Privas...

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Plus rien ne sera comme avant. Elysabeth est comme une funambule. Son père ne lui adresse plus la parole. Il est persuadé d'avoir une telle emprise sur sa fille qu'elle finira par revenir et renoncer.

Aujourd'hui, elle reçoit toute une batterie de mails et de courriers. Aujourd'hui, elle va découvrir son affectation. Elle n'est pas vraiment stressée, ça ne peut être que Paris.

Betty ne comprend pas grand chose. Elle fouille du regard mais Paris n'apparaît nulle part. Elle comprend et c'est violent. Chef du bureau de l'immigration à la préfecture de l'Ardèche. Privas.

Privas. C'est quoi Privas ?  Privas. Ardèche. Privas, moins de dix mille habitants. Perdu au milieu du néant. Non, ce n'est pas possible, il doit y avoir une erreur.

_ Bonjour, je suis Elysabeth Du Tonquin... Je vous appelle concernant mon affectation. Je crois qu'il y a une erreur dans mon dossier.
_ Votre numéro de matricule ?
_ 64739.

Silence. La jeune femme entend l'autre au bout du fil pianoter sur un clavier.

_ Il n'y a pas d'erreur. Vous êtes attendue à Privas dans deux semaines.
_ Ce n'est pas possible ? J'ai été dans les meilleures. Je ne peux pas aller à Privas. Non mais c'est un village !

_ Il n'y a pas d'erreurs madame.

Elle raccroche. Elle ne s'offusque jamais mais aujourd'hui elle est vraiment contrariée. Privas. Les images défilent. Elle ne peut pas être affectée dans cet endroit sans vie. Même la devanture de la Préfecture est ridicule. Cette ville est ridicule ! Elle vaut mieux que ça. Dieu ne peut pas l'envoyer là-bas !

Elle reste enfermée dans sa chambre. Et si elle avait fait une grosse erreur ? Elle ne connait pas la province.

Sans amis, abandonnée par son père qui accepte d'avoir perdu la bataille mais pas la guerre, Elysabeth se tourne vers sa petite sœur qui accepte de l'aider. Eve n'est pas rancunière.

Quand elle débarque dans la chambre, Elysabeth est toujours en robe de chambre, le teint cireux.

_ Hey Betty... Pourquoi tu fais cette tête d'enterrement ?
_ Eve... C'est un calvaire. Je te jure.
_ Mais non... Bon tu vas où ? Allez dis-moi que tu vas à Tours ! Comme je serai heureuse de t'avoir près de moi.

Elysabeth fond en larmes. Eve se pose au pied du lit et passe sa main dans les cheveux emmêlés de la rouquine.

_ Hey ne te mets pas dans ces états... Il n'y a pas mort d'hommes.
_ Ça se voit que ce n'est pas toi qui vas à Privas, soupire Elysabeth désœuvrée.
_ C'est où ça ?
_ Même toi tu ne connais pas... C'est en Ardèche... Eve... Je vais mourir là-bas... Loin de Paris, loin de papa... Je commence dans deux semaines et je vais faire une dépression.
_ Hey... Ça ne doit pas être si terrible que ça... Ok c'est terrible... Mais c'est trop bien ! C'est joli. C'est calme.
_ Joli ? Mais il n'y a rien là-bas !
_ Et tu as une meilleure idée ? Tu comptes rester ici toute ta vie ?

Elysabeth fait non de la tête tout en reniflant.

_ C'est une nouvelle vie qui s'offre à toi. C'est une chance !
_ Il n'y a même pas d'aéroport. Il n'y a pas de gare, ni d'autoroute ! J'ai réussi ce fichu concours brillamment et on m'envoie dans la plus petite préfecture de France. J'ai envie de demander à papa de régler ça. C'est dégradant.
_ Tu ne vas rien faire du tout. Tu vas aller là-bas. Je crois au destin sœurette. C'est un nouveau départ.
_ Je dois trouver un logement, déménager. Je ne connais personne. Je ne sais même pas ce que je dois faire.
_ Tu n'es pas toute seule. Je suis là... Je te l'ai dit, je serai toujours là. Tu dois leur envoyer des papiers, je pense. Je m'occupe de ça. Après on regarde les logements ?
_ Les logements... (elle a un hoquet ) J'ai l'impression que Dieu me punit d'avoir désobéi à papa.
_ Je ne veux pas entendre ça. Bon, file prendre une douche, on a du pain sur la planche. Allez Betty !

Les folies de TessWhere stories live. Discover now