Chapitre XIII. Étranges événements

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L'oiseau survolait le marais. Ses ailes de la couleur de la suie battaient faiblement dans l'air. Il était seul. Il n'y avait plus un seul corbeau près de lui. Il se sentait lourd, plus lourd que l'air et bientôt, il ne volerait plus. Le marécage n'etait plus un lieu accueillant pour lui. Il était le dernier. Cela avait commencé il y a une lune quand la grande moitié de ses frères s'en étaient allés. Et puis ces derniers jours, le marais avait dégagé tant de mauvaises choses, des ondes nefastes que percevaient les corbeaux spectraux, qu'ils avait tous decidé de fuir. Seulement certains étaient restés pour prévenir les autres du malheur qui les attendait. Car tel était leur rôle.
En survolant le marais, l'oiseau avait pu apercevoir les changements qui commençaient à subvenir. Les berges étaient grignotées par les eaux, des langues de terre avait disparues, le niveau d'Atralean avait quelque peu augmenté et les innondations étaient nombreuses. Tous le marais Est était sur le point de disparaître. Et le marais norroid semblait vouloir suivre son exemple. Et soudain, ses ailes se figerent en plein vol, aussi solide qu'un roc. La fatigue, la solitude, la faim eurent raison de lui et il chuta du ciel. Une chute vertigineuse qui le conduit droit entre des paumes froides. Mais son coeur ne battait déjà plus. Lui, le dernier corbeau spectral d'Atralean était mort.

***

<< Quelqu'un m'expliquera un jour pourquoi tous ces maudits oiseaux se sont décidés à venir crever dans mes mains !>> pesta Ignea, furieuse.

Mais à travers sa furreur, une pointe d'incompréhension se faisait sentir. Si cet oiseau était  bel et bien le dernier de son espèce c'était que le monde n'en avait plus pour longtemps. La dame observa entre ses doigts la frêle créature. Pourquoi venir à elle ? Elle n'était que la Dame du Marécage. Ce n'était pas elle qu'il fallait prévenir mais le seigneur d'Atralean.

Ces oiseaux n'ont décidément rien dans leurs crânes de piaf !

Elle laissa le corbeau retomber au sol et leva les yeux sur ce qui l'entourait. Elle était légèrement épuisée après sa visite de controle du marécage. Ignea avait pris connaissance des modifications du marais ainsi que des innondations et des étrangetés advenues récemment. Atralean était réellement sans dessus - dessous.

Soudain un silence inhabituel prit place. La Dame fronça des sourcils et ferma alors les yeux, de manière à être plus concentrée. Et c'est là qu'un long et terrifiant rugissement déchira l'air, faisant trembler tout le marais. Un rugissement qui venait des profondeurs d'Atralean. De son coeur, de son noyaux. Un endroit encore plus mysterieux que le marais lui même. Lorsqu'elle releva les paupières, la surprise ainsi qu'une légère inquiétude brillaient dans ses pupilles noires.

Un gros chien apparut alors, porteur d'un message. La bête s'assit aux pieds de la Dame et Ignea s'agenouilla à même le sol. Lisant le message elle poussa un profond soupire. Elle devait rentrer. Le chien semblait affamé et la jeune femme se dit alors que rien ne l'empêchait d'envoyer l'animal chasser tandis qu'elle ferait un petit détour.

Elle devait vérifier une dernière chose. Et pour cela elle devait de nouveau rejoindre Alouan dans les marais perdus. Elle aurait dû l'emmener avec elle au lieu de le laisser s'en aller. Cela lui aurait éviter de faire tous le tour. Pestant contre son propre manque de practicité, Ignea se mit en route vers les marais perdus. Ces derniers temps, avec tout ce qu'il se passait, elle voyait plus souvent l'enfant aux yeux blancs que n'importe qui. On pourrait presque croire qu'elle ne pouvait plus se passer de lui, ce qui était totalement faux. La Dame n'avait besoin de personne. Outre Alaster. C'est lui qui, en quelque sorte, assurait sa position.

Les marais perdus étaient vraiment la zone la plus effrayante d'Atralean. Le brouillard y était plus dense et les bruits qui s'échappaient des bassins étaient on ne peut plus étranges. La jeune femme avançait dans cet endroit sinistre sans se soucier le moins du monde de ses vêtements que la vase recouvrait. Une Miül la frola alors et se glissa dans les eaux vertes. Un cris humain résonna quelques instant plus tard. Un humain ? Dans cette partie ci du marecage ? Le monde était vraiment chamboulé !
La tirant de sa reflection, une petite silhouette apparut au loin. En moins de tempsqu'il n'en faut pour le dire, la Dame du Marécage la ratrappa et se posta face à l'enfant.

<< Ignea ?

- Et oui, encore moi. Je crois qu'on arrivera vraiment pas à se debarasser l'un de l'autre gamin.

Alouan la regardait, confu.

- Que veux tu ?

- Toi qui sais étrangement tout, ce que je soupsonne être grâce à tes yeux détraqués, tu vas m'expliquer ce que retient actuellement Atralean dans ses profondeurs. C'est à ton tour de me raconter une histoire. Et dépêche toi, je n'ai pas le temps.

Face à l'air implacable de son "amie", le petit garçon obéit immédiatement.

- Alaster n'est pas le seul premier. Il y en avait d'autre. Des choses encore plus terrifiantes, des bêtes sanguinaires. Dans un premier temps, Atralean était vraiment une terre apocalyptique. Ces choses regnaient avec violence. Et notre seigneur n'échappait pas à la règle. Les combats entre eux n'étaient pas rares du tout. C'était un enfer. Un veritable enfer. Tel que les humains se l'imaginent. Ces choses à elles seules pourraient détruire Atralean et la Terre si elle venait à être libérées. Mais Alaster est le fils du marecage, le puissant, l'immortel. Sous son pouvoir, le marécage les a englouties, les a avalées sans pitié. Et elles sont maintenant prisonnières dans ses profondeurs pour toujours.

- Pour toujours, réellement ?

- Non. Elles pourraient s'échapper lorsque...

Il se tut soudain. Ignea fronça des sourcils et d'une voix sèche ordonna :

- Lorsque quoi ? Parle !

- Je suis désolée Ignea. Mais cette partie là reste obscure... Elles pourraient s'échapper mais je ne sais pas quand...

La dame avait déjà tourné des talons et se dirigeait vers le centre du marais. Alouan lui demanda en criant :

- Où vas-tu ?

Sans se retourner elle repondit comme si il s'agissait d'une évidence :

- Interroger la seule personne qui sache réellement ce qu'il se passe dans ce foutu marecage !>>

L'enfant la regarda s'éloigner, ne comprenant réellement pas pourquoi ce passage là restait obscure alors qu'il le savait pourtant. Rien n'avait plus de sens. Peut être que l'apocalypse était vraiment proche finalement...
La courte visite de la jeune femme l'avait complètement chamboulé.

La Dame du Marécage arrivait enfin au pieds du sinistre palais en même temps que son gros chien. Alors que ses yeux balayaient une dernière fois la surface du marais, Ignea se figea. Elle venait d'apercevoir au travers du brouillard Orion sur l'autre bord d'une péninsule. Elle serra instinctivement les poings alors même que le chien lâcha un grognement. Il sentait la rage de sa maitresse. Les deux rivaux se toiserent un instant. La haine brûlait dans le regard d'Orion. Face à ce flot de fureur, la Dame esquissa un sourire narquois et passa sa langue sur ses dents. Elle semblait satisfaite de l'expression fielleuse du frère de sa défunte rivale. Alors elle lui tourna le dos. Elle avait pourtant appris à ne jamais tourner le dos à un adversaire. Mais aujourd'hui plus rien ne semblait pouvoir l'atteindre.
Seul se faisait ressentir le regard furibond de l'homme à la chevelure flamboyante sur son dos.

Atralean - La Dame Du MarécageWhere stories live. Discover now