Chapitre XVII. Vaines illusions

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La Dame marchait d'un pas rapide dans les longues galéries du palais. Elle tentait de se remémorer autre chose, des choses qui lui permettraient de comprendre. Plus elle en apprenait, moins elle en savait, et, à la longue, c'était assez frustrant. Mais Ignea saurait le fin de mot de toute cette histoire. Elle se l'était jurée. Et si elle avait eut tendance dernièrement à briser un ou deux serments, elle ne rompait jamais une promesse faite à elle même.

La fatigue se faisait sentir. Elle n'avait pas dormi depuis longtemps et son esprit était constamment occupé à chercher une solution. Elle en trouvera. Elle ne se laissera pas emporter sans avoir au moins combattu.
Et alors qu'elle poussa une énième porte, sa vue se troubla quelques instant. Elle s'appuya contre le mur un instant, le temps que sa vision redevienne plus nette. Elle fronça des sourcils en se rendant compte qu'elle était de retour dans la salle du trône. Une foule y était amassée et s'emblait s'intéresser à quelque chose. Une chose qu'Ignea ne pouvait voir de là où elle était. Chancelante, elle s'approcha du groupe. On se décalait sur son passage, on lui jetait des regards et on chuchotait. Des murmures lui parvenaient, indistinct. Le monde semblait être brouillé. Mais quand elle finit sa progression, elle reprit soudainement le contrôle de ses sens. Sous le coup de l'effroi.

Devant elle, se tenait le plus horrible des spectacles.

Alaster se tenait debout, dans toute la splendeur de sa monstruosité. Ses griffes étaient brandies, menaçantes et dangereuses, le reflet de la lumière des bougies y scintillant. Et à ses pieds, était recroqueviller le petit corps d'un enfant à la chevelure blonde comme le blé.
Alouan.

Ignea écarquilla des yeux alors que son cœur rata un battement. Il y eut un moment de flottement où tout sembla se dérouler au ralentit. Les griffes tranchantes et aiguisées fondirent vers le petit garçon tandis que la Dame se précipitait vers eux, bousculant ceux qui se trouvaient encore sur son chemin.

Elle s'aggrippa in-extremis au poignet de la puissante patte de son amant et tenta de le retenir. Elle hurla de rage :

<< Ne fais pas ça !

Il se débarrassa d'elle d'un violent geste et elle chuta en arrière. Puis il acheva ce qu'il avait commencé. La terrible femme tenta de s'interposer mais elle était impuissante. Même ses pouvoirs ne semblaient pas fonctionner.
Le hurlement d'Alouan, son confident, la glaça de terreur. Puis les cris moururent alors en même temps que l'enfant des marais maudit et la Dame tomba à genoux près du corps, ses traits disgracieux figés dans une incompréhension et une colère totale.

Elle secouait la tête comme pour s'assurer que tout ceci n'était pas un rêve. Un cauchemar.
Le sang la recouvrait entièrement, elle étouffait. Jamais le sang ne l'avait ainsi terrifiée. Et la voix d'Alaster résonnait dans ses oreilles, tel un vicieux serpent venimeux qui s'insinuerai dans son esprit :

- N'est ce donc pas ce que tu voulais ? En finir avec tout ceci ?

C'est alors qu'elle avisa une longue lame et, animée par la rage, d'un pas rapide elle s'en saisit, la brandissant en direction d'Alaster. Celui ci s'en moqua :

- Qu'attends-tu, chère Ignea ? Tue moi. Tu n'attends que ça depuis toujours. Tu aurais alors ce trône si convoîté...

Face à la fureur incontrôlée de la Dame du Marécage, il siffla, un sourire cruel aux lèvres :

-Aller ! Un peu de courage ! Tu n'es pas une lâche à ce que je sache ? Vas y ! Tue moi ! La mort ne me fait pas peur... >>

Agacée face au calme de son amant, Ignea retourna soudain son arme en direction de sa gorge, la lame se tenant prête à trancher le cou si fin de la dame. Le visage du monstre sembla se modifier, comme si tout ceci n'avait pas été prévu dans ses calculs, comme si cela ne suivait pas la ligne qu'il avait déterminé.
Comme si cela le perturbait.
Et une infime partie de la Dame s'en réjouit, prête à aller jusqu'au bout pour contrecarrer ses plans.

Subitement, elle se figea. Quelque chose clochait. Ses yeux parcouraient ce qui l'entourait, pris d'une soudaine frénésie alors même que la bête l'observait. C'est là qu'elle aperçut enfin ce qui lui échappait. Un scintillement, un reflet.
Une illusion.
Ignea était prisonnière d'une illusion ! Et plutôt puissante de surcroît. Les moindres détails étaient fais à la perfection. Une prison presque inviolable. Une prison qui s'inspirait des pires craintes et rêves de la Dame. Une prison qui peut mener à la mort autant par ses mensonges qu'en puisant toute l'énergie vitale de la victime. Et il était impossible de déterminer depuis combien de temps elle y était. Quelques secondes, quelques minutes, quelques heures... tout dépendait de celui ou celle qui l'avait créée.

Seulement, Ignea était plus puissante qu'elles, de simples illusions ne la retiendraient pas. Une assurance nouvelle et presque amusée ayant remplacé tout le reste, elle roula des épaules, fit craquer sa nuque et se détendit. Rien de ce qui ne l'entourait était réel. Ni le sang, ni la foule, ni... Alaster. L'épée avait disparut d'entre ses mains. Elle se tenait droite, debout, et plissa des yeux. Le monde autour d'elle sembla se brouiller, perdant de sa netteté. La Dame leva la main quelques instants, la maintenant en suspens. Puis elle serra le poing. Les monde se fissura alors avant de se briser en millier d'éclats, comme si il avait été constitué de verre. La jeune femme eut un violent éblouissement avant de s'effondrer. L'instant d'après elle se releva et repris ses esprits en cligant des yeux. Elle était en train de s'éveiller dans une pièce de la demeure du seigneur d'Atralean. Une grande pièce, froide et lugubre, comme toit le reste du palais. Aux pieds de la Dame trainait un de ses sabres. Si Ignea avait été jusqu'au bout de l'illusion, elle serait morte, transpercée par sa propre lame... Quelle ironie du sort !
Mais le monde était redevenu ce qu'il était.

Aucun doute ne persistait sur l'origine de cette attaque. Les illusionnistes, une ancienne famille du marais ayant l'étrange capacité d'influer sur l'esprit pour créer des illusions, n'étaient pas connu pour apprécier la Dame du Marécage. Ils faisaient partis de ceux qui pensaient qu'il aurait mieux valut pour Atralean que jamais Alaster n'apporte avec lui cette... humaine, qu'elle n'était qu'une intrigante, une femme à l'esprit dérangé fade et sans saveurs. Et aujourd'hui, ils étaient passés à l'attaque. Malheureusement pour eux, ils avaient échoués et les représailles d'Ignea de Castelnera allaient être terribles.

Atralean - La Dame Du MarécageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant