoi cela ?

- Tu sais très bien pourquoi.

Les yeux sombres d'Ignea le dévisageaient. Elle sentait son sang pulser contre ses tempes. Alaster savait pourquoi. Et pourtant, cela ne changeait rien à sa décision. Un flot pur de haine s'empara d'elle. Elle serra les poings. Le seigneur des marais plissa des yeux et siffla :

- Je ne te laisserai pas faire une terrible connerie Ignea. Je ne laisserai pas le marais te noyer. Ça suffit.

La terrible femme plaqua ses mains contre ses oreilles et cracha :

- Fou moi la paix Alaster.

- Je n'ai pas l'intention de te "foutre la paix" Ignea. Jamais.>>

Cela sonnait plus comme une promesse que comme une menace, et ce, pour la première fois depuis le commencement. La Dame serra des poings tandis qu'Alaster quittait la chambre, fermant la porte derrière lui. Le bruit de la clé dans la serrure et l'aboiement sec d'un des gros chiens indiquèrent à Ignea qu'elle était belle et bien coincé.

Atralean - La Dame Du MarécageWhere stories live. Discover now