Chapitre 32

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Martina

Je fais les cents pas dans le salon. Qu'est-ce qu'ils fabriquent ? Cela fait trente minutes qu'ils devraient être là. Je me sens vraiment parano, mais je suis totalement dépassée. Et s'il refusait de me la rendre ? Non, il ne ferait jamais ça, il n'est pas comme ça. Si ?
Ma mère m'observe, l'air neutre. Je sais ce qu'elle pense, mais je la remercie silencieusement de ne rien dire. J'ai toujours été avec Ylana, je ne l'ai jamais laissée à quelqu'un comme ça. Je sais que ce n'est pas n'importe qui, qu'elle avec son père, mais je n'aime pas ça. Je veux être avec elle, et avec lui.
Quand on sonne enfin à la porte, je fais un grand tour sur moi même, manquant de glisser sur le parquet à cause de mes chaussettes. J'arrive devant la porte mais ma mère a déjà la main sur la poignée. La porte s'ouvre et Ylana courre directement vers moi. Elle m'a tellement manqué !

- Maman !

Je l'attrape directement dans mes bras en m'abaissant pour être à sa hauteur. Elle a plein de chocolat sur le visage, et elle sourit comme une folle.

- On a été chercher une glace.

C'est pour ça qu'ils étaient en retard alors ? J'aperçois Jorge passer la porte d'entrée, avec le gros sac d'Ylana. Il ne me regarde pas, se contente de déposer le sac dans le couloir et relève la tête vers ma mère. Je me déconcentre sur ma fille, parce que le voir ainsi me fait trop mal.

- Je vois ça.

Je lui fais un grand sourire et passe ma main dans ses cheveux. Je me redresse alors, super mal à l'aise, et vais doucement vers lui.

- Salut.

Je lui souris doucement, c'est horrible. Il s'oblige à me regarder - ou plutôt me toiser - quelques secondes, et se contente de me répondre avec un hochement de tête. Il force un léger sourire, et semble ne pas vouloir approfondir les choses. Il regarde sa fille, qui vient s'accrocher à sa jambe.

- Tu vas rester un peu, hein papou ?

Il ne restera pas. Pour elle il l'aurait fait, mais je suis là. Je suis le problème. Je me penche pour attraper la lettre que j'ai laissé sur la table basse. Il en profite pour faire un câlin à Ylana.

- Je suis désolé mon ange, papa a des choses à faire, et puis tu vas rester avec maman, d'accord ?

Je me redresse et elle fronce les sourcils. Jorge me regarde, et je m'approche doucement. Ma mère me lance un regard, et elle comprend.

- Il reviendra mon coeur, viens avec moi on va aller chercher les gâteaux à la cuisine.

Ylana fait un bisou sur la joue de son père avant de suivre ma mère, qui salue Jorge également. Il s'apprête à tourner les talons. J'ai du mal à ouvrir la bouche, mais il faut que je le fasse.

- Attends, s'il-te-plaît.

Il ralenti mais ne se retourne pas. Je l'entends expirer un long coup. Il est profondément blessé, je le sais. Il n'a pas envie d'être là non plus. Je sais qu'il le fait pour Ylana.

- Je n'ai pas envie de parler Martina.

Ma poitrine se sert, même si je le savais. Je ne m'attendais pas à ce qu'il arrive, et me saute dans les bras. Mes yeux se mouillent directement, et je fais tout pour les contrôler. Je ne veux pas qu'il ait pitié, ça ne servirait à rien. Mes mains tremblent, je perds toute contenance et commence à balbutier.

- Hum je sais, je...

Il se retourne, les sourcils froncés et le regard loin. Il parle froidement, je ne l'avais jamais vu comme ça.

- Je dois vraiment y aller.

Je lève le bras et lui tends la lettre.

- Je voulais juste te... donner ça. J'ai besoin que tu la lises, s'il-te-plaît.

Il inspire et la regarde dubitatif. Je regarde mes mains et l'entends souffler, je relève alors la tête et plonge mon regard dans le sien. Il semble y percevoir mon désespoir.

- Je t'en prie, je ne te demande que de la lire, je n'attends rien de toi juste...

Il me coupe en la prenant doucement.

- Ouais, d'accord.

Ouais ? D'accord ? Sérieusement ? Je me sens mal. Il a ce pouvoir sur moi, c'est lui qui prendra la décision ; lui et Ylana, avec ou sans moi.
Il regarde un coup la lettre, et je ne peux m'empêcher de me braquer. Est-ce qu'il va vraiment la lire ? Ou est-ce qu'il va la jeter dans la première poubelle qui sera sur son chemin en partant ? Je ne sais plus quoi attendre venant de lui. Je sais que d'habitude il ne ferait jamais ça, mais il est tellement en colère...

- Merci.

Je souris faiblement. Je lutte avec tout ce que je peux pour ne pas craquer devant lui. Il ne bouge pas, moi non plus. Le temps se fige, et je suis à la fois mal à l'aise et soulagée. Il ne fuit pas totalement je le sens, cela veut sûrement dire qu'il a envie d'entendre mes explications mais qu'il refuse de l'admettre par fierté. J'ai envie de parler, de tout déballer, mais rien ne sort. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? 

- Je suis tellement désolée.

Ma voix déraille, trahie par mon émotion. Je ne veux pas montrer ma faiblesse et le pouvoir qu'il a sur moi avec cette décision qu'il agite au dessus de ma tête. Même s'il reste là, il ne se retourne pas. Je le sens grimacer.

- Je sais Tini.

Je me détends. Plus de Martina. Il inspire un grand coup avant de se tourner vers moi, en relevant la tête bien haut.

- Mais j'ai besoin que tu me laisses tranquille.

Aïe ! C'est moi qui coupe le contact en baissant la tête. Ça fait tellement mal... Je ne peux que comprendre sa réaction, mais c'est intensément dur, bordel. Ça me prend aux tripes.

- Oui, je suis désolée.

- Tu l'as déjà dit.

- Je...

Je ne sais plus du tout quoi dire. Il est tellement sec. J'ai cru un instant qu'il s'était adouci mais je me suis visiblement trompée.

- Bon, j'y vais. 

Il se dirige d'un pas décidé vers la porte et je le suis. 

- Tu n'oublieras pas la...

Il me coupe, agacé.

- La lettre, j'ai compris.

À nouveau il me tourne le dos, et fait comme si rien de tout cela ne comptait. La porte à peine ouverte est aussitôt refermée et je reste bloquée un moment. Mes larmes coulent toutes seules. Il est tellement blessé que je ne le reconnais plus. Derrière son faux comportement de dur qu'il vient de montrer, il est profondément meurtri. Maintenant, il ne me reste qu'à espérer qu'il comprenne et qu'il puisse envisager de me pardonner, de me donner une nouvelle chance même s'il l'a déjà fait. Je ne sais pas pourquoi j'ai cette mauvaise habitude de gâcher toutes les meilleures choses que j'ai ; je mets ma fille en danger en vivant avec un mec qui n'en vaut pas vraiment le coup, je la prive de son père et Jorge de sa fille, et je mens. Je déteste les mensonges mais pourtant je me plonge littéralement dedans. Mais maintenant je ramasse le contre-coup, et je l'ai amplement mérité.

¿Dónde está tu mamá ? {JORTINI} Tome 1Where stories live. Discover now