Chapitre XXVI. Réclusion.

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Cela faisait deux jours. Deux jours qu'elle était enfermée dans la chambre. Lorsqu'Alaster avait tenté d'y pénétrer pour lui donner de quoi se nourrir elle s'était jetée sur lui et il avait du ressortir prestement. À force de s'être acharnée contre tous les murs de la pièce et d'avoir entièrement saccagé cette dernière durant deux jours entiers, Ignea avait finit par s'endormir à même le sol, à bout de force.

C'est là qu'Alaster la trouva quand il y retourna, et poussant un soupir mi-agacé mi-exténué, il la ramassa et la coucha dans l'immense lit. Elle ne s'éveilla même pas.

Le seigneur d'Atralean comprenait la folie de sa Dame. Ignea l'avait prévenu, elle ne supportait pas l'enfermement. Mais faisant fi du risque qu'il encourrait il l'avait tout de même fait. Après tout, si cela lui permettait de la préserver du marais le temps de trouver une solution, la bête ne reculait devant rien.

Il se pencha au dessus d'elle et observa un instant les traits émaciés avant que son regard ne dérive sur le corps tout recroquevillé de sa Dame.
Ses yeux brûlaient d'un désir qu'il réprouvait presque tant il était violent. Il ne pouvait s'écouter dans un moment pareil.

De ses griffes, le seigneur d'Atralean caressa doucement le visage disgracieux de son amante.

<< Tu me fatigues Ignea. Tu me fatigues vraiment. Pourquoi ne peux tu pas te contenter d'agir comme autrefois, d'obéir sans contester ? >>

Il connaissait la réponse. La Dame s'éveillait. Elle en avait assez de n'être qu'une pâle ombre. Elle voulait s'assumer elle et son pouvoir. S'affranchir. Et cela, Alaster ne pouvait pas l'accepter. Comment le pourrait-il ? Si cela arrivait, il la perdrait certainement.

*

Quatre murs l'enfermaient dans une pénombre étouffante. L'odeur de la mort traînait dans les cachots et le moindre bruit causait des frissons d'horreur à la jeune femme. Les cordes autour de ses poignets étaient tant serrées, qu'elles en étaient douloureuses. Recroquevillée à même le sol, Ignea essayait de garder les paupières fermée pour ne pas saisir l'ampleur de la situation. Son inconscient savait que tout était finit mais elle voulait encore espérer qu'il lui restait une chance. Chaque battement de son cœur résonnait dans tout son être tandis que sa terreur grandissait mêlée à une étrange fureur.

Un grincement la tira de sa léthargie. Deux hommes entrèrent dans sa cellule. La lumière était si vive qu'elle agressa les yeux de la jeune femme qui se redressa tant bien que mal. Le premier prit la parole :

<< Dame de Castelnera vous êtes accusée de sorcellerie, d'avoir pactiser avec le malin et de procéder à des cultes réprouvés par notre sainte mère, l'église catholique.

Ignea leva la tête. Elle, une sorcière? Sa magie se résumait à l'apparition d'un léger brouillard noir, au contrôle d'un petit vent, un léger souffle inoffensif, capable seulement d'éteindre une bougie. Quand au reste, il était si aléatoire qu'elle pensait parfois n'avoir eut qu'une hallucination.
Elle entre-ouvrit les lèvres et sa voix rauque asséchée par la soif résonna dans les coins obscures du cachot :

- Qui a...

Elle n'eut pas le temps de finir qu'une gifle la fit taire. L'impacte fit basculer sa tête sur le côté.

- Tais-toi, sorcière.

Ses yeux d'un vert émeraude croisèrent ceux de l'inquisiteur qui sembla soudain hésiter. La beauté d'Ignea était saisissante. Il était dur d'y faire face. La "Belle de nuit" était réputée pour son charme et ses traits envoûtants. Encore un piège du malin ne put-il s'empêcher de penser. Cela fit enfler sa haine. De sa voix encore plus grave et méprisante qu'auparavant, il cracha :

- Afin de prouver votre culpabilité vous devrez passer la Question. Pour vous, se sera le piquetage. >>

Il fit signe à son compagnon de s'approcher.

Le piquetage ? Ignea frémit. Elle avait eut connaissance de cette technique... Ses bourreaux allaient la piquer à plusieurs endroits avec un pique à la recherche de la partie de son corps qui aurait reçu la marque du diable et qui donc, serait insensible à la douleur. Hors la jeune femme n'avait pas reçu la marque du diable puisqu'elle n'avait pas pactiser avec lui. Elle se mit à le hurler du plus profond de son âme mais rien n'y fit.

Et lorsque l'aiguille s'enfonça pour la première fois dans sa peau immaculée, elle ne pu retenir son cri déchirant de douleur.

Lorsqu'au final, éreintée par la souffrance, elle cessa de réagir quand la pointe de fer s'enfonça une énième, prêt de son cœur cette fois ci, il fut déclaré que tel endroit avait été marqué par le diable.
Ignea de Castelnera, la "Belle de nuit", était une sorcière.

*

Ignea se releva brusquement, en prenant une grande inspiration. Son regard parcouru la chambre puis se posa sur la porte. Fermée à clé. Elle était enfermée...
La dame avait l'impression qu'un bourdonnement s'était emparé de son esprit et martelait sa tête.
Hésitante, elle se glissa hors du lit. Ses mains tremblaient et son souffle se coupa. Elle ne comprit pas tout de suite ce qu'il lui arrivait. Elle chancela, ses jambes ne tenaient pas, et elle s'aggripa in-extremis au rebords de la table. Seulement, elle serra tant que le bois explosa entre ses mains, envoyant des échardes grosses comme des poignards aux autres coins de la pièce. Certains copeaux se figèrent dans sa paume et le sang noire se mit a couler. Elle recula en titubant et tenta d'essuyer le sang. Elle devait... elle devait respirer...
Ignea comprit qu'elle était en train de faire une crise panique si violente qu'elle pourrait ne pas s'en remettre.

Il fallait qu'elle sorte.

Elle se précipita à la porte et tenta de l'ouvrir. Ses poings s'abattaient contre le bois massifs. Mais rien n'y fit, la palissade était solide, et tous les pouvoirs du monde ne parviendraient pas à la briser. Elle s'essouffla à tenter de se libérer. Se retournant et s'adossant à la porte de bois, Ignea se passa une main dans les cheveux, au seuil de la panique. Elle avait l'impression que les murs se resserraient autour d'elle pour l'emprisonner à jamais. Ses hurlements de souffrance lui revinrent en mémoire, les ombres du cachots se redessinaient dans son esprit...
Elle allait le devenir folle de douleur tant l'étau qui comprimait son cœur et ses poumons était fort.

Elle avisa alors la fenêtre. S'approchant, toute tremblante, elle brisa la vitre d'un violent coup de poing. Le vent furieux gifla son visage. La chambre se trouvait dans un des étages les plus élevés du palais. Au pieds de la muraille, se situait un bassin d'eau brune peu profonde. Cette seule partie d'air ne lui suffisait pas. Elle devait réellement sortir, s'échapper. Ou les mauvais souvenir lui feraient complètement perdre l'esprit.

Alors, se penchant encore plus au dessus du vide, elle se laissa chuter par delà la rambarde, le vent sifflant autour d'elle. Le sol s'approcha d'elle à une telle vitesse qu'elle ferma les yeux pour ne plus le voir venir.
L'impact lui coupa le souffle tandis qu'une douleur sourde se propagea dans tout son être.
Mais elle était libre...

Atralean - La Dame Du MarécageWhere stories live. Discover now