Chapitre VIII. Soif de sang

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<< Vraiment ? Tu y es retournée ?

Alouan regardait Ignea avec de grands yeux amplis de fascination. Cette dernière était en train de polir quelques armes usées et souillées de sang qui n'avaient pas servit depuis fort longtemps. Une brume montait du sol et s'enroulait autour des colonnes de la pièce, amplifiant l'aspect irréel du lieu. Toute attelée à sa tâche, elle lui répondit :

- Oui. Mais crois moi, il ne s'est rien passé de bien intéressant.

- Tu es retournée dans le monde des humains !

La Dame du Marécage serra les poings pour réfréner une soudaine réplique cinglante. Après tout le petit garçon était coincé à Atralean pour l'éternité à cause de partir d'âme damnée. Seule les créatures à part entière pouvaient traverser le portail. Les âmes damnés, quant à elles, étaient prisonnières à jamais de marécage. Et c'était ce qui retenait Alouan ici.

- Ce n'est pas juste ! Pourquoi toi, qui n'es pas comme eux non plus, peux-tu passer ? plaida le petit garçon, une moue boudeuse sur son visage angélique.

- Je ne suis pas à moitié damnée moi, gamin. Mon âme m'appartient encore entièrement et je suis toujours libre de quitter Atralean.

Du moins l'était-elle en apparence. L'enfant ne se laissa pas convaincre pour autant et rétorqua, enjoué :

- Et comme je ne peux pas le faire moi même, je compte sur toi pour me raconter ! Qu'est devenu ce monde ?

Ignea soupira mais finit par céder et lui narra rapidement sa rencontre avec son descendant ainsi que l'apparence du monde des humains et ses technologies modernes qu'elle avait pu apercevoir. Alouan buvait ses paroles, presque émerveillé. À la fin du récit, il soupira :

- Le monde humain a bien changé en quelques siècles...

- Tu tiens tant que cela à y retourner ?

L'enfant réfléchit un instant. Y retourner, c'était découvrir que plus rien de son ancienne vie n'existait. C'était aussi quitter Atralean, voyager, lui, le prisonnier des marais maudits. Alouan secoua la tête et ajouta d'une voix énigmatique :

- Autant que toi tu tiens à Alaster.

- Perfide. Tu en sais beaucoup trop sur moi, tu deviens dangereux petit. Je ferais mieux de te chasser du palais pour que tu retournes à ton marais...

Ignea ricana. Que faire quand un ange tombé du ciel vous fixait de ses yeux blancs et attendait en souriant que vous daigniez approfondir vos réflexions ?
Soudain un croassement attira l'attention des deux comparses. Un oiseau aux plumes de jais descendait en piquée du ciel, fondant sur la Dame. Cette dernière regarda la bestiole s'approcher d'elle à toute vitesse et quand l'oiseau fut à porté de bras, elle l'attrapa agilement, enserrant le petit corps entre ses mains maigre et sèches. Elle sentait les plumes caresser sa peau glaciale, les battements du cœur minuscule de l'oiseau... Ignea se figea un instant. La petite voix de l'enfant lui parvint :

- C'est bien ce que je crois ?

Elle ne répondit pas. Alors Alouan continua :

- Ignea, c'est un corbeau spectral. En temps normal, jamais, au grand jamais, ils ne s'approchent d'un être vivant... autre que leur gardienne, bien évidemment.

Leur gardienne ? Ah oui, Ravenna ! Ignea se rappelait encore de la femme qu'avait tué Alaster quand elle était venue le voir avant sa visite chez les humains. Sans aucune pitié, la Dame répliqua :

- Ravenna est morte. Je crois qu'elle n'avait pas mené à bien une mission qu'Alaster lui aurait confié... Encore une vulgaire courtisane victime du seigneur de cette cour et de ses impitoyables lois...

Atralean - La Dame Du MarécageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant